L'argent des ministres : salaires et indemnités cachées

breve · 22 août 2008 à 20:10

Salaire de ministre

La durée de vie d'un ministre en politique est faible : deux ans. De l'avis de tous, la fonction est très prenante : élaboration de textes de lois, explications de la réforme, déplacements sur le terrain pour "être à l'écoute", négociations en coulisses avec les groupes parlementaires, longues tractations avec le ministre des comptes publics pour obtenir un bon budget pour son ministère. Le travail ne manque pas, les couleuvres avalées non plus : les ministres se contredisent régulièrement car les arbitrages du président de la République et du Premier ministre varient. Pour effectuer toutes ses tâches, le ministre est bien payé : 13 471 euros. Rien de choquant. Sauf que ce n'est qu'une partie du salaire...


Politique.net propose une série sur l'argent du pouvoir en 30 épisodes : Quels sont les avantages des collaborateurs des ministères ? Quels sont les revenus des députés ? Comment les partis politiques étaient-ils financés dans les années 1980 ? Les fonds secrets ont-ils disparu ?

Episode 16 : Quand les ministres sont payés autant que le président de la République

Argent du pouvoir

Un salaire mensuel de 13 471 euros

Avant la suppression des fonds secrets, les ministres touchaient un salaire auquel s'ajoutaient des enveloppes de billet dont le montant était inconnu. En 2002, suite à la suppression des fonds secrets, le salaire officiel d'un ministre a été augmenté de 70% pour compenser la perte des enveloppes de billet. Un ministre de la République touche officiellement 13 471 euros. Ce salaire élevé s'explique par les responsabilités considérables d'un ministre : gestion d'une administration tentaculaire, élaboration des textes de loi, suivi quotidien de son périmètre d'Etat (sécurité, défense, politique du logement, etc.). Le ministre doit se rendre disponible 24h/24 et est donc bien payé en conséquence. Mais ce salaire officiel n'est pas sa seule rétribution.

La mystérieuse indemnité de frais d'emploi évaluée à plus de 6 000 euros

Les députés reçoivent une indemnité de frais de mandat, ou frais de représentation, destinés à financer leurs déplacements, leurs frais de bouche, leurs vêtements, c'est-à-dire tout ce qui attrait à leur fonction de "représentant de l'Etat". Les ministres ont eux-aussi droit à leur indemnité. Elle est appelée "indemnités de frais d'emploi" et son montant est fixé par le Premier ministre selon l'article 14 de la loi de finances de 2002 : "Le Premier ministre fixe par décisions individuelles le montant de l'allocation mensuelle pour frais d'emploi attribuée à chaque membre du gouvernement pendant qu'il exerce ses fonctions pour couvrir ceux des frais inhérents à ses fonctions qui, en raison de leur nature, ne peuvent pas être pris en charge par les budgets des ministres concernés". Le montant ne peut être inférieur à celui de l'indemnité de frais de mandat des députés, soit 6 223 euros, net d'impôts.

Edit du 10 mars 2009 : Sur son blog, Vincent Quivy a annoncé qu'il s'était trompé à propos de l'indemnité de frais d'emploi pour les ministres. Elle n'existe plus depuis 2002.

Les ministres sont payés autant que le président de la République

L'indemnité de frais d'emploi pose deux problèmes : tout d'abord, son montant exact est inconnu. A la différence de l'indemnité de frais de mandat des députés, le chiffre n'est pas rendu public et le montant est fixé par le Premier ministre. Cette indemnité ne peut être inférieure à celle des députés, mais il n'y a pas de maximum. Deuxième problème, cette indemnité ne correspond pas à de réels frais. Car si les députés doivent financer un bureau, une permanence, leurs déplacements en voiture (les transports en commun sont gratuits), ce n'est pas le cas des ministres. Dans le cadre de leurs activités, l'Etat finance leur logement, leurs déplacements (voitures avec chauffeur, flotte républicaine), leurs frais de bouche, leurs dépenses de communication et l'ensemble des salaires de leurs collaborateurs entrent dans le budget de fonctionnement de leur ministère. En d'autres termes, les ministres perçoivent une indemnité de frais d'emplois alors que l'Etat couvre déjà l'ensemble des frais liés à leur fonction. Cette indemnité ressemblerait plutôt à une prime non imposable.
Le salaire réel d'un ministre est donc composé de son salaire mensuel de 13 471 euros et de la prime déguisée de plus de 6 000 euros. Au total, un ministre perçoit donc un peu plus de 20 000 euros de revenus, soit l'équivalent du nouveau salaire du président de la République.

