Parlement européen : la mystérieuse gestion de la cagnotte de 136 millions d'euros des assistants parlementaires

Européennes 2009 · 19 mar. 2009 à 22:18

Assistants des Eurodéputés

En juin 2009 se tiennent les élections européennes. Généralement, ce sont les élections où l'abstention est la plus forte. L'Union Européenne est souvent considérée comme une entité trop lointaine, trop éloignée des préoccupations des citoyens. Les "technocrates de Bruxelles" sont les principales cibles des anti-européens. Ces charges sont d'autant plus faciles qu'une grande partie de l'opinion ignore très largement comment fonctionne le parlement européen. Sur ce sujet, les parlementaires en sont les principaux responsables, la transparence n'étant pas leur première qualité. Ainsi, dans un article publié sur Bakchich, on apprend que les eurodéputés ont enterré un rapport d'audit sur la gestion de la cagnotte de 136 millions d'euros qui sert à rémunérer les assistants parlementaires.


Abus, zone d'ombre, absence de réel contrôle, retour sur la gestion d'une mystérieuse cagnotte, sur la base d'un rapport qui n'était pas censé être public.

En 2006, un député européen disposait de 15 496 par mois pour rémunérer ses assistants

Dans tout système parlementaire, les députés disposent d'une somme mensuelle destinée à rémunérer leurs collaborateurs. La charge de travail d'un député est telle qu'il lui faut des collaborateurs. C'est le fonctionnement normal d'un système parlementaire.
Le parlement européen n'échappe pas à la règle. En 2006, un député européen disposait d'une allocation de 15 496 euros pour rémunérer ses collaborateurs. L'Union Européenne est particulièrement généreuse car, en France, un député ne dispose que de 8 959 euros par mois pour rémunérer ses collaborateurs.

Assistants parlementaires : des embauches normalement très encadrées

Les embauches des assistants parlementaires obéissent à trois principes, comme l'explique Bakchich : "classique contrat de travail, contrat avec un prestataire de service (du type agence d'intérim) et, enfin, un système un brin baroque, dans lequel le député contracte avec un tiers, appelé « agent payeur », qui se charge de régler les services d'assistance consommés par le député".

Le rapport d'audit interne que les eurodéputés ont voulu enterrer

En 2004, les députés décident de lancer un audit internet pour s'assurer de la bonne utilisation de la cagnotte censée rémunérer les assistants parlementaires. Dotée d'un montant de 136 289 000 euros, la cagnotte représente tout de même 10,3 % du budget total du Parlement. Faute de moyens suffisants, les travaux d'audit n'ont finalement débuté qu'en 2006. Deux ans plus tard, Robert Galvin, responsable des services d'audit du parlement européen, livre ses conclusions dans un rapport de synthèse. Mais comme le note Bakchich, "Le contenu du « Rapport d'audit interne n° 06/02 du service d'audit interne du Parlement européen » est demeuré longtemps secret. (...) Seuls, quelques groupes de parlementaires triés sur le volet ont été autorisés à le consulter individuellement dans une pièce dont l'accès était étroitement surveillé. En mars 2008, défiant la consigne de confidentialité dont les députés européens avaient eux-mêmes décidés au terme d'un vote, un député hollandais Paul Van Buitenen a mis un résumé du rapport sur son site Internet personnel". Et les conclusions du rapport sont explosives.

Les procédures de contrôle sont défaillantes

De nombreuses procédures de contrôle de la cagnotte de 136 millions d'euros sont défaillantes. Sur l'activité des 160 députés européens qui ont servi de base de travail, une grande partie ne respecte pas les règles élémentaires pour payer leurs assistants parlementaires. Trois types d'anomalies ont été repérés :
- Certains contrats ne respectent pas les obligations sociales : "pour 26% des 43 contrats d'embauche audités par Robert Galvin, les certificats d'immatriculation des assistants à la sécurité sociale n'étaient toujours pas parvenus au Département financier plus de 2 ans et demi après la signature du contrat de travail !"
- Le cumul des indemnités : "les assistants peuvent prétendre (...) à une indemnité de 3 mois de salaire à la fin du mandat de leur député-employeur, sauf s'ils sont réembauchés par un autre député (...) 43 cas de versements injustifiés de ladite indemnité ont été audités". Par exemple, on a découvert qu'un assistant parlementaire travaillait à temps partiel pour neuf députés et a donc cumulé des indemnités, parfois de façon illégale.
- Des assistants inconnus mais payés : les députés européens peuvent avoir recours à un prestataire de service pour rémunérer leurs assistants. Cet "agent payeur" est soumis à un certain nombre d'obligations. Il doit notamment justifier les paiements et prouver que l'argent est bien utilisé pour payer des assistants. Or, "sur 56 paiements à des « agents payeurs », aucun des justificatifs n'étaient parvenus dans le délai de 6 mois et 64% des règlements effectués n'avaient donné lieu à aucun justificatif dans le délai d'un an". Pire, "pour 28% des paiements effectués, les assistants n'étaient même pas identifiés dans les contrats conclus entre les députés et leurs « agents payeurs »"

Zones d'ombre & antiparlementarisme primaire : le dilemme des journalistes

Le problème de ce type de rapport est la complexité des procédures qui rend particulièrement opaque le système de rémunération des assistants parlementaires. Les services d'audit du parlement européen ont donc identifié de nombreuses zones d'ombre et s'avèrent incapables de justifier certains usages de la cagnotte de 136 millions d'euros. La volonté des eurodéputés de cacher les conclusions du rapport d'audit ajoute un soupçon supplémentaire sur la manière dont le parlement européen contrôle son budget.
Ce type d'affaire est complexe à traiter sur le plan médiatique. Trop complexe, ce type de rapport a peu de chance de faire la Une des journaux de 20 heures. Résumer en deux minutes ou en 10 lignes, ce type d'information peut rapidement être considéré comme une attaque contre les "technocrates de Bruxelles", le sujet devient alors forcément partisan. A défaut de pouvoir traiter l'information de façon satisfaisante, ce type de rapport passe souvent à la trappe. Pour l'instant, à notre connaissance, seul Bakchich s'en est fait l'écho en France.

Bakchich - Rapport des Eurodéputés

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