Les dérives de certaines fédérations du PS : chantages, bourrage des urnes et adhérents fantômes

Revue de presse · 10 sep. 2008 à 20:00

Fédérations du Parti Socialiste

Le prochain Premier secrétaire du Parti Socialiste sera désigné lors du congrès de Reims grâce au vote des militants. Mais au PS, la démocratie directe est un leurre. Ce sont les fédérations du Parti Socialiste qui font l'élection. Or, depuis plusieurs années, certaines fédérations sont devenues incontrôlables : chantages d'élus, trucage des élections internes, surévaluation du nombre d'adhérents. Aucun Premier secrétaire n'a réussi à imposer son autorité et à mettre un terme à ses dérives. Dans un article du Point, publié le 28 Août 2008, le journaliste Michel Revol raconte les dessous des fédérations socialistes.


Source : Michel Revol, "Parti socialiste, la loi des caïds", Le Point n°1876, 28 Août 2008

Certaines fédérations échappent au contrôle de la Rue de Solferino

Contrairement à l'UMP où l'adhésion directe est possible, au Parti Socialiste, il faut s'inscrire dans sa fédération pour obtenir sa carte du parti. A chaque département, une fédération. Ce système pyramidal permet au PS de couvrir tout le territoire et de faire vivre une vie militante dans chaque département. Ce quadrillage du terrain explique les bons résultats locaux du PS (municipales, cantonales, régionales) quand sur la scène nationale le PS ne parvient plus à remporter une élection. Les fédérations socialistes jouent donc un rôle essentiel dans la vie du parti. Mais certaines fédérations, fortes de leurs bataillons de militants, échappent très largement au contrôle du Premier secrétaire. Méconnus sur la scène nationale, les "barons socialistes de province" règnent en maître sur leur fédération. De nombreuses dérives ont été constatées sans que le siège à Paris ne puisse y mettre un terme. C'est ce que raconte le journaliste Michel Revol dans un article publié dans le magazine Le Point. Petit voyage dans les coulisses des fédérations socialistes...

Les mystères des cartes de militants dans le Pas-de-Calais

Combien y a-t-il d'adhérents au Parti Socialiste ? La question est cruciale puisque ce sont les militants du PS qui doivent voter pour désigner la majorité du prochain congrès et le prochain Premier secrétaire. Ce sont eux également qui votent pour désigner le candidat du parti à l'élection présidentielle. Or, le nombre réel d'adhérents du PS est inconnu, tout simplement parce que certaines fédérations gonflent leurs chiffres.
La fédération du Pas-de-Calais est la plus importante en nombre d'adhérents. Mais Paris doute de la réalité des chiffres fournis par la direction locale car depuis des années, le nombre de militants du Pas-de-Calais ne bouge pas, alors qu'il y a d'importantes fluctuations d'une année sur l'autre dans les autres fédérations. Officiellement, la fédération du Pas-de-Calais compte donc 15 000 adhérents. Mais ce chiffre est faux, et la direction nationale du parti le sait. Un responsable socialiste a d'ailleurs expliqué au Point comment la fédération du Pas-de-Calais faisait pour truquer ses chiffres : "En fait, la fédé du Pas-de-Calais édite ses propres cartes ou les commande par paquets entiers à Solferino, sans aucune justification". Il suffit après pour la direction locale d'inscrire de faux noms pour gonfler les chiffres de ses militants.
La direction nationale a bien tenté de faire le ménage dans ses listings en demandant à chaque fédération de faire remonter leur liste d'adhérents. Mais la fédération du Pas-de-Calais serait la seule à avoir refusé.

Urne volante, vote à main levée : des élections internes truquées

Dans certaines fédérations, l'organisation des votes internes laisse parfois à désirer. Par exemple, à Liévin, ville minière du Nord de la France, la section du parti compte environ 1000 adhérents. Pour faire voter ces militants lors des élections internes (primaires ou congrès), la direction locale a un inventé le système d'urne volante. Ce sont des cadres du parti qui se déplacent directement chez les militants pour qu'ils votent à domicile. Cette "démocratie de proximité" facilite la vie des militants locaux, à ceci prêt que ce système d'urne volante facilite grandement le bourrage des urnes et les tripatouillages de bulletin. De même, certaines fédérations pratiquent toujours le vote à main levée alors les élections internes exigent au minimum un vote à bulletin secret. Seulement, aucun militant ne proteste : entrer dans une section du PS, c'est forcément suivre la tendance de la fédération. Un "Strauss-khanien" aura du mal à rester dans une section "fabiusienne".

Comment Georges Frêche, exclu du PS, est devenu candidat du parti aux sénatoriales

La direction nationale du Parti Socialiste ne contrôle plus depuis longtemps certaines de ses fédérations. C'est le cas par exemple de la fédération de l'Hérault dirigée par Georges Frêche. Exclu du parti il y a quelques mois pour des propos sur les harkis, il a réussi avec ses relations à devenir candidat du PS aux prochaines élections sénatoriales. Comment un exclu du parti peut-il devenir candidat officiel ?
En réalité, malgré son exclusion, Georges Frêche contrôle toujours la fédération de l'Hérault. Les cadres de la fédération sont des fidèles du président du conseil régional du Languedoc-Roussillon. Son nom a donc été inscrit sur la liste PS pour les sénatoriales, et les militants ont voté à main levée pour avaliser le choix de la liste, en présence de Georges Frêche, selon Le Point. Difficile dans ce cas-là, de s'opposer à ce baron local, qui n'hésiterait pas à faire du chantage aux subventions, selon Le Point. En clair, un élu local qui s'opposerait à sa candidature risquerait de voir les subventions de la région stoppées.

Lors des primaires 2006, les résultats de DSK et Fabius ont-ils été surévalués ?

Certaines fédérations sont donc incontrôlables. Ces pratiques nuisent à la démocratie interne du PS et plus largement à l'image du Parti. Mais, selon Le Point, la direction nationale ne serait pas exempte de tous reproches. A chaque élection interne, la direction du PS n'hésiterait pas à corriger les données au niveau national, notamment pour ne pas humilier les perdants.
Et le Point de révéler que lors des primaires 2006 pour désigner le candidat du PS à la présidentielle, les résultats de Laurent Fabius et Dominique Strauss-Kahn ont été "corrigés" par la rue de Solferino, c'est-à-dire réévalués de quelques points juste après la clôture du vote pour ne pas humilier les deux responsables socialistes, battus par Ségolène Royal.


Dans ce contexte de suspicion généralisée, le congrès de Reims s'apparente donc à un jeu de dupes où pour gagner, il faut avant tout s'assurer du soutien des barons locaux, et le vote des militants suivra.

*** Liens

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