Jean-Louis Borloo, un ministre d'Etat absent

Enquête · 10 avr. 2008 à 22:56

Jean-Louis Borloo

Numéro 2 du gouvernement, Jean-Louis Borloo a disparu du paysage politique et médiatique depuis la fin de l'année 2007. Seul ministre ayant le statut de ministre d'Etat, conformément à l'engagement de Nicolas Sarkozy pendant la campagne présidentielle, Jean-Louis Borloo est dans une position paradoxale. Haut placé dans la hiérarchie gouvernementale, son champ d'action est pourtant relégué au second plan en période de crise économique et de contestations sociales. Pire, alors que la loi sur les OGM est débattue à l'Assemblée nationale, il a délégué l'essentiel du travail à sa secrétaire d'Etat, Nathalie Kosciusko-Morizet.


Portrait d'un ministre en déshérence.

Origines et formation

Jean-Louis Borloo est né le 7 avril 1951 dans le 15ème arrondissement à Paris. Il fait sa scolarité au lycée Janson de Sailly dans le 16ème arrondissement. Il s'intéresse particulièrement à la philosophie et à l'histoire. En tant que scout, il passe tous les échelons jusqu'à devenir chef scout.
Après son baccalauréat, il passe une double licence en droit et philosophie, puis en histoire et sciences économiques. En 1976, il s'inscrit en MBA à l'école de commerce HEC et poursuit des études de Finance à l'Institut supérieur des affaires de l'université de Manchester.
Au début des années 1980, Jean-Louis Borloo est nommé avocat au barreau de Paris. Il décide d'ouvrir son propre cabinet spécialisé dans l'entreprise en difficulté. Par la suite, il se spécialise dans la transmission, l'implantation d'entreprises, le marché financier, les fusions et les acquisitions d'entreprises. D'après le magazine Forbes, il est l'un des avocats les mieux payés au monde. Il est notamment l'avocat d'affaires de Bernard Tapie.
Parallèlement à cette activité d'avocat, il donne par ailleurs des cours d'analyse financière à l'École à HEC Paris.

Reconversion : du football à la politique dans la région du Nord

En 1986, à la fois avocat et enseignant, il se lance dans une nouvelle activité : le football, en devenant président du Football Club de Valenciennes. Il découvre alors la région du Nord et s'intéresse à sa vie économique et sociale. Trois ans après, en 1989, il se présente aux élections municipales, à la mairie de Valenciennes, sans étiquette politique, ce qui ne l'empêche pas de se faire élire avec 76% des suffrages. En 1995, il est élu conseiller régional du Nord-Pas-de-Calais.
Par la suite, il se présente aux élections législatives et est élu en avril 1993 député de la 21e circonscription du Nord. Cette fois, il s'est inscrit sous l'étiquette Divers droite. En 1995, il est réélu maire de Valenciennes dès le premier tour avec 63% des voix. En mars 2001, il est réélu mais choisi d'être premier adjoint, ne pouvant plus siéger à la mairie de Valenciennes pour cause de cumul des mandats. En 2008, il est de nouveau réélu.
Dans le Nord, Jean-Louis Borloo veille à lutter contre le chômage même si celui-ci touche près d'un cinquième de la population active. Pour cela, il fait venir une usine Toyota dans la ville d'Onnaing. Le maire de Valenciennes veut également développer les manifestations culturelles : il organise notamment un festival du film d'action et d'aventure et inaugure le théâtre « Le Phénix ».
Enfin, à la fin des années 1990, il lance de grands travaux pour reconstruire le centre de Valenciennes. En 2006 sont ainsi inaugurés le Centre Place d'Armes ainsi que le tramway. En juin 2007, il est réélu député de la 21e circonscription du Nord, au premier tour des élections législatives.

De l'UDF à l'UMP

Jean-Louis Borloo a commencé à faire de la politique sans appartenir à aucun parti. Pourtant dès 1989, il se rapproche du groupe UDF en se présentant sur la liste de Simone Veil aux élections européennes. Mais ce n'est qu'en 1997 qu'il se rallie au groupe UDF. Il est désigné délégué général du parti en 1999 et en 2001 porte-parole. L'année suivante, il s'affiche comme l'un des plus grands soutiens de François Bayrou qui le désigne directeur de sa campagne pour l'élection présidentielle. Pourtant, quand Jacques Chirac est élu président de la République, Jean-Louis Borloo décide de rallier le Parti Radical, parti associé de l'Union pour la majorité présidentielle tandis que François Bayrou reste à la tête de l'UDF et décide de rompre avec le clivage gauche-droite. Cette stratégie, sinon ce repositionnement politique, vaut à Jean-Louis Borloo d'entrer dans le gouvernement Raffarin et d'obtenir un poste de ministre. Il est en quelque sorte la caution gauche du gouvernement.

