Congrès du PS : quelles sont les différences entre Ségolène Royal et Bertrand Delanoë ?

Revue de presse · 12 juin 2008 à 20:14

Royal et Delanoe

Michel Rocard vient d'annoncer qu'il soutenait Bertrand Delanoë en vue du prochain congrès socialiste. Sur LCI, l'ancien Premier ministre a expliqué que la "pression médiatique" exigeait un "leader présentable au JT de 20 heures" même s'il eût préféré d'abord un débat de fond avant les querelles de personne. Il s'est donc résigné à prendre position plus tôt qu'il ne l'avait prévu face à "l'urgence" de la situation, sous-entendu, faire barrage à Ségolène Royal. Selon lui, elle a une "perception de l'univers international insuffisante pour qu'elle soit de taille à être présidente de la République".

Mais au-delà des querelles de personne, y'a-t-il de réelles différences entre Ségolène Royal et Bertrand Delanoë ?

Revue de presse du jeudi 12 juin 2008

- Le Figaro : Par crainte de Royal, Rocard choisit Delanoë
- Libération : Pour contrer Royal, Delanoë drague Aubry
- Le Figaro : Royal donnera le coup d'envoi de sa campagne le 28 juin

La fausse polémique sur le libéralisme

Il y a quelques semaines, Ségolène Royal et Bertrand Delanoë ont livré le premier round de leur duel sur la question du libéralisme. Dans son livre De l'audace, le maire de Paris a écrit qu'il était "libéral et socialiste". Cette simple phrase a suscité un tollé à la gauche du PS et a été reprise par ses adversaires, notamment Ségolène Royal. Le libéralisme étant assimilé, à tort, comme une doctrine de droite, la phrase de Delanoë a servi de prétexte à ses adversaires pour dénoncer le risque d'une droitisation du PS.
En réalité, la polémique sur le libéralisme est largement surfaite. Dans son livre, Maintenant, publié pendant la campagne présidentielle, Ségolène Royal écrivait déjà : "Nous socialistes, nous sommes des libéraux au sens du libéralisme politique originel car nous sommes ardemment attachés aux libertés individuelles et démocratiques, à la liberté de pensée". Le 27 mars 2008, la présidente de la région Poitou-Charentes confirmait sa position en déclarant au Point : "Le libéralisme politique est depuis l'origine indissociable du socialisme démocratique".
Or, Bertrand Delanoë ne dit pas autre chose. Il invoque le libéralisme politique du XIXe siècle et précise que l'économie de marché a besoin d'être régulée au nom de la justice sociale.

Des convergences de vue sur la plupart des thèmes

Cette fausse polémique sur le libéralisme illustre l'impossibilité pour les deux candidats de se distinguer d'un point de vue idéologique pour la simple et bonne raison qu'ils défendent les mêmes idées. D'un point de vue économique, ils privilégient tous deux le renforcement de la compétitivité des entreprises dans un monde de plus en plus concurrentiel. De fait, ils concèdent que des réformes de structure sont indispensables pour s'adapter à la mondialisation, tout en ayant comme volonté de défendre plus de justice sociale. Par exemple, sur les régimes spéciaux, ils ont chacun à leur manière reconnu qu'il fallait faire la réforme.
Sur les questions de société et de sécurité, ils partagent également le même point de vue. Progressistes tous les deux, ils n'oublient pas aussi que leurs électeurs sont préoccupés par l'insécurité. L'autorité, la sécurité des biens et des personnes, l'ordre sont désormais des thèmes qui ne sont plus tabous chez les socialistes.
En politique internationale, ils sont sur la même ligne : promouvoir le multilatéralisme pour régler les conflits par le dialogue, faire preuve d'une plus grande fermeté face aux régimes autoritaires et non démocratiques. Sur l'Europe, ils ont tous deux voté oui au référendum sur la constitution.

Des différences sur la forme

Si le fond du discours est le même, la différence se fait donc sur la forme et la manière de faire de la politique. Ségolène Royal défend le principe de "démocratie participative" avec un dirigeant à l'écoute, capable de faire la synthèse des attentes exprimées par les citoyens. Elle veut se démarquer des vieilles structures du parti et revoir les méthodes de travail, notamment en allégeant les contraintes d'adhésion au Parti Socialiste, toujours découpé en fédérations souvent réticentes à accueillir de nouveaux adhérents qui risquent de bousculer les rapports de force internes.
De son côté, Bertrand Delanoë a une vision plus classique d'un parti politique : il entend conserver les structures actuelles et notamment les instances collectives de décision. Contrairement à Ségolène Royal, il ne cherche pas à contourner les instances du parti et ne jouent pas l'opinion contre les cadres socialistes.
Si tous les deux se veulent à l'écoute des militants socialistes, ils n'ont pas la même approche. Bertrand Delanoë organise par exemple des réunions de quartier depuis 2001 à Paris pour recueillir les doléances de ses administrés. Cette pratique peut être assimilée à une forme de démocratie participative, comme le revendique le maire de Paris. Mais il considère que le décideur politique doit d'abord proposer, quand Ségolène Royal ne ferait que reprendre une succession de mesures sans réelle cohérence, faute de prise de position claire.

La question des alliances à gauche et au centre

Peut être que la principale différence, outre le style qui leur est propre, se fera sur la question des alliances. Depuis la campagne présidentielle, Ségolène Royal est clairement dans une perspective d'alliance avec le Centre. Elle considère à juste titre que l'Union de la gauche (PS, PC, Verts) ne permet plus de gagner des élections et que le PS doit désormais élargir son électorat aux électeurs du centre, c'est-à-dire aux 7 millions d'électeurs qui ont voté François Bayrou en 2007. Bertrand Delanoë, qui serait plutôt sur cette ligne, a cherché à se démarquer de Ségolène Royal, en se montrant plus réservé sur une alliance de centre-gauche. Son choix est avant tout tactique : en se tournant vers les alliés traditionnels plutôt que vers le centre, il pourrait apparaître, notamment à ceux qui sont à la gauche du PS, comme un moindre mal face à une candidate prête à gouverner avec un MoDem dont les dirigeants ont toujours participé à des gouvernements... de droite.


Les différences entre ces deux personnalités sont donc d'abord des différences de forme, plus que de fond. Ils incarnent tous les deux une ligne social-démocrate, celle qui est en passe de l'emporter sur tous les autres courants au PS. Reste à savoir lequel de ces deux visages d'une même ligne politique parviendra à la fois à convaincre les militants et à opérer un large rassemblement des courants du PS.

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