François MITTERRAND (1916-1996)

Mitterrand

François Mitterrand a eu plusieurs vies : un passé trouble pendant la guerre, une carrière de ministres sous la IVe République, 23 ans d'opposition avant devenir le premier, et pour l'instant l'unique, président de gauche de la Ve République. A cette vie professionnelle si remplie s'ajoutait une double vie personnelle et une personnalité énigmatique. Homme de lettres, souvent distant, le 4ème président de la Ve République fascine encore aujourd'hui, 12 ans après sa mort.

Biographie de François Mitterrand.

Mitterrand

D'Angoulême à Paris, les premières années de son adolescence

François Mitterrand est né le 26 octobre 1916. Ses parents, Joseph (patron d'une vinaigrerie) et Yvonne, vivent avec leurs huit enfants. A 10 ans, il devient pensionnaire au collège St Paul d'Angoulême où il fera toutes ses études secondaires. Assez bon élève, François Mitterrand montre rapidement un penchant pour la lecture.
A l'âge de 18 ans, François Mitterrand débarque à Paris pour suivre des études supérieures après avoir obtenu son baccalauréat. Il loge dans un pensionnat au 104 avenue Vaugirard, "le 104" comme le surnommait les amis qu'il rencontre là-bas. Ensemble, ils parlent littérature mais aussi de politique.
Un mois après son arrivée à Paris, François Mitterrand s'engage dans un mouvement de droite nationaliste, les Croix de feux. Cette ligue, dirigée par le colonel Delaroque, représente une droite nationaliste, anti-parlementaire et anti-communiste. Mais contrairement à d'autres ligues de l'époque, les Croix de feu ne sont ni fascistes, ni antisémites. Inscrit dans l'organisation de jeunesse des croix de feux, il y milite pendant trois années. Pendant longtemps, François Mitterrand a nié avoir appartenu à cette ligue nationaliste, mais le hasard a fait que plusieurs photos de lui ont été publiées par la presse de l'époque (Le populaire ou Paris-Midi).

Mitterrand en 1936

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Mitterrand et le Front populaire

En juin 1936, la victoire du Front populaire change la donne. Le gouvernement de Léon Blum décide de dissoudre toutes les ligues. François Mitterrand racontera plus tard que sa conversion à la gauche date du Front populaire. A peine âgé de 20 ans, François Mitterrand est étonné par la joie qui accompagne les premiers temps du Front populaire. En réalité, en 1936, contrairement à ce qu'il affirme, François Mitterrand n'est pas encore socialiste. Il travaille à l'Echo de Paris, journal très marqué à droite. Parallèlement à ses activités journalistiques, il suit des cours à Sciences Po et à la fac de droit. Il mène une vie très mondaine avec ses "amis du 104". Très jeune, il a une haute opinion de lui-même, dans ses archives, on a retrouvé un courrier écrit à l'époque dans lequel il expliquait que si on ne rejetait pas le monde, il fallait alors le conquérir. Il vit une première passion amoureuse avec Catherine Langeais, future speakerine de la télévision. Selon son ami d'enfance François Dalle, Mitterrand était dans une telle dépendance amoureuse qu'il lui envoyait jusqu'à huit lettres par jour.

Mitterrand et Langeais

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Les années de captivité pendant la Seconde Guerre mondiale

En septembre 1938, il fait son service militaire et est incorporé au 23ème régiment d'infanterie coloniale au fort d'Ivry. C'est ici qu'il rencontre son plus fidèle ami, Georges Dayan. Ce dernier l'accompagnera tout au long de sa carrière politique, en restant dans l'ombre.
Au début de la Seconde Guerre mondiale, François Mitterrand et Georges Dayan sont envoyés à l'avant poste à la frontière belge. Le 14 juin 1940, le sergent Mitterrand est blessé par deux éclats d'obus. Il est fait prisonnier et est envoyé en Allemagne, au stalag 9A, qui comprend 35 000 prisonniers. La vie de prisonnier est difficile, les prisonniers ne mangeaient pas à leur faim. Les Allemands déposaient des bassines de soupe une fois par jour. Dans une interview accordée à la télévision, François Mitterrand a raconté ses années de captivité, notamment les soirées où lui et ses co-prisonniers passaient leur temps à tuer leurs poux tout en discutant philosophie. De l'avis-même de François Mitterrand, ses années de captivité sont les plus riches de sa vie car, pour la première fois, le jeune Mitterrand rencontre des personnes d'horizon diverse, très différentes de ses amis du 104. Il y fait notamment la connaissance de Patrice Pelat, ouvrier communiste, avec lequel il va entretenir une longue amitié de plus de 40 ans.
Au cours de ses années de captivité, François Mitterrand fait trois tentatives d'évasion. Le 16 décembre 1941, il réussit à regagner la France et débarque à l'improviste chez sa cousine qui habite le Jura. Ces deux années de guerre et de captivité marquent une rupture dans la vie de François Mitterrand.

Mitterrand

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Mitterrand, pétainiste

Le 19 juin 1942, il arrive à Vichy et parvient à trouver un emploi de documentaliste à la légion des combattants et des volontaires de la Révolution nationale, sorte de parti unique qui reprend la propagande pétainiste.
Dans les premiers mois de l'année 1942, François Mitterrand éprouve de l'admiration pour le maréchal Pétain et collabore à une revue de Vichy : "France, revue de l'Etat nouveau". Mitterrand est donc pétainiste. Dans une lettre retrouvée dans ses archives, François Mitterrand fait même l'éloge du SOL (Service d'Ordre Légionnaire), groupe paramilitaire chargé de pourchasser les ennemis du régime.
Pendant la collaboration, Mitterrand est donc à Vichy et fait la connaissance de René Bousquet, secrétaire général de la police. En juin 1942, ce dernier négocie avec le chef de la police allemande les modalités de collaboration de la police française pour participer aux rafles des juifs.
Les rares fois où François Mitterrand a accepté de parler de cette période, le président de la République se justifiait en expliquant qu'il n'était pas au courant de ce qui se passait pour les Juifs. Lors du vote des lois de 1941 qui excluent les Juifs de la communauté nationale, Mitterrand était en Allemagne. Toutefois, on peut remettre en cause cette version. Il est difficile de croire que Mitterrand ignorait le sort qui était réservé aux Juifs. Il était à Vichy lorsque les fonctionnaires de la police française arrêtaient les Juifs à Paris et dans la zone sud, sous les ordres de René Bousquet.

