Jacques Chirac est né à Paris le 29 novembre 1932, mais ses origines
prennent racine en Corrèze. En effet, ses quatre grands-parents y étaient
instituteurs. Sa mère, Marie-Louise est une mère au foyer, très
attentive à son fils unique. Dix ans avant la naissance de celui-ci, elle
a perdu une fille de dix-huit mois. Elle s'occupe donc avec ferveur de son seul
enfant. Son père, Abel, en revanche, est beaucoup plus distant à
son égard. Il est employé dans une banque et gère les comptes
de clients prestigieux comme Henry Potez et Marcel Bloch, deux constructeurs d'avion
qui ont créé l'hélice-éclair pendant la Première
Guerre mondiale. Abel Chirac instaure donc des relations professionnelles puis
amicales avec ces deux clients. Il démissionne et devient le directeur
général des avions Potez. Pendant la Seconde Guerre mondiale, la
famille Chirac se réfugie chez les Potez dans leur résidence, au
bord de la Méditerranée.
Après la guerre, Jacques Chirac va au lycée Hoche à Saint-Cloud
puis au lycée Carnot. C'est un élève moyen, qui travaille
peu. Il a une passion qui va traverser sa vie : les civilisations anciennes. A
17 ans, durant les vacances, il s'engage, grâce aux relations de son père,
sur un cargo à Dunkerque. La vie au long court lui plaît. Quand il
rentre en France, il se cherche. Il signe l'appel de Stockholm, pétition
lancée par les communistes contre la bombe atomique. Il vend aussi L'Humanité.
Il est ainsi classé dans certains dossiers comme communiste.
A 18 ans, il est admis à l'Institut des études politiques de Paris.
Dès lors, il se met véritablement au travail. Il sympathise avec
Michel Rocard qui est animateur des étudiants socialistes. Il assiste à
quelques réunions mais ne veut pas adhérer au parti déclarant
que ceux-ci sont trop conservateurs et pas assez dynamiques à son goût.
Il rencontre également Olivier Stirn, c'est le début d'une amitié
de vingt ans, et Bernadette Chaudron-de-Courcelles, sa future épouse.
Pendant l'été 1953, il voyage pour la première fois aux Etats-Unis.
Il s'inscrit à la Summer School de l'université d'Harvard. Pour
payer ses études, il est plongeur dans un petit restaurant puis vendeur
de glaces. Là-bas, il se fiance avec une jeune américaine mais rompt
deux mois plus tard. A son retour en France, en automne, il décide de se
fiancer avec Bernadette Chaudron-de-Courcelles qu'il épouse le 17 mars
1956. Cette jeune étudiante est issue d'un milieu très différent
du sien : traditionnel et catholique.
Il intègre l'ENA et fait son service militaire en Algérie. Cette
expérience lui plaît tellement qu'il souhaite s'engager dans l'armée
mais l'ENA refuse de le lâcher. Il n'a rien vu des horreurs de la guerre
et n'est pas au courant des négociations entre l'Algérie et la France.
Lui, comme la majorité des Français, ne souhaite pas l'indépendance
du pays.
En juin 1959, il entre alors à la Cour des comptes et repart en juillet
en Algérie accomplir son stage au gouvernement général à
Alger.
En novembre 1962, il entre au cabinet du Premier ministre, Georges Pompidou. Il
y est chargé de mission des dossiers de l'Equipement, des Transports et
de la Construction. Grâce à ce poste stratégique où
il prend des initiatives et des risques, il se fait appeler « le Bulldozer
». Il entre peu à peu dans le cercle fermé des familiers de
Pompidou. Celui-ci devient pour lui un père affectif et spirituel, une
sorte de mentor. Il le présente à Pierre Juillet, gaulliste, très
conservateur et qui connaît tous les méandres de la politique. Grâce
à ses relations, Juillet est capable de faire ou de défaire une
carrière. Chirac fait sa connaissance et se lie avec lui, il apprend tout
ce qu'il faut savoir en politique : le cynisme, les intrigues et les réseaux.
Juillet décide de donner un fief politique à Chirac : la Corrèze.
En novembre 1964, celui-ci est nommé à la Commission de développement
économique et régional du Limousin. Il est élu, en 1965,
conseiller municipal de Saint-Ferréol , commune où son grand-père
était instituteur.
Grâce à son poste au cabinet de Georges Pompidou, il obtient des
subventions importantes pour conquérir le Limousin aux élections
législatives de 1967. Il emporte la victoire dans une région traditionnellement
de gauche. Son sens du contact humain est remarqué et apprécié.
