Fadela Amara, l'anti-langue de bois

Enquête · 10 oct. 2007 à 14:54

Amara, l'insoumise

La polémique, après les propos de Fadela Amara sur les tests ADN, ne désenfle pas. Invitée de France Inter mardi matin, la secrétaire d'Etat s'est emportée contre cette mesure : "Y'en a marre qu'on instrumentalise à chaque fois l'immigration, pour des raisons très précises. Je trouve ça dégueulasse !" a-t-elle déclaré. François Fillon a tenté de calmer le jeu en renouvelant son soutien à sa secrétaire d'Etat. Le secrétaire général de l'UMP, Patrick Devedjian, a invité la secrétaire d'Etat à un petit déjeuner pour rencontrer les cadres de l'UMP. Dans un premier temps, il avait dénoncé ces propos qualifiés d'injurieux à l'égard de la majorité. Par la suite, il a baissé d'un ton en proposant le dialogue. Quant à Christine Boutin, sa ministre de tutelle, elle s'est contentée de dire que Fadela Amara était spontanée.
La gauche s'est précipitée sur cette polémique pour démontrer les limites de l'ouverture. La droite s'est défendue en arguant que les membres du gouvernement étaient libres. Toujours est-il que depuis sa prise de fonction, Fadela Amara bouscule les habitudes par un langage anti-langue de bois. Retour sur le parcours politique de l'ancienne présidente de "Ni putes, ni soumises".

Une femme engagée

Fadela Amara a 43 ans. Son père, un Kabyle algérien qui travaillait dans le bâtiment, s'est installé en France en 1955. Elle a vécu dans une cité de Clermont-Ferrand fréquentée par des habitants tous issus du Maghreb au point qu'elle avait l'impression de vivre "dans un village arabe". Ses parents sont analphabètes et Fadela Amara est issue d'une famille nombreuse de 10 enfants. Très tôt, elle s'est lancée dans le militantisme en participant à la marche des beurs en 1983, puis en adhérant à SOS Racisme en 1986. En 2003, après la mort de Sohane, une jeune fille brûlée vive dans un quartier, elle a fondé l'association "Ni putes, ni soumises".

Ses hésitations avant d'entrer au gouvernement

Fadela Amara a été contactée une première fois pour faire partie du premier gouvernement Fillon. Elle avait refusé en expliquant qu'elle se sentait plus utile à la tête de son association "Ni putes, ni soumises". Finalement, la deuxième tentative fut la bonne, elle s'est laissée tenter par l'aventure même si la décision fut difficile à prendre car c'est une femme de gauche. Sa nomination a déjà suscité de nombreuses critiques à gauche et en banlieue. On l'accuse d'opportunisme. De son côté, elle répond que son combat n'a pas de clivage politique et qu'elle souhaite transformer la vie dans les quartiers.

Son tandem improbable avec Christine Boutin

Fadela Amara est secrétaire d'Etat, sous la tutelle de la ministre du logement et de la ville, Christine Boutin. Elles le reconnaissent elles-mêmes, leur duo est improbable. Christine Boutin représente la droite catholique, l'opposante au PACS, celle qui considère l'avortement comme un acte inhumain. Fadela Amara est une féministe qui a défendu, avec son association "Ni putes, ni soumises", le droit des femmes à disposer de leur corps, la lutte contre l'oppression dont sont victimes les femmes, notamment dans les banlieues. Christine Boutin et Fadela Amara s'étaient déjà rencontrées sur des plateaux de télévision pour s'affronter. Elles vont devoir travailler ensemble pour tenter de sortir la banlieue du ghetto dans lequel elle est en train de s'enfermer.

Son plan "anti-glandouille"

Début septembre, l'ancienne présidente de l'association "Ni putes, ni soumises" a fait sensation en présentant son projet en des termes peu habituels pour un membre du gouvernement. Ainsi, elle déclaré qu'elle appliquerait une "tolérance zéro pour la glandouille". Selon elle, pour sortir les jeunes des banlieues de la délinquance, il ne faut pas "qu'ils traînent et s'emmerdent dans les cités en bas des cages d'escalier, avec toutes les conséquences que ça a". La secrétaire d'Etat aurait même déclaré en plein conseil : "Je vous le dit très cash, maintenant il faut agir. Il est hors de question qu'on continue à se la raconter sur la question des banlieues".

Un discours qui tranche avec la langue de bois habituelle.

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