Mitterrand et Petain

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Le double-jeu de Mitterrand à Vichy

En juin 1942, Mitterrand entre au service de presse du commissariat général au prisonnier. Au sein de cette organisation chargée de faire parvenir des colis aux soldats qui sont emprisonnés en Allemagne, Mitterrand s'occupe du bulletin de propagande. C'est au sein de cette organisation qu'il va faire la connaissance d'un groupe de résistants qui ont infiltré le commissariat général. Dès lors, François Mitterrand va jouer un double-jeu et participer à des actions illégales, qui consistent à fabriquer de faux-papiers pour des hommes évadés d'Allemagne. Excellent faussaire, Mitterrand sculptait des pommes de terre pour en faire des tampons imitant le cachet de l'Etat français. Parallèlement à ses activités clandestines, François Mitterrand poursuit son travail au service de Vichy et rencontre même le maréchal Pétain en octobre 1942.
En janvier 1943, Laval renvoie Maurice Pinault du commissariat général au prisonnier pour placer un de ses hommes. Les principaux collaborateurs de Pinault, dont fait partie Mitterrand, démissionnent également. A partir de cette date, Mitterrand prend ses distances avec Vichy. Il prend des contacts avec des groupes de résistants sans rompre définitivement avec Vichy puisqu'en avril 1943, François Mitterrand reçoit la francisque. Or, pour obtenir cette décoration, il faut en faire la demande en remplissant un formulaire sans ambiguïté : "Je fais don de ma personne au maréchal Pétain, comme il a fait don de la sienne à la France. Je m'engage à servir ses disciples et à rester fidèle à sa personne et à son œuvre". Plus tard, Mitterrand atténuera la portée symbolique de cette déclaration en affirmant qu'il était en Angleterre quand la Francisque lui a été remise. Sauf qu'il a signé avant de partir le formulaire pour l'obtenir.
Par conséquent, au printemps 1943, Mitterrand hésite entre la résistance et le pouvoir de Vichy.

La francisque de Mitterrand

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Le basculement définitif dans la Résistance fin 1943

Dans la nuit du 15 au 16 novembre 1943, François Mitterrand s'envole pour Londres pour s'assurer de la légitimité de son organisation résistante auprès des responsables de la France libre. Il se rend ensuite à Alger où il est reçu par le général de Gaulle. Ce dernier lui demande d'accepter la dissolution de son organisation au sein d'une seule organisation résistante placée sous l'autorité de son neveu. Mais Mitterrand refuse la proposition de De Gaulle.
Lorsqu'il rentre à Paris en 1944, Mitterrand est un homme traqué par la Gestapo. Il change d'identité des dizaines de fois et échappe de peu à l'arrestation. De l'avis de ceux qui l'ont connu à l'époque, Mitterrand faisait preuve d'un réel courage physique. Il avait un sang-froid distancié qui lui était naturel. Mitterrand, qui se fait appeler "Morlan", est à la tête d'une importante organisation résistante en 1944, composée notamment de tous ces amis connus au 104 et au stalag.
En 1944, De Gaulle désigne Mitterrand comme commissaire général du ministère des prisonniers, sorte de ministre par intérim avant la mise en place du gouvernement provisoire. Dès le début de l'insurrection à Paris, Mitterrand, l'arme au poing, occupe le bâtiment du commissariat aux réfugiés.

De Gaulle

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Mariage et première élection à l’Assemblée Nationale (1944-1946)

A la fin de la guerre, Mitterrand ne fait pas partie du gouvernement provisoire, n’étant pas dans le premier cercle du général De Gaulle. Mettant entre parenthèse sa vie politique, François Mitterrand rencontre Danielle Gouze en avril 1944. Il l'épouse quelques mois plus tard, le 24 octobre. Le couple va donner naissance à deux garçons, après la mort d'un premier enfant du choléra. Il suit le procès Pétain en juillet 1945 en tant que journaliste.
En novembre 1946, François Mitterrand se présente aux élections législatives dans la Nièvre sous l'étiquette d'un petit parti de droite alors que la France d'après guerre est plutôt à gauche. Malgré le fait que ce soit un parachutage dans une circonscription qu'il ne connaît pas, il fait une campagne très active, à droite. Dans sa profession de foi, il dénonce la dictature communiste et la bolchevisation de la France. A peine élu, il finit par rentrer au gouvernement trois mois plus tard. Il devient ministre des Anciens combattants. Entré au gouvernement très jeune, à seulement 30 ans, François Mitterrand a très vite une réputation d'arriviste.

Mariage Mitterrand

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Plusieurs fois ministre sous la IVe République (1946-1958)

Sous la IVe République, François Mitterrand sera onze fois ministres. Membre de l'UDSR, ce parti charnière, plutôt au centre, est un vivier pour les gouvernements successifs. En juillet 1950, François Mitterrand devient ministre de la France d'Outre-mer, c'est-à-dire des colonies. A ce poste, il va mener toute une série de réforme pour donner plus de droits aux populations exploitées par les colons. Il va notamment s'assurer que les peuples colonisés puissent participer à des élections régulières pour désigner des élus légitimes. Il se vantera plus tard d'avoir lui-même libéré sept futurs chefs d'Etat africains.
En 1953, François Mitterrand démission du gouvernement pour protester contre la politique de répression menée par le gouvernement de l'époque dans les colonies du Maghreb, et notamment la guerre d'Indochine.
En 1954, la défaite en Indochine fait chuter le gouvernement. Pierre Mendès-France devient président du conseil et appelle François Mitterrand au poste de ministre de l'Intérieur. Il s'entoure alors de fidèles qu'il place aux postes clés, notamment à la préfecture de police de Paris. Ces remplacements vont susciter beaucoup d'amertume pour ceux qui vont être remerciés. François Mitterrand va se faire beaucoup d'ennemis. Il sera d'ailleurs mêlé à une fausse affaire d'espionnage. De faux documents indiquent que le Parti Communiste disposerait d'un contact au gouvernement. Mitterrand est accusé à tort, puis blanchi. Mais l'atmosphère place Beauvau, siège du ministère de l'Intérieur, est tendue. Elle l'est d'autant plus que la situation en Algérie se dégrade rapidement.
La position du gouvernement français vis-à-vis de l'Algérie est en adéquation avec celle de l'opinion à l'époque : Mitterrand dira à l'époque "l'Algérie, c'est la France". Tous les responsables politiques défendent le maintien de la colonie malgré les combats qui font rage. L'incapacité du gouvernement à résoudre cette crise va aboutir à la chute de la IVe République en 1958.