Il est alors élu député. Il prend sa mission à coeur
: une fois par semaine, il se rend en Corrèze participer à différentes
manifestations et développer sa région.
En avril 1967, il devient secrétaire d'Etat de l'emploi. Il crée
alors l'Agence nationale pour l'emploi (ANPE) pour résorber un chômage
apparu comme un problème certain en France. Georges Pompidou, au lendemain
de mai 1968, demande à son protégé, Jacques Chirac, d'aller
mener des négociations avec les syndicats pour régler la crise qui
paralyse le pays. Chirac rencontre notamment Henri Krasucki. Le 27 mai, sont ainsi
signés entre patronat, syndicat et gouvernement les fameux accords de Grenelle.
Un an après ces événements, de Gaulle démissionne,
Georges Pompidou est élu Président de la République. Il appelle
à ses côtés Chirac comme secrétaire d'Etat au Budget
sous la tutelle du ministre de l'Economie Valéry Giscard d'Estaing. Chirac
commet alors son premier faux pas : Le Canard enchaîné révèle
qu'il s'est acheté un château en Corrèze, classé le
mois suivant monument historique, ce qui sous-entend qu'une partie de sa réfection
est aux frais de l'Etat. Pompidou est furieux. Les journaux surnomment désormais
le secrétaire « Château Chirac ».
En janvier 1971, Chirac devient ministre des relations avec le Parlement. Ce poste
ne l'intéresse guère. Il fait la connaissance de Marie-France Garaud,
proche de Pierre Juillet. Elle connaît tout le personnel politique, aime
les manoeuvres, sait s'attirer les haines. Avec Juillet, elle va faire de Chirac
le leader de la France profonde, terrienne et conservatrice. Ils le placent ainsi
bien plus à droite qu'il ne l'est réellement. Ils l'aident notamment
à écarter Jacques Chaban-Delmas, l'actuel Premier ministre, du gouvernement
: il est remplacé par Pierre Messmer. Chirac, dans ce nouveau gouvernement,
devient ministre de l'Agriculture. Il apprécie ce poste, se rend sur le
terrain et acquiert une forte popularité dans ce monde paysan.
En mars 1974, le gouvernement est remanié. Chirac devient ministre de l'Intérieur.
Quelques jours après, Georges Pompidou s'éteint. Son dauphin est
terriblement affecté. Jacques Chaban-Delmas décide alors de se présenter
aux élections présidentielles mais le duo Garaud-Juillet veut lui
barrer la route. Avec Jacques Chirac, il met en place une stratégie pour
écarter le candidat. Ils vont dans un premier temps demander à Messmer
de se présenter. Celui-ci accepte à condition d'être le seul
candidat du parti. Chaban-Delmas ne cédant pas, il y renonce. De son côté,
Valéry Giscard d'Estaing dépose également sa candidature.
Chirac est donc décidé à le soutenir car selon lui, si Chaban-Delmas
passe au second tour face au candidat PS, François Mitterrand, il va perdre.
Il rédige donc un texte contre Chaban-Delmas dans lequel il regrette qu'il
n'y ait pas de candidat unique de la majorité. Le coupable est désigné
: Jacques Chaban-Delmas. Trente-neuf parlementaires et quatre ministres signent
ce texte baptisé l'« appel des 43 ». Ce texte est rendu public
le 13 avril, Chirac passe pour un traître aux yeux des gaullistes. Néanmoins,il
aura réussi ses manigances puisque Chaban-Delmas perd les présidentielles
et surtout Valéry Giscard d'Estaing le nomme Premier ministre.
En mai 1974, Gisacrd d'Estaing nomme donc Chirac Premier ministre. Le président
choisit les membres de son gouvernement sans le consentement ni la consultation
de son bras droit. Il choisit donc majoritairement des ministres de son parti
et laisse Chirac nommer Simone Veil à la Santé et son ami Olivier
Stirn. Giscard d'Estaing décide de tout et règne en prince, ne laissant
aucune marge de manoeuvre au Premier ministre. La relation entre eux devient très
vite tendue. Chirac continue ses nombreux déplacements en France. Il est
toujours aussi populaire. D'un point de vue international, il se rend à
Moscou déposer une gerbe de fleurs sur la tombe de Lénine, apprend
l'arabe, rend visite à Kadhafi, crée des liens avec l'Irak. Il veut
en effet passer des accords avec les pays arabes afin d'établir des alliances.
