Belle-Amie : comment Rachida Dati est devenue ministre de la Justice

Livres politiques · 26 fév. 2009 à 23:23

Rachida Dati, ministre de la justice

Durant la campagne présidentielle de 2007, les Français découvrent une jeune femme issue de l'immigration, porte-parole du candidat UMP, dynamique et rafraîchissante dans le paysage politique : Rachida Dati. Très vite populaire, elle devient l'une des personnalités les plus plébiscitées du pays. Grâce à son soutien au futur président et sa complicité avec Cécilia Sarkozy, elle est nommée ministre de la Justice, poste particulièrement envié du gouvernement. Dans Belle-Amie, les journalistes Michaël Darmon et Yves Derai ont analysé son travail au sein de la Justice et leur bilan n'est guère positif.


On a lu pour vous Belle-Amie. Résumé en 4 épisodes.

Episode 4 : Deux ans place Vendôme

Belle-Amie

Le chemin vers la Justice

A de nombreuses reprises, Belle-Amie présente une femme entrée en politique grâce à son important réseau : Rachida Dati connaît de nombreuses personnalités et a quelques mentors, comme Albin Chalandon, qui acceptent de lui donner des conseils, de l'introduire dans certains milieux du pouvoir... Grâce à son charme, son audace et surtout son carnet d'adresses, elle parvient à convaincre Nicolas Sarkozy de la prendre dans son cabinet en tant que conseillère technique Place Beauvau. Ce premier poste lui ouvrira les portes de la Justice. En effet, résolue à faire sa place, elle suit Nicolas Sarkozy coûte que coûte à Bercy puis s'acoquine avec son épouse qui, au moment de constituer le gouvernement, n'oubliera pas son amie Rachida Dati qui l'a soutenue pendant ses périodes de doutes conjugaux.
Pour Cécilia Sarkozy, Rachida Dati « c'est plus qu'une amie, c'est ma soeur. Je ne la lâcherai jamais. Je connais tout d'elle. Elle est de la race des seigneurs ». Aussi, le président a pensé pendant un temps lui confier un poste lié à l'Immigration mais Cécilia Sarkozy veut au contraire donner un poste qui soit à la mesure de son cursus, sans rapport avec ses origines. La proposition est également soutenue par Alain Minc qui montre à Nicolas Sarkozy qu'il a tout intérêt à prendre une jeune femme issue de l'immigration pour imposer la réforme de la Justice, dossier particulièrement difficile à défendre, car les magistrats « ne pourront pas l'attaquer sans être accusés de racisme ». Pour « marquer la société française et faire plaisir à son épouse », Nicolas Sarkozy accepte donc de faire nommer dans le gouvernement Fillon Rachida Dati ministre de la Justice.

Le problème avec les directeurs de cabinet

Dès son arrivée place Vendôme, Rachida Dati est confrontée à une première difficulté : la nomination de son directeur de cabinet. Elle souhaiterait garder celui qui fut directeur de cabinet de Dominique Perben et de Pascal Clément puis procureur général près la Cour d'appel de Paris : Laurent Le Mesle. Mais ayant aussi été conseiller juridique de Jacques Chirac entre 2002 et 2004 et ayant le pouvoir d'enterrer le dossier des HLM de Paris qui met en cause l'ancien président de la République, il est tenu à l'écart. C'est finalement le conseiller Justice de Nicolas Sarkozy qui décide de la nomination du directeur de cabinet : ce sera Michel Dobkine, l'ex-directeur de l'Ecole nationale de la Magistrature.
Mais l'entente est difficile, Michel Dobkine a sans cesse l'impression de « slalomer entre le devoir d'obéissance à sa patronne et l'éthique de responsabilité inhérente à la profession de magistrat ».
En juillet 2007, Rachida Dati doit proposer pour la première fois un texte de loi sur la lutte contre la récidive devant le Parlement. Michel Dobkine et son équipe élaborent ce texte qui pour sa première mouture leur aura demandé une cinquantaine d'heures. La ministre sous pression, selon les auteurs du livre, aurait trouvé ce texte « nul ». Le directeur de cabinet se serait remis au travail la nuit même mais le résultat n'aurait pas plu davantage à Rachida Dati. A une heure du matin, ils convoquent un Normalien pour finaliser le texte. Devant le Sénat, la ministre rate sa prestation mais refuse d'endosser la responsabilité, la rejetant sur son directeur de cabinet qui aussitôt dépose sa démission. La presse relaie cette affaire et s'interroge dès lors sur la méthode de travail de la ministre. On découvre au même moment un autre départ : celui du chef adjoint du cabinet, Olivier Ubeida.