Mitterrand ministre

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L’arrivée au pouvoir de De Gaulle et les débuts dans l’opposition de Mitterrand

En 1958, le général De Gaulle est chargé par le président René Coty de former un nouveau gouvernement. La gauche manifeste alors contre ce qui est considéré comme un coup de force de l'armée. Le 31 mai 1958, le général de Gaulle réunit tous les chefs de parti de la IVe République. François Mitterrand s'oppose alors au général en expliquant que son groupe parlementaire ne voterait pas les pleins pouvoirs en sa faveur. Le lendemain, le général De Gaulle devient président du conseil. La Ve République est en marche et François Mitterrand, qui est apparu alors comme son principal opposant, comprend qu'il entre, à 49 ans, dans l’opposition pendant au moins 10 ans. Dans les faits, celle-ci va durer 23 ans.

De gaulle president du conseil

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Du Parti Socialiste Autonome à la constitution d’un petit cercle de proches

Lors des élections législatives de 1958, François Mitterrand perd son siège de député de la Nièvre. Il trouve néanmoins refuge au Sénat. La gauche a perdu de nombreux sièges : il n’en reste que 10. Les socialistes, Guy Mollet en tête, se sont ralliés au Général de Gaulle et participent à son gouvernement tandis que Mitterrand demeure à l’écart, fervent opposant au chef d’Etat. Il n’est pas le seul : une minorité des socialistes décide de s’écarter de Mollet et de créer le Parti socialiste autonome (ancêtre du PSU). Savary, Mendès-France y adhèrent. François Mitterrand voudrait lui aussi y entrer mais à cause de son passé vichyssois et ses errances dans différents partis, il n’est guère le bienvenu au PSA. Même s’il semble seul, il apparaît comme l’un des leaders opposé à de Gaulle. Pour faire face à l’adversité, il s’entoure d’un cercle d’amis qui lui resteront fidèles tout au long de sa carrière comme Dayan, Estier, Dumas, Mermaz … Dès cette époque, il veut créer une nouvelle gauche.

Mitterrand en 1958

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L’affaire de l’Observatoire en 1959

Nouveau scandale, nouvelle traversée du désert : en octobre 1959, tandis que François Mitterrand est au volant de sa voiture dans le centre de Paris, un véhicule le suit. Pris de panique, il s’arrête devant l’Observatoire, sort de son véhicule en courant et se jette dans un fourré. Au même moment, sa voiture est perforée par des balles de mitraillettes. Selon lui, il s’agirait d’extrémistes politiques. Cette affaire est relayée par la presse et la télévision. Il reçoit de nombreux témoignages de sympathies et recouvre une certaine popularité. Une semaine plus tard, la vérité éclate : François Mitterrand aurait mis en scène lui-même ce faux attentat. L’ancien député d’Extrême droite, Robert Pesquet le trahit : il se rend chez le juge d’instruction et lui apporte deux lettres dans lesquelles François Mitterrand lui explique toute la marche à suivre pour accomplir l’attentat.
Non seulement le socialiste est déconsidéré mais en plus, le 25 novembre1959, le Sénat vote la levée de son immunité parlementaire. Il est inculpé mais il n’y aura jamais de suites judiciaires. Mais cette affaire a de graves conséquences pour lui : certains proches et collaborateurs n’ont plus confiance en un homme capable de monter de faux attentats et de coopérer avec l’Extrême droite.

Attentat Observatoire

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Une chance : la création du suffrage universel direct

En 1962, annonce aux Français que désormais le Président de la République sera élu au suffrage universel. Les électeurs comme les différents partis politiques s’insurgent contre cette réforme.
Mitterrand comprend très vite les conséquences du changement de régime : avec l'instauration d'un pouvoir présidentiel fort dans la Ve République, l'élection présidentielle devient centrale et implique une personnalisation du pouvoir. Dans cette logique, il se présente dans les médias comme le principal opposant au général De Gaulle. Ainsi, un an avant l'élection, en 1964, il publie un ouvrage intitulé Le coup d'Etat permanent dans lequel il s'en prend personnellement à la manière dont De Gaulle exerce son pouvoir.
Alors qu'il est soutenu par un petit groupe, Mitterrand profite d'une situation politique qui lui ait favorable : puisqu'une grande partie de la gauche est hostile aux nouvelles institutions, les principaux dirigeants de gauche de la IV République refusent de se présenter à l'élection de 1965. C'est le cas de Gaston Deferre, mais aussi de Guy Mollet qui n'a pas pris conscience de l'importance de l'élection et refuse d'y engager pleinement la SFIO. La voie est donc ouverte pour une candidature, qu'il annonce le 9 septembre 1965.

De Gaulle en 1962

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Présidentielle 1965 : la première campagne de Mitterrand

Si le candidat a obtenu l’appui de la gauche, sa campagne demeure très artisanale. Des bénévoles et ses amis proches s’occupent de la presse, des crédits, de la communication comme du programme. Pour palier le manque d’argent, François Mitterrand a recours à son système des petits cercles, ses réseaux accumulés depuis des années et susceptibles de le soutenir.
Pour la première fois dans l'histoire de France, l'usage de la télévision permet à tous les candidats d'exprimer leurs convictions devant le plus grand nombre. Un sondage IFOP réalisé en octobre 1965 montre que la réélection de De Gaulle est assurée (66% des intentions de vote, contre seulement 23% à François Mitterrand) si bien que celui-ci décida de ne pas utiliser le temps parole qui lui est attribué à la télévision. Mais De Gaulle sous-estime le pouvoir de ce nouveau média en politique. Puisque De Gaulle ne fait aucune émission, ses opposants s'emparent de cet outil pour diffuser leurs idées. La pertinence de leurs propos et l'image d'un renouvellement du personnel politique (Mitterrand affiche sa jeunesse, à 49 ans, face à un De Gaulle vieillissant de 75 ans) bouleversent la campagne. Et l'usage des sondages permet de suivre presque en temps réel les effets de la campagne électorale. Au fur et à mesure des sondages, Mitterrand voit sa côte remontée, passant de 23% des intentions de vote à 27% à la veille du scrutin quand celle de De Gaulle passe de 66% au début de la campagne à 43% à la veille du scrutin. Contre toute attente, au soir du premier tour, de Gaulle est mis en ballottage face à François Mitterrand avec 44% des suffrages contre 32%. Au second tour, le président l’emporte avec 55% des voix.