Avec Sadam Hussein, il signe de gros contrats sur les armes et la coopération
nucléaire.
Giscard d'Estaing, en nommant Chirac Premier ministre, croit que celui-ci va lui
apporter les voix du parti gaulliste. Il fait erreur : Chirac prépare sa
propre ascension. Grâce à l'aide et aux manoeuvres de Pierre Juillet
et de Charles Pasqua, il prend la tête du parti de l'UDR. Chirac en est
élu secrétaire général le 14 décembre 1974
avec 60% des voix.
Valéry Giscard d'Estaing est alors inquiet : Chirac est parvenu en six
mois à le faire élire président, à être Premier
ministre et surtout à prendre la tête de l'UDR. Tandis qu'il se rend
compte qu'il ne parviendra pas à fédérer la droite autour
de lui, il continue à régner en prince, faisant des festins prestigieux.
La France est mécontente et le manifeste : aux élections cantonales
de 1976, la gauche l'emporte largement. Les tensions entre Chirac et Giscard d'Estaing
sont de plus en plus fortes. Le Premier ministre remet alors sa lettre de démission
en juillet 1974, mais le Président lui demande d'attendre la rentrée.
Il abandonne donc son poste en septembre expliquant qu'il n'avait pas les moyens
nécessaires pour mener à bien sa fonction de Premier ministre. Raymond
Barre le remplace aussitôt.
En décembre 1976, Chirac élabore avec ses conseillers un nouveau
plan pour accéder au pouvoir : la création d'un parti à son
image, le Rassemblement pour la République (RPR) dont il prend la tête.
Ses conseillers lui demandent de se présenter comme maire de Paris, voie
idéale pour accéder à l'Elysée. Chirac n'en est pas
réjoui mais Marie-France Garaud lui rétorque : « on ne vous
demande pas si cela vous fait plaisir ou si vous en avez envie, vous serez candidat
à Paris ». De son côté, Giscard d'Etaing demande à
d'Ornano de se présenter contre Chirac aux élections législatives.
C'est une bataille sans merci qui se joue entre le Président et son ancien
Premier ministre. Certains membres du RPR estiment que Chirac divise la droite.
Ainsi son ami Olivier Stiern démissionne du parti. Finalement, Chirac emporte
les élections, il devient maire de Paris. Mais la partie n'est pas finie.
Lors d'un repas amical entre les Barre et les Chirac, ce dernier annonce au Premier
ministre qu'il va l'attaquer en tant que collaborateur de Giscard d'Estaing. Aux
élections législatives de mars 1978, le RPR obtient plus de sièges
que l'UDF.
Le 26 novembre 1978, Chirac va connaître son premier échec. Il a
un accident de voiture en Corrèze et est transporté à l'hôpital
Cochin à Paris. De là, il lance le fameux « appel de Cochin
» qui dénonce la politique trop tournée vers l'Europe de Giscard
d'Estaing. Il met en garde les Français contre ce Président qui
s'occupe plus des affaires extérieures que des affaires nationales. Cet
appel est très critiqué à gauche comme à droite. Il
en paie les conséquences : face à la liste de Simone Veil regroupant
les giscardiens et les européens, Chirac se présente aux élections
européennes de juin 1979 et n'obtient que 16% contre son adversaire de
droite qui obtient 28% des suffrages. De cet échec cinglant, Chirac tient
pour responsables ses anciens conseillers Pierre Juillet et Marie-France Garaud.
Il se sépare d'eux définitivement.
En 1981, malgré un bilan mitigé et une France en colère,
Valéry Giscard d'Estaing est persuadé d'être réélu.
Poussé par Pasqua, Jacques Chirac propose sa candidature. Selon lui, un
parti qui n'a pas de candidat à présenter aux grandes élections
n'existe pas. Chirac s'entoure alors de ses conseillers qui le suivent depuis
des années : Jacques Toubon, Alain Juppé, Charles Pasqua et Nicolas
Sarkozy. Il mène une campagne partout en France, rencontre les citoyens.
Finalement, au premier tour, il n'emporte que 18% des voix. Giscard d'Estaing
et Mitterrand se retrouvent ensemble au second tour. Chirac affirme qu'il va voter
pour le candidat de droite mais il n'enjoint pas ses électeurs à
le suivre obligatoirement. Une lettre est envoyée aux militants du RPR
appelant à ne pas voter pour Giscard d'Estaing. Au second tour, Mitterrand
l'emporte. Chirac a désormais la voie libre. C'est la première fois
que sous la Ve République la gauche gouverne.
