Philippe Séguin, l'ancien responsable politique qui veille désormais sur les comptes

Enquête · 19 sep. 2008 à 23:22

Philippe Séguin, cour des comptes

Ctte semaine, la Cour des comptes a publié un rapport sans concession sur l'état des comptes de l'Assurance-Maladie. L'institution présidée par Philippe Séguin a notamment critiqué l'accumulation des exonérations de charge, qui prive la Sécurité sociale de ses recettes. Le lendemain, Nicolas Sarkozy a cru bon devoir répondre aux informations de la Cour des comptes en présentant son plan santé. Ancien responsable politique de premier plan, Philippe Séguin est devenu premier président de la Cour des comptes en 2004. Depuis, jamais les rapports de la Cour des comptes n'ont eu autant d'écho dans les médias. Retour sur le parcours de cet ancien responsable politique qui a désormais les yeux rivés sur les comptes publics.


Portrait de Philippe Séguin.

Origines et formation

Philippe Séguin est né le 21 avril 1943 à Tunis. Son père meurt à 22 ans, pour la France, pendant la Seconde guerre mondiale, en septembre 1944. Lors de l'indépendance de la Tunisie, sa mère institutrice décide de quitter le pays et de rentrer en métropole avec son fils. Elle s'installe à Draguignan. Quelque temps plus tard, les grands-parents rentrent à leur tour, ruinés.
Philippe Séguin fait de longues études : il entre à l'école normale d'instituteurs départementale. Il fait ensuite des études de lettres avant d'intégrer l'Institut de sciences Politiques d'Aix-en-Provence. Après avoir fait l'ENA (promotion Robespierre, 1970), il entre à la Cour des comptes.

Ses premiers pas en politique

Il commence sa carrière politique de façon traditionnelle : en travaillant dans les cabinets ministériels. En tant que membre du Rassemblement pour la République, il est d'abord chargé de mission au Secrétariat général de la présidence de la République entre 1973 et 1974 sous Georges Pompidou. Il occupe ensuite des fonctions de directeur de cabinet ministériel sous la présidence de Valéry Giscard d'Estaing. De 1977 à 1978, il entre au cabinet du Premier ministre Raymond Barre. Pourtant, il peine à trouver ses marques : gaulliste, il ne se reconnaît pas dans la politique de Pompidou, de Barre ou de Giscard d'Estaing. Il invente donc son propre style, de façon solitaire.

En moins de 15 ans, il occupe toutes les fonctions électives

En 1978, il se présente aux élections législatives, il est élu député des Vosges, mandat qu'il parvient à conserver jusqu'en 2002. Il occupe également la vice-présidence du Conseil régional de Lorraine entre 1979 et 1983 puis est élu maire d'Epinal en 1983 jusqu'en 1997. Au cours des années 1980, il occupe différents postes qui lui permettent de se faire un réseau et d'entrer au gouvernement. D'abord, il est Secrétaire national du RPR entre 1984 et 1986 en tant que conseiller pour les affaires sportives, puis pour les problèmes de rapatriés, enfin chargé de la décentralisation. En 1986, il est nommé ministre des Affaires sociales et de l'Emploi dans le gouvernement de Jacques Chirac.
En 1992, la carrière politique de Philippe Séguin prend un nouveau tournant : il s'engage pour le Non au traité de Maastricht. Fidèle à la tradition gaulliste et attaché à l'implication de l'Etat dans le domaine social, il estime que le traité européen est une menace pour l'indépendance de la France. Il craint surtout une Europe trop libérale. François Mitterrand, alors président de la République, accepte même un débat télévisé avec lui.
En avril 1993, après la victoire de la droite aux élections législatives, Philippe Séguin devient président de l'Assemblée nationale. Son combat consiste à protéger l'autonomie des parlementaires face au gouvernement.