Election de 1965

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La précipitation de François Mitterrand en mai 1968

En février 1968, François Mitterrand souhaite se rapprocher des communistes. Il propose de faire une plate-forme commune afin de créer l’union de la gauche telle qu’il la souhaite depuis plusieurs mois. Ensemble, ils écrivent un texte commun, comprenant de nombreuses divergences.
En
mai 1968, pendant les manifestations, les amis de la Convention sont tenus de défiler avec la jeunesse, mais sans conviction. Au contraire, François Mitterrand profite de la situation de crise du pays et de la vacance du pouvoir pour tenter de prendre le dessus. Le 28 mai, il s’adresse aux Français lors d’une conférence de presse pour se présenter à l’élection présidentielle contre un chef d’Etat qui ne gouverne plus le pays. Sa déclaration, loin de susciter l’enthousiasme général, choque au contraire. La gauche est aussitôt pénalisée. Aux élections de 1968, elle perd de nombreux sièges. François Mitterrand a réussi à conserver son siège de député de la Nièvre mais il est de nouveau rejeté, considéré comme un traître, si bien qu’il est contraint de siéger à l’Assemblée nationale comme non inscrit.

Barricades en mai 1968

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La présidentielle 1969 se fait sans Mitterrand

Son erreur d'appréciation de mai 1968 a divisé la gauche et l'a empêché de se présenter à l’élection présidentielle de 1969. A cette élection, la gauche a présenté plusieurs candidats dont Gaston Deferre, de la SFIO (Section Française de l'Internationale Ouvrière, c'est-à-dire les socialistes) qui a réalisé un score catastrophique de 5%. Seul le candidat communiste s'en sort avec les honneurs en obtenant 21% des voix. Mais face à cet échec, la gauche prend conscience de la nécessité de se rassembler si elle veut remporter des élections.
Les socialistes sont très divisés : il y a la SFIO de Guy Mollet et de Gaston Deferre, le PSU (Parti Socialiste Unifié) plutôt gauchiste, la Convention des Institutions Républicaines de Mitterrand, ainsi qu'une multitude de clubs. En juillet 1969, un premier regroupement s'opère entre différents clubs et la SFIO qui change de nom et devient parti socialiste avec à sa tête Alain Savary en remplacement de Guy Mollet. Mais le processus final de regroupement a lieu à Epinay en 1971.

Presidentielle 1969

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PS : l’ouverture du congrès d'Epinay en 1971

Quand François Mitterrand se rend au congrès du parti socialiste, il n'en est pas membre mais il a une forte popularité à gauche du fait de sa candidature à l'élection présidentielle de 1965. Depuis deux ans et les premiers rapprochements entre socialistes, le parti dirigé par Alain Savary est englué dans des définitions de doctrine opposant des courants modérés à des courants marxistes. Alors que Mitterrand est extérieur au parti et ne pèse que 15% des voix avec sa Convention des Institutions Républicaines, il réalise un tour de force. Dans un premier temps, il critique la direction actuelle du parti qu'il juge trop timide. Il se montre beaucoup plus offensif et parvient à dépasser les problèmes de doctrine en affichant le principal objectif que devrait avoir le parti socialiste : la conquête du pouvoir. Pour y parvenir, il veut créer un parti socialiste ouvert aux autres forces de gauche, c'est-à-dire les radicaux, les républicains et les chrétiens ce que la SFIO refusait jusqu'à présent. Malgré tout, il présente le parti socialiste comme un parti très à gauche, qui veut rompre avec la logique du capitalisme.

Epinay en 1971

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L'élection de Mitterrand au poste de premier secrétaire du PS

Minoritaire au sein du parti, Mitterrand reçoit un très bon accueil et suscite l'espoir en affichant comme principal objectif la conquête du pouvoir. Pour gagner, il parvient à faire alliance avec deux groupes aux tendances plutôt opposées : le CERES (Centre d'Etudes, de Recherche et d'Education Socialiste), très à gauche et dirigé par Jean-Pierre Chevènement, et une partie de la SFIO emmenée par Gaston Deferre et Pierre Mauroy qui sont hostiles au dirigeant actuel du PS, Alain Savary. C'est dans ces conditions que le 16 juin 1971, François Mitterrand prend la direction du Parti Socialiste avec 43 926 voix contre 41 757 pour Alain Savary. Les socialistes sont désormais unis autour d'un dirigeant charismatique prêt à prendre le pouvoir. Reste, pour y parvenir, à conclure une alliance avec les communistes.

Congres Epinay 1971

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Mitterrand, candidat unique de la gauche en 1974

La mort soudaine de Georges Pompidou a entraîné la tenue d'une présidentielle anticipée. Après avoir signé un programme commun avec les communistes, François Mitterrand était le candidat unique de la gauche quand la droite se divisait l'héritage gaulliste.
Etant donné les circonstances de la mort soudaine de Pompidou, la campagne allait être brève et les candidatures ont été annoncées dans la plus grande confusion.
A gauche, depuis la signature du programme commun en 1972 entre le Parti Communiste et le Parti Socialiste, François Mitterrand est le candidat naturel. Dès la mort de Pompidou, les communistes se sont ralliés à sa candidature. Mais, en réalité, François Mitterrand aurait préféré que la gauche présente deux candidats pour pouvoir ratisser plus large et éviter d'apparaître comme le candidat d'un Parti Communiste qui peut encore effrayer une partie des électeurs. De ce fait, Mitterrand n'a pas donné sa réponse immédiatement : il a d'abord attendu l'investiture du PS pour bien donner l'impression que les communistes s'étaient ralliés à lui et non l'inverse.
Outre François Mitterrand à gauche, deux candidats d'extrême-gauche se présentent : Arlette Laguiller pour Lutte Ouvrière et Alain Krivine pour le Front Communiste Révolutionnaire.

Mitterrand candidat en 1974

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Les divisions de la majorité de droite : gaullistes et républicains indépendants

Depuis le début de la Ve République, la droite est divisée en deux camps : les gaullistes avec l'Union pour la Défense de la République (UDR) et les Républicains Indépendants de Giscard d'Estaing. Ce dernier a été ministre des Finances de 1962 à 1966 avant de rompre avec le général De Gaulle et de défendre le « non » au référendum qui a aboutit à la démission du fondateur de la Ve République. Puis, il a retrouvé le ministère des Finances de 1969 à 1974 sous Pompidou. Déjà tenté de se présenter en 1969, Valéry Giscard d'Estaing franchit le pas le 8 avril 1974 en annonçant sa candidature depuis sa mairie de Chamalières dans le Puy-de-Dôme. De son côté, l'UDR décide de soutenir l'ancien premier ministre, Jacques Chaban-Delmas, considéré comme le mieux placé pour maintenir l'héritage gaulliste par la branche la plus dure des gaullistes de l'UDR qui s'était opposée à Pompidou. Enfin, côté centriste, alors que Jean Lecanuet s'était présenté en 1965, et Alain Poher en 1969, il n'y avait pas de candidat en 1974.