Chirac se présente comme le leader de l'opposition. Il se lance dans une
vaste campagne lors des élections municipales de 1983 : le RPR remporte
les vingt arrondissements de Paris. A la Mairie, Chirac s'entoure de Toubon, Tibéri
et Juppé. Cette victoire lui permet un vaste financement de son parti.
Son statut de maire lui est profitable d'un point de vue institutionnel comme
international. Aux élections partielles, à Dreux, le Front National
fait un score record dans son histoire : il obtient 17% des voix. La droite accepte
de fusionner avec le parti de Le Pen afin de remporter la victoire. Chirac accepte
mais promet qu'à l'avenir il ne passera pas d'accord avec le FN. Avec le
retour à un mode de scrutin à la proportionnelle, le Front national
siège à l'Assemblée. La droite l'emporte de justesse. Mitterrand
est obligé de changer son gouvernement. Il nomme alors Chirac Premier ministre.
C'est la première cohabitation. La situation est compliquée. Les
deux hommes veulent garder le pouvoir mais Mitterrand demeure le Chef d'Etat et
tient à ce que cela se sache. Il demande donc à son Premier ministre
de lui rendre des comptes.
Au début des années 80, Chirac fait d'Edouard Balladur son nouveau
mentor. Ils s'étaient rencontrés à Matignon vingt ans plus
tôt au cabinet de Pompidou. Chirac le nomme vice-premier ministre dans son
gouvernement. Balladur prend en charge l'économie : il supprime donc l'impôt
sur le revenu et mène une politique de privatisation. Chirac veut légiférer
par ordonnance ces décisions mais Mitterrand refuse de privatiser des entreprises
nationalisées avant son arrivée au pouvoir. Chirac menace de démissionner,
le Président ne le retient pas. Il est obligé de céder mais
il sort affaibli de cette affaire. En décembre 1986, une nouvelle crise
éclate : les étudiants manifestent contre un projet de loi, la loi
Devaquet qui prévoit l'autonomie des universités et une sélection
à leur entrée. Mitterrand ne soutient pas Chirac qui est obligé
de faire avorter le projet.
En 1988, Chirac se lance dans la campagne présidentielle mais n'obtient
que 18% des voix au premier tour. Il se retrouve face à Mitterrand. Ce
dernier remporte la victoire avec 53,9% des suffrages. Michel Rocard prend la
place de Chirac à Matignon.
Pendant deux ans, Chirac se retire de la politique. Il revient alors avec l'objectif
d'obtenir l'Elysée. Pour y parvenir, il doit garder la tête du RPR.
Ce n'est pas évident car pendant son absence, Pasqua et Seguin s'allient
pour diriger ensemble le parti. En février 1990, les militants sont appelés
à voter. Chirac l'emporte très largement.
En 1992, Chirac est confronté à un nouveau conflit avec son parti.
Mitterrand veut faire ratifier par référendum le traité de
Maastricht. Chirac s'était opposé à l'Europe dans les années
1970 mais a compris que la France a besoin de l'Europe pour se développer.
Il appelle à voter « oui » tandis que le RPR se montre hostile
au traité. Finalement, les Français ont voté « oui
» pour la monnaie unique, et Chirac apparaît désormais comme
un Européen convaincu.
En 1993, lors des élections législatives, la droite l'emporte. C'est
la deuxième cohabitation. Chirac ne veut pas être de nouveau Premier
ministre, il suggère donc Edouard Balladur. A partir de cette période,
le numéro un du gouvernement pend ses distances avec Chirac. Il mène
sa propre carrière politique et apparaît peu à peu en tête
des sondages. Il annonce sa candidature aux élections présidentielles,
soutenu par Pasqua et Sarkozy. Chirac prend cette annonce comme une trahison.
Il annonce sa candidature dans un entretien à La Voix du Nord le 4 novembre
1994. L'objet de sa campagne est la « fracture sociale ». Il veut
s'adresser aux jeunes et proposer un programme basé sur l'égalité
des chances, la justice et la fraternité.
Finalement, à la surprise générale, Balladur est éliminé
dès le premier tour des élections. Le second tour oppose Chirac
à Jospin. Le Premier ministre appelle à voter le candidat de droite.
Le 17 mai 1995, Jacques Chirac est élu Président de la République.