Quand les ministres cumulent : le cas de Xavier Bertrand

Le salaire et l'indemnité de frais d'emploi ne sont pas les seules sources de revenus d'un ministre. Car comme la plupart des responsables politiques, les ministres cumulent leur fonction nationale avec un mandat local. Sur les 30 membres du gouvernement Fillon, 21 ministres ou secrétaires d'Etat cumulent leur fonction gouvernementale avec un mandat local. C'est le cas, par exemple, du ministre du Travail, Xavier Bertrand. En tant que ministre, il perçoit un peu plus de 20 000 euros (salaire + prime déguisée). Malgré la tâche très prenante de son ministère (35 heures, service minimum, dialogue social), Xavier Bertrand trouve tout de même le temps de s'occuper de la ville de St Quentin dans l'Aisne. En effet, il occupe toujours les fonctions d'adjoint au maire et de vice-président de la communauté d'agglomération. Or, ces deux fonctions sont rémunérées 1 637 euros chacune, soit 3 274 euros tout de même. Le salaire de Xavier Bertrand avoisinerait donc les 24 000 euros. Et encore, sans tenir compte du salaire (dont le montant est inconnu) que lui verse l'UMP pour ses fonctions de "secrétaire général adjoint" qu'il occupe depuis quelques mois. Le revenu de Xavier Bertrand serait donc plus proche de 30 000 euros par mois.
Pour justifier le cumul de ses activités, Xavier Bertrand explique toujours qu'il n'est pas aux 35 heures. Certes, mais en cumulant 4 salaires pour des postes censés être à temps plein, Xavier Bertrand serait censé travailler 140 heures par semaine, en imaginant que le ministère du travail ne lui prenne que 35 heures par semaine. Quand le mythe de l'hyperactif hors-norme justifie le cumul des salaires...



*** Source
- Vincent Quivy, Abus de pouvoir, Editions du moment, septembre 2007



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Edit du 27 septembre 2008 : Madame Florence Dépret, conseillère en communication de Xavier Bertrand au Ministère du travail, des relations sociales, de la famille et de la solidarité nous a contactés pour nous apporter un rectificatif concernant les chiffres avancés par le journaliste Vincent Quivy dans son livre Abus de pouvoir (Editions du moment, septembre 2007). Ainsi, le Ministre percevrait :
- 12.162,34 € nets par mois et non 13.471 € au titre de ses fonctions de Ministre
- 3375,49 € nets par mois et non 1637€ au titre de ses fonctions de Maire adjoint de St-Quentin
- 145,86 € nets par mois et non 1637€ au titre de ses fonctions à la Communauté d'agglomération


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Edit du 10 mars 2009 : Sur son blog, Vincent Quivy a annoncé qu'il s'était trompé à propos de l'indemnité de frais d'emploi pour les ministres. Elle n'existe plus depuis 2002.

*** Liens

Série "L'argent du pouvoir"
1. Le tabou de l'argent du pouvoir
2. Argent de l'Elysée : Emmanuelle Mignon part à la chasse aux gaspillages
3. Salaire et avantages en nature : que paye vraiment le président de la République ?
4. Le coût de la communication du président : 150 000 euros le site internet, et le reste ?
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11. Le salaire des collaborateurs des ministères : entre 3000 et 6000 euros
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14. Voiture avec chauffeur : une tradition répandue à tous les niveaux de l'Etat
15. L'argent des députés : salaires, avantages en nature et cagnotte personnelle
16. L'argent des ministres : salaires et indemnités cachées

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