Christine Albanel, portrait d’une ministre de la culture sous les feux des critiques avec le projet de loi Création et Internet

Enquête · 9 mar. 2009 à 22:51

Christine Albanel

Depuis deux ans, la ministre de la culture, Christine Albanel, s'est faite plutôt discrète. Subissant souvent les directives de l'Elysée (la ministre n'avait pas été mise au courant de l'annonce de la suppression de la publicité sur France Télévisions), elle se retrouve cette fois en première ligne avec la présentation du projet de loi Création et Internet qui prévoit une série de sanctions graduées pour limiter le téléchargement illégal de fichiers musicaux et de films. Face aux opposants au texte de loi, la ministre devra convaincre que ce projet protège les artistes et constitue un bon compromis.


Portrait.

Origine et formation

Christine Albanel est née le 25 juin 1955, à Toulouse, au sein d'une famille bourgeoise. Fille unique, elle suit son cursus scolaire dans une école privée puis poursuit en faisant des études de Lettres modernes à la Sorbonne à Paris. Elle passe alors l'agrégation. Elle devient donc enseignante mais cette expérience est de très courte durée puisqu'elle ne dure qu'un an, à mi-temps dans un lycée privé technique de Paris. Son second mi-temps, elle l'exerce en tant qu'attachée de presse et nègre d'Anne-Aymone Giscard d'Estaing. C'est son cousin, Jean-Bernard Mérimée qui est à cette époque chef du protocole au Palais de l'Elysée qui s'est occupé de faire les présentations.

Dans l'ombre de Jacques Chirac entre 1982 et 2000

En 1982, le collaborateur de Jacques Chirac, Denis Baudouin, propose à Christine Albanel de rencontrer le maire de Paris. Celle-ci est désormais chargée d'écrire les discours de Jacques Chirac comme maire puis comme président du RPR à Matignon. Elle continue ainsi de faire carrière dans l'ombre de Jacques Chirac en devenant la directrice adjointe de son cabinet à la mairie de Paris. En 1993, Christine Albanel rejoint l'équipe de Maurice Ulrich tenue de s'occuper de la campagne présidentielle de 1995.
Une fois élu, le président de la République fait un discours qui restera célèbre, c'est le discours « du Vél d'Hiv », lors de la cérémonie commémorant la rafle des Juifs en 1942, rappelant la part de responsabilité de la France : « Il est, dans la vie d'une nation, des moments qui blessent la mémoire, et l'idée que l'on se fait de son pays. Oui, la folie criminelle de l'occupant a été secondée par des Français, et par l'Etat français ».
Pendant une vingtaine d'année donc, elle demeure auprès de Jacques Chirac faisant ainsi partie de ses proches. Elle y côtoie Alain Juppé (l'ancienne plume du président à la mairie de Paris), Denis Baroin, l'éditeur Denis Tillinac et Dominique de Villepin. Si elle entretient des relations privilégiées avec Denis Tillinac qui n'a de cesse de l'encourager, en revanche, elle ne s'entend guère avec celui qui deviendra par la suite Premier ministre. Elle traîne avec elle la réputation d'être très franche voire d'avoir la dent dure.

Une femme de Lettres et de culture

Agrégée, elle n'enseigne guère qu'un an. En revanche, dès les années 1980, elle publie trois pièces de théâtre. Bernadette Lafont met en scène l'une d'entre elles, Barrio Chino (1987), pour le théâtre de l'Odéon. Les autres s'intitulent Les Palhasses (1983) et Hôtel Sawat de la plage (1984). Elle écrit également un roman, Une mère insensée, que l'éditrice François Verny publie en 1994 aux éditions Flammarion. Prise par le temps et les responsabilités, Christine Albanel délaisse l'écriture depuis cette époque, mais pas la culture puisqu'en juillet 2003, elle est nommée présidente de l'établissement public du musée et du domaine national de Versailles. Elle souhaite moderniser le lieu tout en respectant la tradition. Ainsi, elle ouvre le Domaine de Marie-Antoinette. Elle a permis le tournage du film de Sofia Coppola, Marie-Antoinette. Mais ce qui a le plus dérangé un certain nombre de ses détracteurs, c'est son projet « Grand Versailles » où elle a fait entrer au château l'art contemporain. D'autre part, elle a invité différents chanteurs en concert pour animer les Fêtes de Nuit. Elle a rénové également différents espaces du château grâce à l'argent de mécènes privés : le mur des fermiers généraux a été reconstruit, les fenêtres ont été repeintes en jaune or, la statue équestre de Louis XIV a été déplacée, etc. Malgré ce travail de restauration, chercheurs et historiens ont manifesté leur mécontentement au sujet de différents problèmes. D'abord, ils estiment que Christine Albanel n'aurait pas dû faire appel à du mécénat privé. Ensuite, ils lui reprochent son manque d'intérêt à l'égard de la conservation et de la recherche scientifique. D'autres points suscitent également la polémique : le mélange d'art et festivité contemporains avec le classicisme ne fait pas l'unanimité.

Ministre de la Culture

Denis Tillinac aurait souhaité que Christine Albanel occupe le ministère de la Culture dès 1995. A cette époque, il avait soumis l'idée à Jacques Chirac qui n'envisage pas cette perspective tout comme Dominique de Villepin qui ne l'apprécie pas. En 2002, l'éditeur suggère de nouveau cette idée au président qui n'a pas changé d'avis. Christine Albanel devient donc présidente du domaine de Versailles, loin de l'Elysée.
C'est Nicolas Sarkozy, avec qui elle a toujours entretenu des relations cordiales, qui soumet son nom à François Fillon. Dans son premier gouvernement, celui-ci la nomme porte-parole. Mais sa prestation ne semble pas convaincre. Elle se montre fade et sans répartie aux côtés des femmes fraîchement nommées Rama Yade ou Rachida Dati, attitude surprenante pour celle qui s'est souvent distinguée par sa franchise et ses bons mots. Christine Albanel, dans de nombreux entretiens avoue avoir été pénalisée pour avoir trop parlé. Dans son deuxième gouvernement, François Fillon la nomme ministre de la Culture et de la Communication. Plusieurs tâches lui incombent. D'abord, elle doit régler la question des intermittents du spectacle. En effet, certains intermittents devraient perdre leur statut pour passer dans le droit commun. De même, elle doit s'occuper d'une des propositions du candidat Nicolas Sarkozy au cours de la campagne présidentielle : celui-ci veut choisir le président de France Télévisions et non plus le Conseil supérieur de l'audiovisuel.
Enfin, Christine Albanel a dû faire voter une loi non prévue par Nicolas Sarkozy lors de sa campagne mais décidée par lui en janvier 2008 : supprimer la publicité sur les chaînes du groupe France Télévisions (France 2, France 3, France 4, France 5, France ô) entre 20h et 6h. Le projet de loi est entré en vigueur le 5 janvier 2009.
Début mars, elle présente le projet de loi « Création et Internet » qui prévoit une série de sanctions graduées pour limiter le téléchargement illégal de fichiers musicaux et de films. A cette occasion est créée une Haute Autorité pour la diffusion des oeuvres et la protection des droits sur Internet (Hadopi). L'une des principales critiques formulées contre le projet de loi est la logique répressive du texte sur une base floue. Il existe de nombreux moyens techniques (brouillage d'adresse IP, cryptage), relativement simples à mettre en place, qui permettent d'éviter qu'on retrouve l'internaute qui télécharge illégalement. Les opposants au texte défendent plutôt le principe d'un forfait global permettant de télécharger de manière illimitée.

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