Internet et blogs · 19 avr. 2008 à 22:31
Dans la course à l'image à laquelle se livrent les responsables socialistes pour essayer de sortir du lot, Ségolène Royal a toujours un coup d'avance. Isolée au sein du PS, elle applique depuis 2006 une stratégie de contournement du parti en prenant à témoin l'opinion face à des cadres socialistes souvent hostiles à son égard. En 2006, elle avait créé l'association "Désirs d'avenir" et lancé une grande campagne participative, d'abord sur le net, puis sur le terrain, en organisant les fameux "débats participatifs". Objectif de la manoeuvre : rechercher une légitimité auprès des militants à défaut de réels soutiens au sein du PS. Cette stratégie avait réussi et Ségolène Royal avait très largement remporté la primaire socialiste en novembre 2006. Elle compte donc récidiver en appliquant la même tactique pour prendre la tête du PS en novembre prochain.
Le déroulement d'un congrès du Parti Socialiste est souvent très ennuyeux. Malgré le vote des militants, la désignation d'un Premier secrétaire obéit la plupart du temps à une cuisine interne : déposition d'une "motion", c'est-à-dire d'un texte de référence qui définit la ligne politique, puis des discussions s'engagent entre différents courants pour fusionner des motions et rédiger des synthèses. Tout ceci est très obscur. A ce petit jeu, Ségolène Royal part avec un lourd handicap en disposant de peu de relais au sein même du PS.
L'ex-candidate à la présidentielle a donc choisi de dépoussiérer la procédure en lançant une "consultation participative sur internet". En clair, elle a adressé à tous les militants du Parti Socialiste un questionnaire sur les principaux enjeux du pays. Les contributions des militants doivent servir de base pour la rédaction d'une motion.
La manoeuvre de Ségolène Royal est habile pour trois raisons. D'abord, en lançant une consultation auprès des militants à 9 mois du congrès, elle prend tous ses adversaires de court. Si ces derniers veulent faire le tour des fédérations pour être "à l'écoute" des militants, ils ne feront que "copier" la démarche participative initiée par Ségolène Royal.
En outre, par cette consultation, Ségolène Royal donne automatiquement beaucoup plus de poids à sa motion qui ne sera pas le texte d'un courant, mais la synthèse des préoccupations des militants. De cette manière, elle tente de sortir des tractations internes caractéristiques de tous les congrès socialistes. C'est la stratégie du contournement des cadres du parti.
Enfin, la démarche de Ségolène Royal va lui permettre de grossir artificiellement le nombre de ses partisans car toutes les personnes qui participeront à sa consultation, même si elles ne partagent pas les opinions de Ségolène Royal, seront comptabilisées comme "royalistes". Participer, c'est déjà adhérer à la démarche.
Si la manoeuvre est habile, la mise en oeuvre de cette stratégie est grossière. Ségolène Royal veut à tout prix conserver son statut à part au PS et être au-dessus de la mêlée des présidentiables. Son discours est donc très policé, elle veut se démarquer des luttes de clan. D'où le nom du site web qui édite la consultation participative en ligne : www.congresutileetserein.com. On peut difficilement faire plus consensuel et plus naïf. Dans les tons "rose claire", le site propose 10 questions-débats sur les grands thèmes : économie et politique, entreprise et socialisme, société et développement durable.
En lançant ce site web, Ségolène Royal prend un double risque. D'abord, elle persiste dans une démarche participative qui n'avait pas fait l'unanimité au sein du PS et qui s'était avérée difficile à gérer pour ses propres troupes. Dans ce genre de consultations, l'exercice de synthèse s'avère quasiment impossible. En 2006, Ségolène Royal avait déjà essayé d'écrire un livre participatif, "Désirs d'avenir", mais l'ouvrage n'avait pas franchi l'étape du 2ème chapitre. Ici, la vacuité des questions présage d'une diversité de contributions impossibles à synthétiser de manière cohérente. Le deuxième risque pour Ségolène Royal est d'ordre matériel : selon les chiffres internes du PS, seul un militant sur deux a accès à Internet. L'ex-candidate socialiste se couperait ainsi de la moitié des militants.
Au final, ce type de démarche donne l'illusion de la consultation mais fait de nombreux mécontents et complexifie l'élaboration d'un projet global cohérent.
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