Giscard et Chaban-Delmas

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Mitterrand est en tête au premier tour

D'après les sondages, François Mitterrand devait arriver en tête au 1er tour du scrutin. Pour la 2ème place, tout devait se jouer à droite entre Chaban-Delmas et Giscard d'Estaing. D'après les premiers sondages, les deux candidats sont au coude à coude, avec 26% des voix chacun. Mais progressivement, Giscard d'Estaing va creuser l'écart. Les résultats du 1er tour ont confirmé ces tendances : François Mitterrand est arrivé en tête avec 43,2% des voix, Giscard d'Estaing arrive second avec 32,6% des voix et Jacques Chaban-Delmas s'est complètement effondré, ne recueillant que 15,1% des voix.

Le débat télévisé du 10 mai 1974

Le duel François Mitterrand et Valéry Giscard d'Estaing au deuxième tour de la présidentielle s'annonce serré. Dans les sondages, aucun des deux candidats ne se détache. A gauche, Mitterrand tente de s'attirer le soutien de quelques personnalités gaullistes pour récupérer quelques voix. A droite, la stratégie consiste à agiter l'épouvantail de la présence, en cas de victoire de la gauche, de ministres communistes au gouvernement. Le moment fort de la campagne du deuxième tour est le débat télévisé du 10 mai 1974. Ce débat, qui se tient pour la première fois lors d'une élection présidentielle et qui sera traditionnellement reproduit lors des élections suivantes, est suivi par 25 millions de téléspectateurs. Outre le débat d'idées, les deux candidats se sont échangés beaucoup de petites phrases cruelles, Giscard renvoyant Mitterrand à l'image d'un « homme du passé » (Giscard est 10 ans plus jeune) ou lui rappelant que sur les questions sociales, la gauche « n'a pas le monopole du cœur ». Même si ce débat a donné un léger avantage à Giscard d'Estaing, il est difficile d'estimer son réel impact dans les urnes.

Debat 1974

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Une élection qui se joue à 424 00 voix

Les résultats du second tour ont été extrêmement serrés, Giscard l'emportant avec 50,8% des voix contre 49,2% pour Mitterrand. L'écart n'est donc que de 424 000 voix sur plus de 25 millions exprimées. En analysant le résultat du scrutin, il est difficile de dire précisément ce qui a fait la différence. Il semble que Giscard d'Estaing a bénéficié d'une forte mobilisation de l'opinion puisque les 2/3 des abstentionnistes du 1er tour qui sont allés voter au second tour, ont voté pour Giscard. Vraisemblablement, Giscard doit son élection à la mobilisation de l'électorat gaulliste qui craignait la présence de ministres communistes en cas de victoire de François Mitterrand.
A 58 ans, Mitterrand échoue pour la deuxième fois à l’élection présidentielle. Mais loin d’être abattu, il confie à ses proches que la prochaine tentative sera la bonne.

Giscard president

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La victoire de la gauche aux élections municipales de 1977

A l'issue de la défaite de 1974, François Mitterrand est convaincu que son heure viendra lors de la prochaine présidentielle, en 1981. Mais il va devoir affronter une double crise à gauche : les tensions avec le Parti Communiste et celles avec Michel Rocard.
Lors des élections municipales de 1977, la gauche a appliqué au niveau local l’alliance entre le Parti Socialiste et le Parti communiste conclue lors du programme de commun de 1972. Sur l’injonction des deux partis, de nombreux maires socialistes ont dû renoncer à leurs alliances traditionnelles avec des centristes pour faire liste commune avec des communistes. L’Union de la gauche décidée à Paris devait se traduire dans chaque commune.
Et la formule marche. Les municipales 1977 sont un véritable raz-de-marée pour la gauche, qui profite d’abord à un Parti socialiste remportant deux fois plus de villes que le Parti communiste. Pour l’opinion, cette victoire est annonciatrice d’une autre victoire probable : celle aux élections législatives l’année suivante.
Seulement, dans la victoire de 1977, on retrouve paradoxalement les germes de l’éclatement de l’Union de la gauche. Le leader communiste, Georges Marchais, qui, jusque-là s’était montré favorable à François Mitterrand, prend désormais ses distances suite à la contre-performance de son parti. Ainsi, le 14 septembre 1977, il fait échouer le programme commun de la gauche auquel François Mitterrand était très attaché.

Mitterrand et Marchais

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L’échec des législatives de 1978

Sans alliance, la gauche aborde les élections législatives de 1978 en ordre dispersé. Dans le même temps, la défaite aux municipales de 1977 a ressoudé la droite. Alors que la victoire de l’Union de la gauche était possible en 1978, la désunion va permettre à Giscard d’Estaing de conserver sa majorité. Au premier tour, la gauche arrive en tête avec 50,2% des voix contre 46,73% pour la droite. Mais les divisions de la gauche au second tour ont entraîné de très mauvais reports de voix. Selon une enquête de la SODRES, dans le cas d’un duel communiste-UDF, sur 100 électeurs socialistes, 65 avaient voté pour le candidat communiste et 23 pour celui de l’UDF. Ce mauvais report de voix à gauche explique la défaite de Mitterrand : au second tour, la droite remporte 291 sièges de députés (plus les 68 acquis dès le premier tour) contre 200 sièges pour la gauche.

Le soir de la défaite, Michel Rocard rend François Mitterrand personnellement responsable de cet échec. Les hostilités entre les deux hommes sont officiellement ouvertes.

Mitterrand et Rocard

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Le congrès de Metz d’avril 1979 : Mitterrand contre Rocard

Le congrès de Metz verra Michel Rocard et François Mitterrand se battre véritablement pour la prise du PS. L’enjeu est double : non seulement, les militants désigneront le Premier secrétaire mais surtout, il laissera présager du nom du candidat pour l’élection présidentielle de 1981. Deux familles du socialisme s’opposent : celle de François Mitterrand qui espère conserver l’union de la gauche malgré la rupture avec les communistes, et celle de Michel Rocard qui souhaite une plus grande autonomie du PS. Finalement, la motion Mitterrand remporte 46,99 % des suffrages et celle de Rocard 21,26 %. Le premier s’allie avec Defferre et le CERES et obtient la majorité contre Rocard allié à Pierre Mauroy. François Mitterrand devient, jusqu’à l’élection présidentielle, Premier secrétaire.