A son arrivée au pouvoir, Chirac nomme Juppé Premier ministre, Toubon à la Justice et Debré à l'Intérieur. Juppé est dans l'embarras : au vu des caisses de l'Etat, il ne peut mettre en oeuvre les promesses du Président. Il devient très vite impopulaire en augmentant les impôts et surtout en proposant un plan de réforme de la protection sociale. Les Français se mettent en grève. Le pays est paralysé. Le gouvernement est obligé de reculer. Juppé est dans le collimateur : non seulement sa cote de popularité s'effondre. En l'espace de quatre mois, elle passe de 69% à 29%, mais surtout Le Canard enchaîné révèle qu'il loue un appartement à Paris à un prix bien inférieur à celui du marché. Juppé perd son crédit auprès des Français. Mais la crise s'amplifie avec le scandale des réfugiés sans-papiers exclus de l'église Saint-Bernard avec violence par les forces de l'ordre. Les images choquent les Français qui n'accordent plus de crédit au gouvernement. Néanmoins, face à la crise, Chirac ne se résoud pas à dissoudre l'Assemblée. Sur les conseils de Dominique de Villepin, il cède le 21 avril 1997. La gauche est de nouveau au pouvoir. Lionel Jospin devient Premier ministre. Il forme un gouvernement avec quelques femmes : Elisabeth Guigou à la justice, Martine Aubry à l'emploi, Ségolène Royal à l'environnement. Cette équipe formée également avec Chevènement et Védrine satisfait le Président de la République. La cohabitation se passe très bien dans les premiers temps. Martine Aubry fait voter les 35 heures et les emplois jeunes : la gauche accède ainsi à une certaine popularité.
A partir de 1994, Jacques Chirac est impliqué dans de nombreuses affaires
judiciaires. La première concerne les HLM de Paris. Le fisc découvre
qu'une société de travaux publics du Val de Marne aurait fait de
fausses factures à de nombreuses entreprises pour financer le RPR. En échange,
le parti leur aurait accordé le marché pour construire des HLM.
La deuxième affaire concerne les emplois fictifs de la Mairie de Paris.
Des employés du RPR auraient obtenu de faux emplois financés par
la Mairie. Juppé est directement mis en cause. Il est condamné à
un an d'inéligibilité.
La troisième affaire concerne le financement des voyages de Chirac et de
son entourage. En juin 2001, on découvre que le Président aurait
payé en liquide une vingtaine de voyages pour la somme de 2,4 millions
de francs. Chirac explique que cet argent provient des fonds secrets de Matignon
lorsqu'il était Premier ministre. Enfin, entre 1987 et 1995, Chirac aurait
dépensé 14 millions de francs pour les frais de bouche à
la Mairie de Paris.
On se demande s'il est possible de poursuivre le Président durant l'exercice
de ses fonctions. Le Conseil constitutionnel, en 1999, rend son verdict : la responsabilité
du chef d'Etat ne peut être mise en cause que devant la Haute-Cour de Justice.
Chirac a droit à l'immunité pénale tant qu'il est Président
de la République. Mais Arnaud Montebourg tente de recueillir cinquante-huit
signatures de députés afin de convoquer la Haute-Cour et statuer
sur l'affaire Chirac. Pour mener à bien son entreprise, il a besoin de
l'accord du Premier ministre, Lionel Jospin, qui refuse de mettre en difficulté
le Président de la République.
Face à ces nombreuses attaques faisant la Une des journaux, les avocats
de Chirac se réunissent. Ils parviennent à mettre fin aux différentes
enquêtes. Le Président ne peut plus être inquiété.
En octobre 1996, Jacques Chirac fait une visite officielle en Israël et veut
rendre hommage à Jérusalem, ville réunissant les trois grandes
religions monothéistes. Mais un incident gâche le séjour du
Président. En ville, il est bousculé à la fois par les habitants
d'un côté et les forces de l'ordre de l'autre. Il s'emporte. Il poursuit
sa visite sur les territoires palestiniens et est accueilli en héros puisqu'il
est considéré comme le défenseur de la cause des Palestiniens.
Chirac a acquis, au fil des ans et des voyages, une certaine popularité
dans les pays arabes.
Le 19 septembre 2001, il se rend sur les ruines de New York, juste après
les attentats et la destruction du Wall Strate Center. Il rend visite à
Georges Bush. Il lui demande de ne pas confondre le terrorisme et ce qui pourrait
passer pour une guerre de religion. L'Islam ne doit pas être mis en cause.