Le style Rachida Dati

Rachida Dati bouscule les habitudes. Ainsi c'est elle qui anime les réunions avec ses collaborateurs et non son directeur de cabinet. Ne lui faisant pas confiance, elle demande à son équipe de s'adresser à elle directement et non à Michel Dobkine, qui de son côté, reçoit leurs doléances...
Pour motiver son équipe, la ministre fait référence à Nicolas Sarkozy qui pourrait se montrer « reconnaissant » de leur investissement. Plusieurs conseillers ont tenté d'expliquer à la garde des Sceaux combien il est nécessaire que la Justice reste indépendante mais en vain. On lui propose notamment de ne plus passer ses vacances avec les Sarkozy, mais dès l'été, on la voit en maillot, à bord d'un bateau aux Etats-Unis en leur compagnie.
De même, pour créer une certaine proximité, la ministre instaure le tutoiement et le langage familier ce qui a tendance à surprendre voire à agacer son cabinet peu habitué à ce genre de pratiques, pratiques qui discréditent plus encore Rachida Dati. Enfin, pour expliquer sa réforme de la carte judiciaire, la garde des Sceaux souhaite faire le tour de la France. Mais « la méthode Dati se cantonne à une rencontre avec les acteurs locaux du monde judiciaire, suivie d'une seconde avec les élus avant une conférence de presse. Cette manière de procéder est vivement dénoncée » car on annoncerait publiquement ce qui a déjà été décidé à Paris. Les magistrats n'acceptent pas cette façon de rayer des tribunaux aussi facilement de la carte de France sans leur demander leur avis. C'est surtout le caractère très autoritaire de Rachida Dati qui les révolte : pour faire accepter la réforme, elle recourrait à la menace et non au dialogue : « C'est un désastre, juge un ministre important du gouvernement. Son seul discours est de dire : je n'en réfère qu'à Nicolas Sarkozy, le reste, les élus et le parti, je m'en moque ».


Belle-Amie de Michaël Darmon et Yves Derai dresse donc un portrait fort peu flatteur de Rachida Dati, une femme qui est parvenue à être nommée à la Justice grâce à ses connivences avec des personnalités influentes. Au cours de ses deux années au ministère, elle semble ne pas avoir réussi à s'imposer. Les magistrats se seraient montrés peu convaincus par ses robes de haute couture, ses familiarités et sa proximité avec le président de la République. Son autoritarisme ne les aurait guère leurrés non plus. Derrière ses menaces et ses propos discourtois se cacherait une femme incompétente. Le livre se montre donc peu complaisant à l'égard e Rachida Dati. Il rapporte des anecdotes plus ou moins connus du public et donne un éclairage sur les dérapages de la ministre ainsi que sur la raison de sa nomination au gouvernement. On reste plus circonspect sur le chapitre concernant le père de sa fille...


Michaël Darmon, Yves Derai, Belle-Amie, Edition Du Moment, février 2009

*** Liens

Belle-Amie
1. Belle-Amie : un portrait à charge de Rachida Dati
2. Une ministre incompétente donc agressive avec ses collaborateurs
3. Une séductrice, intrigante et souvent ingrate
4. Comment Rachida Dati est devenue ministre de la Justice

Rachida Dati, ministre de la justice
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Les vidéos-buzz de Rachida Dati
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