Congres de Metz en 1979

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Présidentielle de 1981 : Michel Rocard s’éclipse devant la candidature de Mitterrand

Malgré son échec lors du congrès de Metz de 1979, Michel Rocard n’avait pas renoncé à l’élection présidentielle. D’octobre 9179 à avril 1980, les Français considéraient Michel Rocard comme le meilleur candidat socialiste. Les sondages de l’époque étaient sans appel : entre 47% et 54% d’opinions positives pour Michel Rocard contre 30% à 34% d’opinions positives pour François Mitterrand. Auprès des électeurs socialistes, l’écart était aussi très important : en août 1980, Rocard a 54% d’opinions positives pour une candidature contre 37% pour François Mitterrand.
Deux raisons peuvent expliquer cet écart : Michel Rocard a ouvertement déclaré ses intentions alors que Mitterrand restait très évasif. En outre, Mitterrand restait marqué par deux défaites, celle en 1974 et l’échec de 1978 alors que Rocard pouvait passer pour un homme neuf, sa défaite en 1969 étant lointaine dans l’esprit des Français.
Mais Michel Rocard va commettre un faux-pas en faisant une déclaration de candidature prématurée et maladroite : il veut se présenter dans le respect des institutions de son parti. De fait, le 19 octobre 1980, il prononce une allocution depuis sa mairie de Conflans-Sainte-Honorine. Il annonce sa candidature mais déclare dans le même temps qu’il se retirerait de la course à la présidentielle si Mitterrand était de nouveau candidat. Cette position a mal été comprise par l’opinion et fit un flop.
Le 8 novembre 1980, François Mitterrand a annoncé sa candidature et Michel Rocard a aussitôt retiré sa candidature.

La campagne électorale de 1981

Lors de la campagne présidentielle de 1981, quatre principaux candidats s’affrontent. Deux candidats de droite avec Valéry Giscard d’Estaing et Jacques Chirac ; et deux candidats de gauche avec François Mitterrand et Georges Marchais. La campagne a été marquée par cette double bataille : la majorité sortante est très divisée et les hostilités à gauche sont bien plus fortes que prévu. Au sein de leur propre camp, Valéry Giscard d’Estaing et François Mitterrand ont dû batailler dur.
Le principal thème de la campagne fut l’emploi. Chacun a fait des promesses très précises : Giscard promettait de créer 1 million d’emplois d’ici à 1985, Chirac 500 000 emplois en période de croissance, et François Mitterrand 210 000 par an dont 150 000 dans le secteur public.
Les sondages ont rythmé la campagne. Valéry Giscard d’Estaing, parti de 34% d’intentions de vote en décembre 1980 n’a cessé de baisser pour finir à 26,5% un mois avant le scrutin. En revanche, François Mitterrand n’a cessé d’augmenter dans les sondages : il est passé de 21% d’intentions de vote en décembre 1980 à 24% en avril 1981. A deux semaines du scrutin, Giscard d’Estaing conservait donc une légère avance sur Mitterrand, comme en 1974.
Au soir du premier tour, Valéry Giscard d’Estaing arrive en première position mais d’une courte tête avec 28,31% des voix contre 25,84% pour François Mitterrand. Le président sortant a perdu 4 points par rapport à 1974. Deuxième surprise : le score du Parti Communiste est le plus faible de son histoire, avec moins de 16% des voix pour Georges Marchais.
La configuration du second tour est donc la suivante : la position de Giscard d’Estaing est plus fragile que prévu et les reports de voix à droite vont s’avérer compliquer, Chirac jouant en secret la victoire de Mitterrand pour devenir le leader de l’opposition de droite et écarter définitivement Giscard d’Estaing de sa route. A gauche, la contre-performance du Parti Communiste vient balayer les critiques sur la « menace communiste » en cas de victoire de François Mitterrand.

Débat du 5 mai 1981 : la revanche Mitterrand/Giscard d'Estaing

Le deuxième débat de l'histoire de la Ve République entre les deux finalistes pour l'élection présidentielle est une sorte de revanche. On résume souvent ce débat à cette phrase de François Mitterrand : "Vous reprenez le refrain de l'homme du passé, c'est quand même ennuyeux, que vous dans l'intervalle, vous soyez devenu l'homme du passif".
Mais on oublie les premières minutes du débat qui ressemblent à un remake de 1974. Giscard d'Estaing prend la parole pour demander à Mitterrand avec quelle majorité il compte gouverner. Mais cette fois-ci, Mitterrand ne se laisse pas faire et enchaîne une série de citations assassines de Jacques Chirac contre Valéry Giscard d'Estaing. La réplique était préparée et avait pour but de montrer que la majorité de Giscard d'Estaing n'était pas aussi solide qu'il voulait le dire.
Au lendemain du débat, la position de Giscard d’Estaing apparaît toujours aussi fragile. En 1974, l’élection s’était jouée à 424 000 voix près. Cette fois-ci, François Mitterrand est convaincu de sa victoire.

Debat Giscard et Mitterrand en 1981

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10 mai 1981 : François Mitterrand, élu Président de la République

Le 10 mai 1981, François Mitterrand est élu président de la République face à Valéry Giscard d’Estaing, avec 51,76% des suffrages. Il désigne Pierre Mauroy Premier ministre et le charge de s’occuper de la campagne législative pour assurer au parti socialiste une large majorité. Finalement, la vague rose inonde la France en juin 1981, au-delà de toute espérance. Pierre Mauroy forme son deuxième gouvernement et fait appel à quatre communistes. Encore une fois, le Président marque sa volonté de former une gauche unie.

Passation de pouvoir entre Giscard et Mitterrand

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La constitution de la garde rapprochée de François Mitterrand

A l’Elysée, François Mitterrand constitue sa garde rapprochée : Jacques Attali, son plus proche conseiller, Jean-Louis Bianco, Hubert Védrine, conseiller diplomatique, Christian Sautaire, conseiller économique, Elisabeth Guigou, conseillère pour les finances extérieures, Michel Charras, conseiller pour les affaires institutionnelles, Jean Glavany, chef de cabinet et François de Grossouvre des services secrets. Mais François Mitterrand refuse l’idée de posséder un cabinet présidentiel, pour élaborer des réunions avec ses collaborateurs. Pour lui, les conseillers n’ont pas de légitimité politique mais sont très importants parce qu’ils lui apportent des réflexions. Ils ne doivent pas constituer une sorte d’organe délibérant. Ce sont aux élus et au gouvernement de prendre des décisions pour l’Etat. Le Président travaille en étroite collaboration avec ses conseillers mais ne leur donne jamais tous les fils d’un dossier, conservant ainsi une certaine discrétion.

Pendant deux ans, François Mitterrand va bénéficier d’un Etat de grâce dans l’opinion qui va lui permettre de mettre en œuvre les réformes les plus emblématiques de son programme.

