Grèves : les enjeux des négociations en 3 questions

Revue de presse · 14 nov. 2007 à 20:14

Grève du 14 novembre 2007

La grève a été plus faible que prévue mais elle est reconduite pour demain. Même si la mobilisation est plus faible que le 18 octobre, la grève a fortement perturbé le trafic des métros et des TER. La veille, le secrétaire général de la CGT avait fait un pas significatif pour sortir du conflit en acceptant de négocier entreprise par entreprise à conditions que la négociation se déroule à trois avec des membres du patronat, des syndicats, et des représentants de l'Etat. Mais concrètement, quels sont les enjeux des négociations qui vont débuter en coulisses ?

Revue de presse du jeudi 14 novembre 2007

- Retraites : la grève est reconduite mais des négociations se profilent (Libération)
- Peu de grévistes dans les rues (Le Figaro)
- Nicolas Sarkozy estime qu'il y a une "opportunité" de sortir de la crise (Le Monde)

1. Pourquoi les syndicats ont-ils perdu la bataille de l'opinion ?

Les principaux acteurs de la négociation en ont désormais la conviction : le conflit ne peut s'installer dans la durée. Contrairement aux grèves de 1995, plusieurs signes indiquent que la grève ne durera pas plusieurs semaines. L'efficacité d'une grève ne se mesure pas seulement à la mobilisation des grévistes mais aussi à celle de l'opinion. Or, les derniers sondages publiés dans la presse vont tous dans le même sens : une majorité de Français (60 à 65%) est favorable à la réforme des régimes spéciaux. En 1995, la population était majoritairement hostile au plan Juppé. Aujourd'hui, ce n'est pas le cas, les salariés du privé et du public cotisent tous 40 ans et perçoivent, à tort ou à raison, les dérogations des régimes spéciaux comme des privilèges. Par conséquent, sans soutien de l'opinion publique, les syndicats ne pourront installer un conflit impopulaire dans la durée.

2. Pourquoi Bernard Thibaut (CGT) tente-t-il de débloquer la situation ?

Depuis le début, la CGT remet en cause l'allongement de la durée de cotisation et souhaite une négociation globale sur les régimes spéciaux avec le gouvernement et le patronat. De son côté, le gouvernement renvoyait les syndicats à des négociations entreprise par entreprise, sans la présence du gouvernement. L'enjeu est assez simple : les uns veulent une remise en cause globale dans une logique d'affrontement frontal, les autres souhaitent individualiser les négociations pour affaiblir le mouvement.
Convaincu que le rapport de force pouvait vite basculer au profit du gouvernement après les premiers sondages, Bernard Thibaut a donc fait un geste fort hier soir en acceptant de négocier entreprise par entreprise. De son côté, le gouvernement a répondu favorablement à la demande du secrétaire de la CGT en acceptant de participer aux négociations avec les syndicats et le patronat.

3. Quels sont les points négociables ?

Le gouvernement ne peut reculer sur le point principal de la réforme des régimes spéciaux : l'allongement de la durée de cotisation à 40 ans. Si le gouvernement cédait sur ce point, il est vraisemblable que plus aucune réforme ne pourrait passer pour le reste du quinquennat.
En revanche, pour compenser cet effort fait par les salariés des régimes spéciaux, le gouvernement est prêt à lâcher du lest sur des formes de compensation financière : possibilité de partir plus tôt dans certaines branches, revalorisation des retraites, système de primes, etc. A chaque fois, ce ne sera pas l'Etat directement qui mettra la main à la poche mais les entreprises publiques : SNCF, RAPT, EDF, etc. En coulisses, on laisse entendre que ces entreprises ont suffisamment de fonds pour lâcher du lest.

Le geste de la CGT a donc rendu possible une sortie de crise plus rapide que prévu. Même si rien n'est fait, toutes les conditions sont réunies pour que le retour de toutes les parties à la table des négociations sonne la fin des mouvements de grève. Au final, tout le monde sortirait gagnant : les principaux syndicats apparaîtraient comme des réformistes et non des "gréviculteurs" et le gouvernement pourrait se vanter d'avoir réformé les régimes spéciaux, les multiples concessions techniques n'étant pas réellement perceptibles par l'opinion.

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La réforme des régimes spéciaux
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- La classe politique divisée sur la réforme des régimes spéciaux de retraite

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- Le régime très spécial des militaires
- Le régime spécial des députés
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> Le cas particulier de la SNCF
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