Bulletin de notes de ministres : une évaluation biaisée

Enquête · 4 jan. 2008 à 23:53

Bulletin de notes

Comme tout élève consciencieux, les ministres attendent avec une certaine anxiété la remise des bulletins trimestriels que doit leur remettre le Premier ministre, François Fillon. Certains sont sur la sellette, n'ayant pas atteint les objectifs fixés par Nicolas Sarkozy lors de ses discours présidentiels. Ceux-là risquent de quitter le gouvernement si le bulletin n'est pas honorable ! Mais avant tout licenciement, François Fillon devrait recevoir chaque ministre individuellement pour faire un bilan et lui remettre son bulletin. Le véritablement remaniement ministériel est prévu après les élections municipales.

Sarkozy et la culture du résultat

Au cours de sa campagne électorale, Nicolas Sarkozy avait annoncé que s'il était président, il rendrait compte des résultats de ses engagements auprès des Français. D'ailleurs, on se souvient que lui-même, lorsqu'il était ministre de l'Intérieur, il s'était fixé de nombreux objectifs à atteindre, indicateurs de progrès. Ainsi, il avait rendu public le nombre de vols à main armée, de voitures brûlées, de délits divers, d'accidentés de la route au cours de son mandat pour montrer l'évolution. Il avait basé sa mission sur le chiffre. De la même manière, il souhaite que son gouvernement soit évalué sur des critères précis et soit noté au résultat.

La mise en place d'un bulletin d'évaluation

Pour la première fois en France, des ministres seront évalués. Comme dans certaines entreprises privées, il leur est demandé de faire du chiffre. Pour mettre en oeuvre ce bulletin d'évaluation, le gouvernement a fait appel à un cabinet en stratégie, Mars & CO pour déterminer les critères d'évaluation.
L'été dernier, les ministres ont reçu des lettres de mission leur détaillant précisément la feuille de route à suivre. Chacun a dû réfléchir à la stratégie à adapter pour atteindre les objectifs imposés. Le président et le Premier ministre souhaitent instaurer une politique de résultats.

Une politique du chiffre surprenante

L'évaluation établie par Mars & CO peut paraître surprenante. Ainsi, en ce qui concerne le ministre de l'Education nationale, Xavier Darcos, on observera combien de professeurs ont accepté de faire des heures supplémentaires et combien d'années ils ont accepté d'enseigner en Zep (toutefois, en six mois à peine, il est difficile de savoir l'impact de ce ministre sur les mutations). De même, on attend de Valérie Pécresse moins d'abandon d'étudiants au cours du premier cycle.
Brice Hortefeux à l'immigration et à l'identité nationale, sera jugé sur le nombre de sans-papiers renvoyés dans leur pays d'origine. Christine Albanel, la ministre de la Culture, doit inciter les gens à se rendre au musée. Elle sera donc évaluée sur le nombre de visiteurs de musées les jours où ils sont gratuits. On attend d'elle également qu'elle augmente la part de marché des films français en France ou qu'elle réduise le nombre de piratages de musique ou de films sur Internet.
Même le ministre aux affaires étrangères, Bernard Kouchner doit obtenir des résultats chiffrables ! On l'évaluera entre autres, au nombre de ministres se rendant aux conseils de ministres à Bruxelles et au Luxembourg (où il est vrai que la France se distingue par son absentéisme).

Une évaluation biaisée

Nicolas Sarkozy et François Fillon communiquent sur le fait que les ministres doivent rendre compte de leurs résultats et risquent d'être licenciés s'ils se montrent incapables d'atteindre les objectifs fixés. Pourtant, la situation n'est pas aussi simple. Fadela Amara, secrétaire d'Etat chargée de la politique de la Ville, s'est rendue sur le terrain pour observer la situation, rencontrer des partenaires. Ce n'est que dans ces prochains jours qu'elle proposera son plan d'action. De même, certains ministres risquent de démissionner au lendemain des élections municipales en fonction de leurs résultats. Les ministres issus des partis de gauche n'ont guère de souci à se faire : ils devraient rester dans le gouvernement. En revanche, les ministres moins populaires ou ayant eu des déconvenues avec François Fillon ou Nicolas Sarkozy savent que leurs jours au gouvernement sont comptés. Ce sera moins leurs résultats qui seront remis en cause que leur personnalité.

Par conséquent, cette évaluation des ministres est une simple opération de marketing. D'abord parce que les critères retenus pour vérifier l'efficacité des ministres laissent perplexes : sanctionner la ministre de la Culture car les Français ne vont pas plus au musée prête à sourire. Ensuite, parce qu'un remaniement ministériel répond à des logiques politiques et non mathématiques. L'évaluation des ministres est donc le dernier gadget à la mode pour vanter la culture de résultats de Nicolas Sarkozy mais n'aura aucune conséquence concrète sur l'activité gouvernementale. D'ailleurs, François Fillon, en déplacement aux Antilles, a reconnu que cette évaluation était simplement destinée à corriger le tir si une promesse n'était pas tenue et ne constituait pas une évaluation des ministres pour décider d'un éventuel remaniement.

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