Congrès du PS : la fédération des Bouches du Rhône sanctionne ceux qui n'ont pas voté Ségolène Royal

Le Canard enchaîné · 14 nov. 2008 à 19:26

Sections socialistes

Le Parti Socialiste est souvent présenté dans les médias comme un modèle de démocratie : vote interne, représentation proportionnelle de différents courants, primaires pour la présidentielle. Pourtant, le jeu interne est plus complexe et le poids des fédérations du PS, c'est-à-dire des instances départementales, est prédominant dans la vie du parti. Ségolène Royal est arrivée en tête, notamment grâce au soutien des dirigeants des plus grosses fédérations. Car au Parti Socialiste, la démocratie directe est très encadrée par les directions locales. Et quand les militants ne votent pas selon les consignes, les sanctions tombent, comme l'a révélé le Canard Enchaîné du 12 novembre 2008.


Source : "Démocratie éliminative", Le Canard Enchaîné n°4594, 12 novembre 2008, page 2

Le soutien des fédérations est indispensable pour réussir un congrès

Officiellement, la démocratie au Parti Socialiste est une démocratie directe : dans le cadre d'un congrès qui doit désigner une nouvelle direction, les militants sont consultés deux fois. Ils votent une première fois pour une motion, c'est-à-dire un texte d'orientation qui fixe la ligne politique. Puis ils votent une deuxième fois pour désigner le Premier secrétaire du parti. Cette dernière élection a été introduite par Lionel Jospin en 1997 afin de donner davantage de légitimer à celui qui dirige et représente le PS à l'échelle nationale.
Pourtant, cette démocratie directe est très encadrée par les cadres locaux et les premiers secrétaires des fédérations, les instances départementales du parti. Chaque motion qui est présentée au vote des militants reçoit le soutien des fédérations. Ainsi, Ségolène Royal a notamment reçu le soutien des fédérations de l'Hérault, des Bouches du Rhône et de l'Aude. Or, même si les militants votent librement à bulletin secret, les dirigeants locaux orientent leur choix, en mettant parfois une pression peu compatible avec la sérénité nécessaire d'une démocratie transparente.

Les dirigeants locaux font la pluie et le beau temps dans les fédérations

Au Parti Socialiste, le poids des élus locaux a toujours été prédominant. Il l'est d'autant plus que le PS, qui a perdu trois élections présidentielles consécutives, gagne régulièrement les élections locales (municipales, cantonales, régionales) au point que certains qualifient le PS de simple parti d'élus locaux. De fait, dans les fédérations, les responsables locaux font la pluie et le beau temps, quitte à s'affranchir de l'autorité de la direction nationale qui se trouve rue de Solferino à Paris.
La difficulté avec laquelle François Hollande a obtenu l'actualisation du fichier Rosam (certaines fédérations, comme celle du Nord-Pas-de-Calais, truquent leurs fichiers de militants pour gonfler les chiffres) et les craintes de fraudes exprimées dans une circulaire envoyée aux fédérations quelques semaines avant le vote des militants reflètent le manque de contrôle des fédérations. Pour réussir le congrès, chaque candidat au poste de Premier secrétaire doit donc s'assurer du soutien de la majorité des fédérations.

La fédération des Bouches du Rhône s'était fixée comme objectif 80% des voix à Ségolène Royal

Ségolène Royal a reçu le soutien des dirigeants de la fédération des Bouches du Rhône et notamment du premier fédéral, Jean-Noël Guerini. Celui-ci avait déposé une contribution avec Gérard Colomb, le maire de Lyon et bâtît un courant intitulé "La ligne claire". Il s'agissait des élus locaux qui ne souhaitaient pas une confiscation du parti au profit d'un présidentiable. Durant l'été, au moment où les contributions sont devenues des motions (voir notre article : qu'est-ce qu'une motion ?), les partisans de la ligne claire ont finalement rejoint Ségolène Royal pour éviter un éparpillement des voix.
Le 30 octobre 2008, une semaine avant le vote des militants, le Canard Enchaîné raconte que lors d'un dîner au conseil général, Jean-Noël Guerini a fixé à ses troupes un objectif de 80% des voix pour la motion Royal, à charge pour les responsables de section (chaque fédération est découpée en section) de faire passer la consigne à leurs militants.