L’Etat de grâce : des réformes emblématiques (1981-1982)

Les deux premières années du septennat de François Mitterrand ont été marquées par « l’Etat de grâce ». Appliquant les mesures les plus populaires de son programme, le président de la République bénéficie d’une bonne cote d’opinion en 1981 et 1982. De nombreuses réformes emblématiques marquent les premiers mois de la présidence Mitterrand : le SMIC fut augmenté de 10% dès le mois de juillet 1981, le minimum vieillesse de 20% et les allocations familiales de 25% le 1er décembre. Au total, cette politique de relance par la consommation a injecté entre 8 et 9 milliards de francs dans l’économie. Par ailleurs, dès le mois de juin 1981, il a été décidé de créer 55 000 emplois dans le secteur public. Toutes ces dépenses nouvelles étaient financées par des taxes et des impôts exceptionnels pris sur les revenus les plus élevés.
De nombreux groupes ont été nationalisés : Thomson, Péchiney ou encore Rhône-Poulenc. L’Etat redevenait un acteur central dans l’économie.
L’ordonnance du 18 janvier 1982 modifie la durée du travail et des congés payés : les salariés obtiennent une cinquième semaine de congés payés et une durée légale du temps de travail ramenée à 39 heures par semaine.

Bureau de Mitterrand

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Les désillusions : le déficit français

Quand François Mitterrand entre en fonction, il est confronté à une crise économique qui connaît un taux d’inflation à 14% par an. Pour relancer la croissance, il souhaite doper la consommation populaire : il augmente le Smic, les salaires et les prestations sociales. Le président veut tenir les promesses auxquelles il s’est engagé au cours de la campagne en relançant la machine industrielle au lendemain des chocs pétroliers.
Or, ces propositions coûtent très chères à l’Etat mais elles figurent un véritable changement politique, signe fort de la présence de la gauche, pour la première fois au pouvoir. Les Français attendent depuis longtemps ces mesures audacieuses. Toutefois, à cause de la crise, l’économie n’a pu être relancée. Le déficit s’est encore plus creusé.
En juin 1982, le Premier ministre lui force la main pour obtenir l’accord présidentiel pour les mesures de rigueur consistant en un blocage des prix et des salaires. On estime à 3% la baisse du pouvoir d’achat à cette époque. François Mitterrand, poussé par Jacques Delors et Pierre Mauroy doit changer de stratégie et se plier, contraint et forcé, à leur constat et à leur solution. A l'été 1982, l’équipe du gouvernement est de nouveau remaniée. Pierre Bérégovoy quitte son poste de secrétaire général de l’Elysée pour devenir ministre des Affaires sociales. Jean-Louis Bianco, introduit en politique par Jacques Attali, prend sa place.

Le tournant de la rigueur de 1983

En mars 1983, Pierre Mauroy mène la campagne pour les élections municipales. Mais au lendemain des résultats, les socialistes essuient un cuisant échec : l’opposition reprend plus de trente grandes villes. Jacques Chirac remporte la mairie de Paris. Face aux résultats, François Mitterrand doit prendre des décisions concernant l’économie. Les partenaires européens réclament un redressement de la situation. Il hésite alors à prendre des distances avec le système monétaire européen ou se plier aux exigences de la communauté. Finalement, ses différents conseillers parviennent à le convaincre que si la France quitte l’Europe elle devra faire preuve d’une plus grande rigueur et connaîtra des difficultés plus graves encore. Dès lors, François Mitterrand met en place des mesures économiques drastiques. Le franc est dévalué de 8% par rapport au Mark pour réduire le déficit commercial et ramener l’inflation à 5% d’ici la fin de l’année. Pour mener à bien cette politique, il hésite à changer de Premier ministre. Il convoque alors à un déjeuner Pierre Bérégovoy, Laurent Fabius, Jacques Delors et Jean-Louis Bianco. Après avoir évalué les capacités et les motivations des uns et des autres, François Mitterrand nomme Jacques Delors Premier ministre. Celui-ci accepte à condition de ne pas diriger le ministère des Finances mais celui de la direction du trésor pour contrôler la gestion de la politique monétaire. Mitterrand refuse et décide de garder Pierre Mauroy comme Premier ministre. Sa mission n’est pas facile : il doit assurer le passage de la rigueur à l’austérité et instaurer un changement radical de politique.

Rigueur de 1983

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De la démission de Pierre Mauroy en 1984 à la défaite de 1986

Avec la construction de l’Europe et ses exigences économiques, la France doit subir des restructurations industrielles. Dans le Nord comme un peu partout sur le territoire, de nombreuses entreprises ferment. La rigueur impose plus de compétitivité et de rentabilité. En contrepartie, le chômage ne cesse d’augmenter. A ce moment, en 1984, les Français sont moins de 30% à soutenir François Mitterrand et son Premier ministre.
En mars 1984, les mouvements des enseignants ne font qu’attiser la crise : une des grandes promesses du candidat est la création d’un grand service public unifié de l’éducation qui englobe l’école privée. Depuis trois ans, le ministre Alain Savary négocie avec tous les partenaires afin de trouver un compromis mais le débat s’envenime. Par centaine de milliers, les défenseurs du privé descendent dans la rue pour défendre leurs droits. Pour ne pas mettre en péril le septennat, l’Etat recule devant cette grande réforme. Alain Savary, désavoué, démissionne aussitôt. Pierre Mauroy le suit.
C’est Laurent Fabius qui est alors nommé Premier ministre. Son rôle est donc de ramener l’ordre dans le pays et redresser la situation afin d’assurer la victoire de la gauche aux élections législatives de 1986. Malgré ses efforts, ce ne sera pas suffisant. Pour que la défaite soit moindre, François Mitterrand propose d’avoir recours au scrutin proportionnel, idée qui figurait à son programme présidentiel. Les élections législatives auront donc lieu à la proportionnelle départementale à un tour. L’opposition dénonce la manœuvre politique. L’Assemblée vote la proportionnelle en juin 1985. En désaccord, Michel Rocard démissionne du gouvernement. Lors des législatives de 1986, la défaite de la gauche apparaît inéluctable.

Fabius en 1984

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La première cohabitation en 1986

Alors que la gauche sait déjà perdue les élections législatives de 1986, la surprise est grande au soir des résultats : le Front national, né en 1983, fait une percée extraordinaire, empêchant la droite d’écraser totalement le PS, vaincu de justesse. Pour la première fois dans l’Histoire, le Président de la République et le gouvernement vont devoir cohabiter. François Mitterrand désigne Jacques Chirac comme Premier ministre. Lors du premier conseil des ministres, le 22 mars 1986, le Président, de façon solennelle et sans avoir salué l’assemblée, prend place et orchestre une réunion des plus glaciales, montrant aux ministres qu’ils sont les malvenus. Pour marquer son opposition avec le gouvernement, François Mitterrand préside chaque semaine le conseil des ministres dans une atmosphère tendue, et l’expédiera le plus rapidement possible.
Très vite, Jacques Chirac et François Mitterrand sont en concurrence. Le Premier ministre veut assumer pleinement ses fonctions et assister aux grandes rencontres internationales. Le Président, ne pouvant s’opposer à cette volonté, ne manque pas une occasion pour lui montrer qu’il n’est que Premier ministre.

