Qui finance les syndicats ?

Questions d'actualité · 17 oct. 2007 à 23:46

Le financement des syndicats

Les syndicats organisent une journée d'action contre la réforme des régimes spéciaux de retraite. Par rapport aux autres pays européens, le nombre de syndiqués reste très faible en France. Moins de 8% des salariés sont adhérents à un syndicat. Puisque le nombre d'adhérents est faible, la question de leur financement est posée. Depuis 10 jours, le numéro 2 du Medef, syndicat des patrons, est l'acteur principal d'un scandale politico-financier de grande ampleur.
Denis Gautier-Sauvagnac, président de l'Union des industries et métiers de la métallurgie (UIMM), est suspecté d'avoir prélevé près de 15 millions d'euros en liquide dans les caisses de son organisation, la plus riche du Medef. Entre 2000 et 2007, il effectuait des retraits dans une banque parisienne, certaines valises contenant jusqu'à 200 000 euros en billets. Mais toute la question est de savoir à qui était destiné cet argent. L'idée selon laquelle ces retraits étaient destinés à financer les syndicats de salariés apparaît de plus en plus crédible. Les démentis apportés par les organisations syndicales n'y ont rien changé étant donné le peu d'informations qui circule sur les modes de financement des syndicats. Concrètement, qui les finance ?

Le financement des syndicats, un tabou en France

La loi de 1884 relative au financement des syndicats précise que les organisations syndicales ne sont pas tenues de rendre public leur compte. Cette opacité décidée à l'époque était censée protéger le salarié du patronat en garantissant la discrétion, voire le secret sur son appartenance ou non à tel ou tel syndicat. A partir du moment où le nombre exact des adhérents des syndicats est inconnu, leur mode de financement reste opaque. Plusieurs enquêtes parallèles ont abouti à un chiffre approximatif de 40 millions d'euros de subventions par an distribués par l'Etat aux principaux syndicats. Mais ce chiffre est invérifiable puisque les centrales ne publient pas leur compte.
François Chérèque, le leader de la CFDT, a été contraint d'en dire plus, suite au début de scandale de l'UIMM. Dans les médias, il a déclaré que la CDFT était financé à hauteur de 30% par des fonds publics sur un montant total de plus de 40 millions d'euros de budget annuel.

Une gestion opaque dénoncée par la cour des comptes

Depuis des années, la cour des comptes dénonce l'opacité du financement des syndicats. Outre les subventions publiques, les syndicats diversifient leur mode de financement externe, parfois à la limite de la légalité. Ainsi, plusieurs enquêtes ont démontré que certains fonds de caisse de retraite gérés par les syndicats étaient placés en bourse afin de faire fructifier ces capitaux, au seul bénéfice des syndicats. En outre, les comptes des syndicats recèlent parfois des surprises de taille : les notes de frais de certains dirigeants sont d'un montant anormalement élevé et certaines centrales syndicales investissent même dans l'achat de chevaux de course hippique.

Détachements ou emplois fictifs ?

La cour des comptes dénonce également la logique de détachements des fonctionnaires au service des syndicats. La plupart des permanents des organisations syndicales ne sont pas payées directement par le syndicat. Elles sont détachées de leur corps d'origine, au titre de la participation à l'administration de leurs syndicats. Ainsi, tel salarié d'une entreprise publique, bénéficie d'une décharge horaire pour ses activités syndicales. Pour certains, la décharge horaire est l'équivalent d'un temps plein. D'un point de vue juridique, on se retrouve alors dans une situation d'emplois fictifs : une administration rémunère un salarié qui travaille à temps dans un syndicat et non dans l'administration en question. Pour l'heure, le pouvoir législatif n'a toujours pas légiféré pour clarifier la situation juridique de ces salariés en détachement.

L'UIMM, la caisse noire des syndicats ?

Le scandale financier de cette filiale du Medef relance la question du financement des syndicats. Selon les premiers éléments de l'enquête, tout porte à croire que le Medef finançait de manière occulte les syndicats en distribuant des sommes d'argent en liquide. On peut alors imaginer que des accords entre organisation patronale et syndicats de salariés se doublaient de transaction financière. De là dire que le patronat pouvait acheter la paix sociale...
Pour l'instant, tous nient les faits. Mais face à la faiblesse du nombre d'adhérents, la question du réel financement des syndicats est posée. Surtout que les premiers chiffres qui circulent concernant le budget des principales centrales sont vertigineux. La CGT aurait un budget de fonctionnement de près de 220 millions d'euros par an, celui de la CDFT serait d'environ 130 millions d'euros et celui de FO de 60 millions d'euros. En ne publiant pas publiquement leurs comptes, les syndicats seront systématiquement suspectés d'avoir des pratiques illégales pour leur financement.

L'affaire de l'argent liquide de l'IUMM devrait donc servir de prétexte pour une remise à plat du mode de financement des syndicats dans un souci de transparence, sur le même modèle que les lois de financement public des partis politiques dans les années 1990.

*** Liens

- Qu'est-ce que les régimes spéciaux de retraite ?
- Retraite des parlementaires : un régime spécial
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