Ministre délégué à la Ville et à la Rénovation urbaine (2002-2004)

En 2002, le Premier ministre, Jean-Pierre Raffarin, nomme Jean-Louis Borloo ministre délégué à la Ville et à la Rénovation urbaine. Celui-ci doit développer les initiatives concernant la politique de la ville. Il poursuit l'opération « ville-vie-vacances » mise en place chaque été depuis 20 ans et propose en 2002 à 820 000 jeunes des quartiers défavorisés de partir en vacances grâce aux subventions locales. Par la suite, Jean-Louis Borloo doit mettre en place divers projets urbains favorisant la cohésion sociale. L'objectif visé serait de développer les logements sociaux tout en cassant les zones de ghettos urbains. Pour y parvenir, le ministre présente un plan de reconstruction urbaine ainsi que la création d'une Agence nationale pour la rénovation des villes.

Ministre de l'Emploi, du Travail et de la Cohésion sociale (2004-2007)

En 2004, Jean-Louis Borloo est promu ministre de l'Emploi, de la Cohésion sociale et du Logement dans le gouvernement Raffarin et il conserve ce poste quand Dominique de Villepin arrive à la tête du gouvernement en 2005. C'est à cette époque que Jean-Louis Borloo devient particulièrement populaire auprès des Français. Le 24 juin 2004, il présente en conseil des ministres son fameux Plan de cohésion sociale qui comporte 20 programmes et 107 mesures destinés à agir simultanément sur l'emploi, le logement et l'égalité des chances.
En ce qui concerne le logement, il propose en 2005 la création de maisons pour le prix de 100 000 euros. La proposition est très médiatisée mais en 2008, seules 800 maisons ont pu être construites et pour 120 000 euros. Jean-Louis Borloo est également très impliqué par les problèmes des sans-abri et doit notamment faire face à la polémique des enfants Don Quichotte qui chaque hiver, depuis 2006, se mobilisent pour montrer au grand public (par le prisme des médias) les conditions de vie des SDF.

Un soutien tardif à Nicolas Sarkozy en 2007

En 2006, au moment où Nicolas Sarkozy annonce qu'il est candidat à la présidence et que l'UMP l'investit officiellement, Jean-Louis Borloo tarde à lui apporter son soutien. Alors que certains le voyaient déjà Premier ministre au vu des bons résultats de ses différents projets au gouvernement, Jean-Louis Borloo veut des garanties avant de se prononcer. En effet, certains aspects défendus par le candidat ne le satisfont pas, il souhaite que Nicolas Sarkozy s'engage pour défendre les problèmes sociaux. Finalement, après des négociations en interne, Jean-Louis Borloo apporte son soutien au candidat UMP en février 2007.

Gouvernement Fillon : de l'économie à l'écologie

Au lendemain de l'élection de Nicolas Sarkozy, Jean-Louis Borloo est nommé ministre de l'Economie. Après avoir travaillé sur les questions sociales pendant plusieurs années, il obtient le poste qu'il convoitait tant. Mais en raison de sa bourde sur la TVA sociale entre le deux tours des élections législatives, Jean-Louis Borloo, dont les débuts en tant que ministre de l'Economie ont été jugés trop brouillons, est transféré de Bercy au grand ministère du développement durable laissé vacant par Alain Juppé, vaincu à Bordeaux.
Jean-Louis Borloo est plus connu pour sa fibre sociale que son engouement pour l'écologie. Pourtant, il est l'un des fondateurs de « Génération Écologie » avec notamment Brice Lalonde, Haroun Tazieff, Noël Mamère. En tant que ministre de l'écologie, il doit veiller au respect des engagements pris par Nicolas Sarkozy au cours de sa campagne présidentielle avec Nicolas Hulot, veiller à la politique environnementale notamment en faisant une campagne visant à lutter contre le changement climatique, préserver la biodiversité et prévenir des impacts des pollutions sur la santé.
Mais après la réussite du Grenelle de l'environnement à la fin de l'année 2007, Jean-Louis Borloo a disparu du paysage politique et médiatique. Il a semblé laisser Nathalie Kosciusko-Morizet assurer le service-après vente du Grenelle. Ayant participé à tous les gouvernements de droite depuis 2002, et après un passage express à l'économie, la lassitude aurait-elle gagné Jean-Louis Borloo ?

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