Claude Guéant, le vrai Premier ministre ?

Livres politiques · 24 nov. 2008 à 22:46

Claude Guéant, premier ministre

Depuis l'élection de Nicolas Sarkozy à la présidence de la République, on assiste à une réorganisation de l'Elysée comme de Matignon. Aux dires de François Fillon dans L'Enfer de Matignon, le candidat UMP et lui auraient réfléchi pendant plus d'un an à l'avance, la constitution du gouvernement et le rôle qu'il aurait à tenir en tant que Premier ministre, un rôle d'exécutant, laissant le pouvoir décisionnaire au Président de la République. Depuis, Nicolas Sarkozy a été élu et a nommé François Fillon chef du gouvernement, mais aussi Claude Guéant, secrétaire général de l'Elysée, incarnant ainsi une sorte de contre-pouvoir. Les journalistes Christian Duplan et Bernard Pellegrin expliquent dans Claude Guéant, L'Homme qui murmure à l'oreille de Sarkozy (aux éditions du Rocher) la prise de pouvoir du secrétaire sur François Fillon.


Série 7/8 : Le match Guéant / Fillon

Claude Guéant

Claude Guéant, principal responsable de la marginalisation de Fillon

Selon Nicolas Sarkozy, le Président de la République ne doit pas se contenter d'être élu : il doit appliquer le programme et intervenir régulièrement dans les médias pour expliquer les avancées politiques, donner un point de vue sur un problème économique ou autre. En tout cas, il ne doit donner les pleins pouvoirs au Premier ministre et le laisser faire sans agir. Il semblerait que dans un premier temps, François Fillon ait partagé ce point de vue, mais s'est dédit en comprenant que Nicolas Sarkozy a mis en place une sorte de gouvernement bis, avec à sa tête le secrétaire général de l'Elysée, Claude Guéant. Un secrétaire qui prend une place de plus en plus importante au point de décrédibiliser le travail de François Fillon.
Dans Claude Guéant, L'Homme qui murmure à l'oreille de Sarkozy, le secrétaire général de l'Elysée affirme vouloir défendre un pouvoir exécutif fort, dans lequel le président de la République serait celui qui gouverne complètement. Selon lui, « les autres pouvoirs étant peu ou prou des obstacles à cette gouvernance unique. Le Premier ministre d'abord ; son gouvernement ensuite, le Parlement immédiatement après, le parti majoritaire en dernier lieu. Un schéma parfaitement conforme aux institutions de la Ve République, assure-t-il ».
Par conséquent, Claude Guéant se retrouve en concurrence directe avec le Premier ministre, obstacle donc à la mise en oeuvre du pouvoir exécutif de Nicolas Sarkozy. Mais on ne perçoit guère ce changement comme le prolongement de ce qui s'est fait en France depuis la Vème République et lors d'une réunion du groupe UMP à l'Assemblée nationale, la députée de Meurthe-et-Moselle, Valérie Tossi-Debord a exprimé son mécontentement : « Il y a un glissement institutionnel auquel il faut prendre garde ». Pour supprimer l'obstacle, le secrétaire général est alors chargé de prendre de cours François Fillon afin de laisser le champ libre au Président. Un bon moyen pour se passer du gouvernement : travailler directement avec le Parlement. Claude Guéant estime que le Président devrait se rapprocher du Parlement, « l'origine du pouvoir, l'origine des orientations et le pouvoir législatif ». Il doit donc établir un lien direct entre Nicolas Sarkozy et le Parlement, « en passant par-dessus Matignon ».

Un secrétaire général de l'Elysée très médiatique

Nicolas Sarkozy envisage une nouvelle gouvernance où ce serait lui qui donne les règles : ainsi « le vrai gouvernement se trouve à l'Elysée et se décline ainsi : un président qui impulse et décide ; un premier collaborateur qui vérifie la conformité des évolutions politiques avec la pensée présidentielle, avec les engagements du candidat aussi, puis s'assure, avec l'aide de sa propre équipe, de leur bonne transmission vers les ministères concernés ».
Ce nouveau système sous-entend que ce n'est plus au Premier ministre de communiquer dans les médias les décisions politiques mais à Nicolas Sarkozy lui-même ou à son secrétaire général. Ainsi, dès l'été 2007, une fois l'équipe en place, Claude Guéant est apparu dans les différents médias pour se présenter clairement comme l'homme qui annonce les décisions du Président. A de nombreuses reprises, il ne se gêne pas pour couper l'herbe sous le pied de François Fillon. Les journalistes Christian Duplan et Bernard Pellegrin donnent quelques exemples : le 2 septembre 2007, Claude Guéant participe au Grand Jury RTL-Le Figaro-LCI et en profite pour multiplier les annonces politiques portant sur la fusion Suez et Gaz de France, Areva, les chiffres de la croissance (contredisant par la même occasion la ministre de l'Economie Christine Lagarde qui annonce au même moment un « plan de rigueur »). Claude Guéant explique qu'il participe à différentes émissions, au risque de décrédibiliser les ministres, parce que le Président « autorise et même encourage ses collaborateurs à s'exprimer dans les médias ».
Claude Guéant se constituerait ainsi une légitimité auprès des Français et étendrait son pouvoir étant « chargé des relations avec les parlementaires, avec l'UMP et pren[ant] la fonction de porte-parole ». Ce n'est donc plus François Fillon qui met en avant la politique du gouvernement mais Claude Guéant qui annonce les décisions prises par l'Elysée voire corrige les erreurs émises de la part des ministres. Les différents membres du gouvernement comme leur chef passent donc au second plan et savent que si leurs propos ne cadrent pas avec ceux de l'Elysée, le gouvernement bis ne tardera pas à rectifier publiquement le tir.



Christian Duplan et Bernard Pellegrin se demandent si l'ambition de Claude Guéant ne serait pas d'entrer véritablement en politique et de se trouver un fief. A cette question, le secrétaire général de l'Elysée répond qu'il ne souhaite pas « commencer une nouvelle vie professionnelle ». Pourtant selon les informations des journalistes, on lui aurait cherché quelques régions où s'implanter comme le Nord, les Hauts-de-Seine ou l'Ille-et-Vilaine. Il semblerait toutefois que le prochain poste de Claude Guéant, selon certaines sources, comme Nicolas Bazire, l'ancien directeur de cabinet d'Edouard Balladur, serait bien plus prestigieux puisqu'il pourrait remplacer François Fillon à la tête du gouvernement.


Christian Duplan et Bernard Pellegrin, Claude Guéant, l'homme qui murmure à l'oreille de Sarkozy, Editions du Rocher, 2008, 196 pages

*** Liens

Claude Guéant, l'homme qui murmure à l'oreille de Sarkozy
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- Un étudiant bien discret en 1968
- De la direction de la police nationale au palais de l'Elysée
- Claude Guéant / Nicolas Sarkozy : un couple improbable
- Les ennemis de Claude Guéant : déstabilisation et coups montés
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