Cohabitation en 1986

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La rivalité entre Jacques Chirac et François Mitterrand

Jacques Chirac souhaite privatiser les entreprises que la gauche a nationalisées en 1981, sans passer par le Parlement mais par ordonnance. François Mitterrand s’oppose à cette procédure et refuse de signer le texte. Cette attitude crée la polémique. Certains s’insurgent contre ce déni d’une pratique courante ; d’autres au contraire comprennent que le Président refuse de signer une ordonnance qu’il n’approuve guère. Jacques Chirac entre en conflit ouvert avec le Chef d’Etat. A l’automne 1987, nouveau rapport de force : tandis que le gouvernement propose un projet de loi sur la sélection à l’entrée de l’université, étudiants et lycéens défilent dans la rue manifestant leur mécontentement. François Mitterrand, au lieu de calmer la situation, donne raison aux jeunes et désavoue le gouvernement. Il agit de même lors des différents mouvements sociaux. Ce soutien à la population lui vaut ainsi une belle remontée dans les sondages tandis que Jacques Chirac chute.

Chirac et Mitterrand en 1986

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Nouvelle candidature à la présidentielle en 1988

Le 22 mars 1988, François Mitterrand annonce au journal de 20 heures qu’il se présente de nouveau à l’élection présidentielle. Jacques Chirac est son principal adversaire. Lors du débat télévisé du 28 avril 1988, le Président montre son ascendant sur son ministre. Celui-ci essaie d’imposer les nouvelles règles du jeu : « ce soir, je ne suis pas le Premier ministre et vous n’êtes pas le Président de la République. Nous sommes deux candidats à égalité et qui se soumettent au jugement des Français, le seul qui compte. Vous me permettrez donc de vous appeler monsieur Mitterrand ». Et son interlocuteur de le terrasser définitivement : « Vous avez tout à fait raison monsieur le Premier ministre ». Finalement, François Mitterrand est de nouveau élu Président de la République très largement avec 54% des suffrages.

Debat entre Chirac et Mitterrand

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Les grands chantiers du Président

François Mitterrand veut laisser des traces concrètes de son passage à l’Elysée. Il lance différents travaux à Paris : l’Opéra Bastille, le Grand Louvre et sa pyramide, l’arche de la Défense, la Bibliothèque nationale de France, l’Institut du monde arabe, la Géode et le parc de La Villette, la Cité de la musique et le ministère de Bercy. Le Président suit les travaux et se rend en personne sur les chantiers. Il veut moderniser Paris, lui donner une plus-value culturelle, transformer le quartier de Bercy et celui de la Villette.

Chantiers de Mitterrand

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François Mitterrand, un Européen convaincu

François Mitterrand est très attaché à l’idée de l’Europe. Il a découvert sa foi en l’Europe lors du congrès de La Haye en 1948 où le désir d’union et de réconciliation sont des messages forts. La France s’allie plus particulièrement avec l’Allemagne, Mitterrand entretenant des rapports amicaux avec le chancelier Helmut Kohl. Depuis plusieurs années, les soviétiques ont déployé en Europe de l’Est des missiles à moyenne portée, les SS Va, qui constituent une menace directe pour l’Europe occidentale. Face à eux, les Américains proposent d’installer des fusées sur le territoire allemand de la RFA. Ce projet suscite un mouvement pacifiste. François Mitterrand, contre les socialistes allemands, se montre favorable à l’installation des fusées américaines. Il donne sa position dans un discours qu’il énonce en Allemagne, aux côtés d’Helmut Kohl le 20 janvier 1983. Il faut, selon lui, montrer aux Soviétiques, que les forces pacifiques sont résolues à agir, s’ils persistent dans leurs menaces.
En 1984, la France prend la présidence tournante de l’Europe. François Mitterrand fait alors appel à son ami Roland Dumas et le nomme ministre des Affaires européennes. Margaret Tatcher qui ne souhaite pas s’impliquer dans l’Europe si ce n’est pour en faire une zone de libre échange, réclame à Bruxelles le remboursement partiel des sommes que son pays lui a versé. Mitterrand et Kohl proposent que Jacques Delors préside la commission européenne. Grâce à la volonté des trois hommes montrant l’intérêt d’une union, la monnaie unique est mise en place.
Le 22 septembre 1984, à Verdun, Kohl et Mitterrand offrent une célébration symbolique sur la réconciliation des deux peuples en se tenant la main.
A chaque étape de la construction européenne, François Mitterrand va jouer un rôle décisif. En 1992, il n'hésite pas à faire lui-même campagne pour le référenduù de Maastricht instaurant la monnaie unique.

Mitterrand et Kohl

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La chute du Mur de Berlin en 1989

Lorsque Gorbatchev arrive au pouvoir en Russie, il instaure la Perestroïka. François Mitterrand le soutient dans sa volonté de réformer le régime communiste. Néanmoins, lors de la chute de Berlin en 1989, il se rend en RDA ne voulant annuler un voyage prévu de longue date. Au lieu de se joindre à son ami Helmut Kohl qui souhaite la réunification de l’Allemagne, il affirme croire encore à l’existence d’une Allemagne de l’Est indépendante. Il crée la polémique mais finit par se ranger du côté allemand. Il perçoit dans cette réunification le moyen de consolider encore plus l’Europe.

Mur de Berlin

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La guerre du Golfe

Le 2 août 1990, l’Irak envahit le Koweït. François Mitterrand veut se montrer solidaire de l’Occident en se plaçant sur le plan du droit international. Il envoie des troupes armées pour défendre le Koweït. Sous l'égide des Nations unies, une coalition multinationale provenant des États-Unis, d'Arabie saoudite, de Grande-Bretagne, d'Égypte, de Syrie et de France se met en place pour s'opposer à l'armée irakienne. Le ministre de la Défense, s’étant opposé à l’intervention française, décide de démissionner. Pourtant, les Français soutiennent le Président de la République et sa cote de popularité remonte dans les sondages.

Ce sera le dernier coup d'éclat diplomatique de François Mitterrand.

Irak et Koweit

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