Les sections qui n'ont pas respecté la consigne disparaissent...

La motion de Ségolène Royal a obtenu 73% des voix dans la fédération des Bouches du Rhône. C'est l'un des plus hauts scores de toutes les fédérations, même si c'est légèrement inférieur aux objectifs fixés par Jean-Noël Guérini. Mais malgré ce succès, 48 heures après le vote, le samedi 8 novembre 2008, un congrès fédéral express a décidé de sanctionner les sections qui n'avaient pas respecté la consigne en les faisant tout simplement disparaître.
Ainsi, selon le Canard Enchaîné, à Aix, la section Ouest qui avait voté Bertrand Delanoë a été purement et simplement supprimée, tout comme la section Est, qui avait voté majoritairement pour la motion de Martine Aubry. Ces deux sections fusionnent avec la section Centre, qui a voté Ségolène Royal. A Marseille, la section qui soutenait Delanoë a été coupée en deux. A Maussane, la section qui comprend 99 militants a été dissoute. En clair, toutes les sections dont les militants n'ont pas respecté la consigne de vote des dirigeants locaux ont été sanctionnées. La consigne est claire, les militants doivent se plier aux injonctions des premiers secrétaires fédéraux.



Après les tripatouillages de fichier d'adhérent Rosam, ces sanctions discrètes contre des militants qui ont voté librement reflètent un peu plus les profondeurs de la crise d'un Parti Socialiste qui ne parvient même plus à garantir un fonctionnement démocratique apaisé au sein de ses propres instances.

Notre Dossier sur le congrès du Parti Socialiste

Mode d'emploi du congrès
- Qui soutient qui ?
- Qu'est-ce qu'une motion au Parti Socialiste ?
- Pourquoi le congrès 2008 a-t-il lieu à Reims ?
- Bataille de chiffres : qui peut réellement voter ?
- Qui a déjà été Premier secrétaire du Parti Socialiste ?

Les divisions du Parti Socialiste
- Quatre lignes politiques s'affrontent
- Le Parti socialiste, un parti d'élus locaux sans ambition nationale ?
- Quelles sont les différences idéologiques au sein du Parti Socialiste ?
- Les divisions du Parti Socialiste : le PS officiel, le PS parlementaire, le PS des éléphants

Une bataille de personnes
- Bataille d'éléphants, synthèses obscures : la crise du PS est profonde
- Quelles sont les différences entre Ségolène Royal et Bertrand Delanoë ?
- Les "reconstructeurs" de Martine Aubry contre Royal et Delanoë
- Absent du congrès de Reims, DSK préfère Washington et les 500 000 dollars annuels

Les militants, les arbitres
- Les nouveaux adhérents brouillent les rapports de force
- Pourquoi Ségolène Royal veut-elle rembourser les militants ?
- La polémique sur le fichier des adhérents du PS baptisé Rosam
- Le Parti Socialiste a vu ses effectifs baisser de 40% dans certaines fédérations

Fraudes & Manipulations
- La direction craint de nombreuses fraudes lors du vote
- Les dérives de certaines fédérations du PS : bourrage des urnes et adhérents fantômes
- Pourquoi le Parti Socialiste n'a-t-il pas donné des chiffres exacts lors du résultat du vote ?
- Congrès du PS : la fédération des Bouches du Rhône sanctionne ceux qui n'ont pas voté Royal

Le congrès de Reims sur le net
- Pour suivre le congrès du PS, il vaut mieux éviter le blog officiel du parti
- "Utile et serein .com" : la stratégie internet de Ségolène Royal
- Martine-aubry.fr, un copier/coller de Barackobama.com
- Où se trouve le Nouveau parti socialiste sur Internet ?

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Quiz : Comment François Mitterrand s'est-il emparé du Parti Socialiste en 1971 ?

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