De la fracture sociale de 1995 à la direction du RPR

Lors de la campagne présidentielle de 1995, Philippe Séguin apporte son soutien à Jacques Chirac. Il joue un rôle clé puisqu'il est l'un des inspirateurs du discours de Jacques Chirac sur la fameuse « fracture sociale ». Mais contrairement à ce qu'il espérait, Philippe Séguin est tenu à l'écart du gouvernement, une fois Jacques Chirac élu Président.
Toutefois, deux événements lui permettent de revenir au devant de la scène politique : les difficultés du Premier ministre Alain Juppé essuyant de nombreuses manifestations contre l'application de ses projets notamment sur les retraites ainsi que l'échec de la majorité aux législatives anticipées de 1997. En effet, au cours de la campagne électorale, Philipe Séguin s'est rapproché des libéraux du RPR tout en maintenant l'idée de faire une Europe sociale.
Ces nouvelles affinités lui permettent de prendre la tête du RPR en juillet 1997. Ses projets sont divers : il souhaite rénover le parti en proposant de nouveaux statuts aux membres du parti. Ainsi, il propose que les militants votent de façon directe pour le président. Il élabore également un programme social-libéral.
Toutefois, il est très vite confronté à de nombreux obstacles au sein même du RPR : certains le soupçonnent de se mettre déjà en campagne pour la présidence de la République de 2002 et de vouloir trahir Jacques Chirac. Le parti se divise également au sujet de la monnaie unique et de la construction de l'Europe. Il ne parvient pas à établir une liste unique aux élections européennes. Finalement, sous la pression et surtout les différentes manoeuvres des chiraquiens, Philippe Séguin abandonne la direction du RPR en avril 1999.

Un retour manqué lors des municipales à Paris en 2001

Après quelques mois de retraite politique, Philippe Séguin revient en tant que candidat à la mairie de Paris. Alors qu'Édouard Balladur et Françoise de Panafieu ont laissé le champ libre, Philippe Séguin est désigné à l'unanimité comme candidat par le RPR. Afin de mettre fin à la polémique sur les « faux électeurs », il propose une loi sur la refonte des listes électorales de Paris. Mais la campagne se complique : certains lui reprochent son manque de transparence quant à l'élaboration des listes de candidature. Il doit de plus composer avec Jean Tibéri, le maire sortant. Il refuse de fusionner leurs listes entre les deux tours souhaitant un soutien clair de la part de Jacques Chirac qui ne lui viendra jamais en aide, contribuant ainsi à sa défaite. Le président de la République affirme ne pas vouloir prendre parti et dénonce les querelles au sein du parti. Finalement et sans surprise, Philippe Séguin est battu au second tour par le candidat socialiste, Bertrand Delanoë.

Opposé à la création de l'UMP

En 2002, au lendemain du premier tour de l'élection présidentielle et à la veille des élections législatives, le candidat Jacques Chirac décide de créer un nouveau parti, plus ouvert que le RPR ; l'Union pour un mouvement populaire (UMP). L'objectif de Jacques Chirac est clair : prendre les rennes d'un parti qui lui apporterait tout son soutien. Le parti est rassemble les forces gaullistes, libérales et du centre-droit. Mais Philippe Séguin, à la tête du RPR au Conseil de Paris, qui souhaitait réformer le parti, refuse d'intégrer l'UMP. Il démissionne donc du Conseil de Paris et l'échec aux élections législatives à Paris dans le XVIIIème arrondissement marque la fin de sa carrière politique.

Un président de la Cour des comptes indépendant

En 2002, suite à ses différents échecs, Philippe Séguin réintègre la Cour des comptes là où il a fait toute sa carrière professionnelle. Il en est élu premier président en 2004. Quand en 2007, Nicolas Sarkozy pense à lui pour devenir ministre de la Justice dans le gouvernement Fillon, celui-ci refuse préférant son poste de président de la Cour des comptes.
Etant donné son passé politique, Philippe Séguin est le deuxième président de la Cour des comptes, avec Pierre Joxe, à être médiatiquement reconnu. Sa nomination a donc permis à l'institution de revenir sur le devant de la scène, même si les rapports de la Cour des comptes n'ont aucun caractère contraignant pour l'Etat. Malgré tout, la publication des rapports et la médiatisation qui en est faite par Philippe Séguin renforce la légitimité et l'impact de la Cour des comptes. Le dernier rapport en date sur la Sécurité sociale est sans concession à l'égard de la politique du gouvernement de François Fillon, son ancien protégé.

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