Chirac a donc une vision du monde plutôt humaniste. Il veut défendre
la cause des plus démunis, venir en aide aux pays en voie de développement.
Grâce à ses nombreux voyages à travers le monde et ses prises
de position, il rend la France populaire. En 2003, il s'oppose à Bush persuadé
que l'Irak possède des armes de destruction massive. Le président
des Etats-Unis se met donc en guerre et demande le soutien de l'ONU. La France
menace d'utiliser son droit de veto : les Etats Unis n'obtiennent pas le soutien
de l'ONU dans la guerre en Irak. Bush en tiendra rigueur à Chirac qui obtient
en revanche une reconnaissance sur la scène internationale.
Quelques jours après les attentats de septembre 2001, l'usine AZF explose.
Conséquences : plusieurs morts et des milliers de blessés. Les Français
sont inquiets car on ne connaît pas l'origine de l'accident. Le spectre
de la tragédie de New York plâne dans les esprits. Le pays se sent
en insécurité d'autant que chaque jour, la presse rapporte différents
drames. Jacques Chirac intervient alors et promet l'« impunité zéro
» à tous ceux qui commettent des actes de délinquance. La
formule fait mouche : elle sera le credo de la campagne du candidat qui axe son
programme autour de la lutte contre l'insécurité.
Alors qu'on croyait le premier tour des élections présidentielles
déjà joué, et qui aurait opposé Jospin à Chirac,
le 21 avril 2002, c'est la surprise générale : Jean-Marie Le Pen
arrive au second tour. Jospin, le soir même des résultats, déclare
se retirer définitivement de la politique. Il appelle à contrer
Le Pen. Aussitôt, la jeunesse sort dans la rue et manifeste son mécontentement
de retrouver le FN au second tour.
Finalement, Chirac, qui a toujours tenu un discours cohérent sur le Front
national, obtient le score historique de 82% des suffrages.
Chirac doit constituer son nouveau gouvernement. Il fait appel à un homme
inconnu des Français, Jean-Pierre Raffarin, président de la région
Poitou-Charentes. Cet homme incarne, aux yeux de Chirac, ce que les citoyens attendent
en cette période d'insécurité : la France d'en bas. Il est
celui qui serait le plus apte à les comprendre. Le Président propose
à Nicolas Sarkozy le poste de ministre de l'Intérieur. Ce dernier
arrive très vite sur le devant de la scène en mettant en oeuvre
des mesures visant à réduire concrètement l'insécurité.
Au début de l'année 2005, Chirac propose de faire un référendum
sur le Constitution européenne visant à régler le fonctionnement
de l'Europe. Les Français sont englués par les grèves et
la crise économique. Ce référendum devient finalement un
règlement de compte entre eux et le gouvernement : le « non »
à la Constitution l'emporte massivement. C'est un vote sanction. Chirac,
qui avait déjà perdu les élections régionales et cantonales
en 2004, se décide enfin à changer de Premier ministre. Il nomme
Dominique de Villepin. Mais la situation économique et sociale demeure
critique. En automne 2005, des émeutes en banlieue, un peu partout en France,
éclatent suite à la mort de deux jeunes à Clichy-sous-Bois.
La police est tenue pour responsable. Dès la nuit même et durant
vingt-six jours encore, des voitures sont brûlées, des magasins pillés,
des lieux publics vandalisés. Nouvelle crise en janvier 2006 : le Premier
ministre propose un projet de loi sur les emplois des jeunes. Il lance le CPE
: contrat de premier embauche. Les moins de 26 ans sont concernés. Ce contrat
vise à favoriser l'embauche des plus jeunes mais facilite également
leur licenciement. Les étudiants, vite rejoints par les syndicats et les
partis de gauche, dénoncent un contrat exploitant les jeunes employés.
Face à cette forte mobilisation, Dominique de Villepin est obligé
de reculer. Le CPE ne verra pas le jour.
La fin d'année 2006 a été marquée par les préparatifs
de l'élection présidentielle. La politique de Chirac est donc passée
au second plan. Dimanche 11 mars 2007, Jacques Chirac a annoncé qu'il ne serait pas candidat
aux élections présidentielles.
- Dictionnaire historique de la vie politique française au XXème
siècle sous la direction de Jean-François Sirinelli, PUF, Paris,
2004
- Chirac, film de Patrick Rotman, Universal Studios, 2006