Revue de presse · 4 mai 2008 à 22:10
Réélu maire de Paris, Bertrand Delanoë peut désormais penser à ses ambitions nationales. Pendant la campagne des municipales, pour éviter d'être qualifié de futur maire à mi-temps, Bertrand Delanoë avait annoncé qu'il n'était pas candidat au poste de premier secrétaire du PS. Mais depuis sa réélection triomphale, il ne cache plus son intérêt pour le poste, en vue d'une éventuelle candidature à l'élection présidentielle de 2012. Ségolène Royal est déjà partie en campagne, notamment en lançant une consultation participative sur Internet, mais le Parisien révèle que le maire de Paris prépare secrètement le congrès du PS de novembre prochain et espère coiffer sur le poteau sa rivale.
- Source : Eric Hacquemand, "Comment Bertrand Delanoë se prépare à prendre le PS", Le Parisien Dimanche, 4 mai 2008
Un temps hésitant à être candidat à la succession de François Hollande en novembre prochain, Bertrand Delanoë a fini par se convaincre que c'était maintenant ou jamais. Depuis janvier, la liste des prétendants au poste de Premier secrétaire du PS ne cesse de se rallonger. De nombreux quadras ont déjà annoncé officiellement leur candidature : Pierre Moscovici, Julien Dray, Manuel Valls. Ségolène Royal quant à elle est déjà en campagne. Le maire de Paris a donc vite compris que s'il ne se lançait pas dans la bataille, il serait marginalisé. Candidat au poste de Premier secrétaire ou candidat en 2012, Bertrand Delanoë est, quoi qu'il arrive, obligé de bouger s'il veut rester dans la course.
Sa stratégie de conquête du Parti Socialiste se déroule en trois actes. La semaine prochaine, un texte d'une quinzaine de pages sera rendu public. Préparé depuis plusieurs semaines par des proches du maire de Paris, ce document est censé fournir les grandes lignes d'une future motion au congrès du Parti Socialiste. En publiant ce texte, Bertrand Delanoë veut participer au débat d'idées et montrer que sa réflexion ne se borne pas à la politique locale. Le document est composé de 3 parties : l'état de la France, le projet du PS avec une longue partie consacrée à "l'économie du savoir et de la connaissance". Enfin, la dernière partie définit les contours d'un nouveau parti socialiste.
Deuxième temps fort : la publication d'un ouvrage le 22 mai aux éditions Robert Laffont et intitulé "De l'audace". Le maire de Paris prépare depuis plusieurs semaines un livre d'entretien avec le directeur de Libération, Laurent Joffrin, dans lequel il expose sa vision du monde et de la société française. Cet ouvrage de réflexion doit permettre à Bertrand Delanoë d'asseoir un peu plus son statut de présidentiable. Pour faire la promotion de ce livre, l'équipe du maire de Paris a concocté un plan média en béton : 20 heures de TF1, publication d'extraits dans le Nouvel Observateur, tournée des librairies qui s'étalera jusqu'en juin.
Enfin, fin mai, Bertrand Delanoë devrait organiser une journée d'études dans le XIe arrondissement de Paris pour débattre des idées issues du premier document de travail. Dans les faits, il s'agit pour lui de compter ses partisans et de commencer la chasse aux ralliements. S'il peut déjà s'enorgueillir d'avoir le soutien de tous les anciens jospinistes, Bertrand Delanoë doit rassembler au-delà de son camp.
Le duel qui s'annonce entre Bertrand Delanoë et Ségolène Royal ne sera pas qu'une simple bataille d'images. La crédibilité du projet et la maîtrise du dossier seront des éléments décisifs pour les départager, après une campagne présidentielle où l'impréparation de la candidate et son manque de crédibilité ont été les principaux angles d'attaque de la droite.
La présidente de la région Poitou-Charentes et le maire de Paris travaillent donc beaucoup sur leur projet et les idées fortes qu'ils pourront mettre en avant pour leur candidature. A cet effet, une course aux experts à débuter entre les deux candidats. Depuis plusieurs mois, ils rencontrent chacun à leur tour des experts sur tous les sujets : économie, justice, immigration. Ainsi, Philippe Aghion, professeur d'économie à Harvard, a été reçu par Ségolène Royal et le maire de Paris. A chaque fois, ces spécialistes exposent librement leurs idées sur le sujet, les candidats en gardent quelques-unes pour alimenter leur réflexion et se risquent parfois à leur proposer de rejoindre leur équipe de campagne. Cette bataille d'experts se terminera mi-juin au moment du dépôt des motions pour le congrès du Parti Socialiste.
Quelles sont les chances de Bertrand Delanoë pour prendre la tête du Parti Socialiste ? Difficile de répondre à cette question étant donné que l'issue d'un congrès du PS dépend de tractations obscures entre différents courants. Mais le maire de Paris possède de sérieux atouts : il bénéficie d'une côte de popularité assez élevée, sa gestion de la capitale depuis sept ans fait quasiment l'unanimité, il n'a jamais participé à la gestion quotidienne du PS et apparaît ainsi comme un homme neuf, situé au-dessus de la mêlée des présidentiables, contrairement à Dominique Strauss-Kahn et Laurent Fabius qui ont déjà perdu contre Ségolène Royal. Enfin, Bertrand Delanoë dispose déjà d'un courant au sein du PS, contrairement à sa rivale qui se retrouve relativement isolée, grâce aux soutiens des anciens jospinistes. Harlem Désir, Daniel Vaillant, Jean Glavany se sont mis à son service et constituent autant de relais indispensables au sein du parti.
Reste à savoir si tous ces atouts seront suffisants. Le principal handicap du maire de Paris est de s'être tenu à l'écart de la présidentielle de 2007. En tant qu'ancienne candidate du PS, Ségolène Royal a un temps d'avance et une légitimité sans doute plus grande que lui auprès des militants socialistes. Son élection à la tête du PS serait dans la suite logique d'une candidature qui a réunit tout de même près de 17 millions d'électeurs au second tour de la présidentielle. En son temps, François Mitterrand avait réussi à maintenir à distance ses concurrents grâce à sa candidature à la présidentielle de 1965 qui lui avait conféré un statut à part à gauche. C'est cette stature de présidentiable que devra peaufiner Bertrand Delanoë s'il veut battre Ségolène Royal au congrès de novembre prochain.
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