Education : Sarkozy et Darcos pratiquent l'art du contre-pied pour étouffer la contestation

Revue de presse · 6 juin 2008 à 18:53

Sarkozy et Darcos

Alors que les enseignants sortent de plusieurs mois de conflits en raison des suppressions de postes à la rentrée 2008, Nicolas Sarkozy et Xavier Darcos sont pris d'une fièvre réformatrice sans précédent. Le ministre de l'Education n'a pas cédé face aux enseignants et lycéens, malgré les blocus et les manifestations. Et au lieu de temporiser, le président de la République et le ministre de l'Education ont pris la décision d'accélérer les réformes dans l'Education nationale : refondation des filières au lycée, nouveau bac dès 2012, changement de la formation des professeurs. Après le service minimum à l'école, la refonte des programmes du primaires, l'annonce de la création d'une agence nationale pour les remplacements, c'est donc tout le système éducatif qui est en train d'être réformé, avec un art consommé du contre-pied pour étouffer la contestation.

Revue de presse du vendredi 06 juin 2008

- Le Figaro : Sarkozy s'implique dans le recrutement des enseignants
- Libération : Sarkozy redouble de fermeté pour créer un lycée « plus souple »
- Le Monde : Xavier Darcos, ou l'art de dérouter les oppositions en multipliant les annonces de réformes

Les réformes déjà lancées : service minimum, nouveaux programmes, réduction d'effectifs

Rarement un gouvernement aura lancé autant de petites réformes en un laps de temps aussi court. Au moment de la préparation du budget 2008, il a d'abord été décidé de poursuivre la baisse du nombre de postes de professeurs. Ce sont 11 200 postes qui sont supprimés pour la rentrée 2008 et on parle déjà de 20 000 suppressions de postes en 2009. Parallèlement à cette politique de réduction de coûts, Xavier Darcos a lancé une réforme des programmes de l'école primaire avec l'annonce surprise de la suppression des heures de cours le samedi matin. Devant la montée des contestations, Xavier Darcos et Nicolas Sarkozy n'ont pas cherché l'apaisement mais plutôt l'épreuve de force, comme en témoigne l'annonce faite par le président de la République du vote prochainement d'une loi sur le service minimum en cas de grève des enseignants.

Les nouvelles annonces faites par Nicolas Sarkozy : bac, formation des profs

Profitant de l'essoufflement du mouvement de contestation, Nicolas Sarkozy a annoncé cette semaine la deuxième vague de réforme qui va toucher l'Education nationale, à commencer par une refonte complète du bac. Le principal objectif de cette réforme est d'individualiser davantage les parcours des lycéens. Si les filières ne sont pas remises en cause, les lycéens auraient tout de même une plus grande liberté de choix de leurs matières. En outre, il y aurait moins de cours magistraux et plus de travaux d'autonomie et d'aide individualisée. La réforme serait appliquée dès 2009 en classe de seconde en vue d'une refonte du bac pour la session 2012.
Le chef de l'Etat a également annoncé une réforme de la formation des enseignants. Celle-ci serait exclusivement confiée aux Universités, les IUFM étant appelés à disparaître. Désormais, il faudrait avoir un niveau Master (bac +5) pour pouvoir passer les concours d'enseignement.

Hausse des rémunérations des profs-débutants : un effort ou une économie ?

Dans la perspective d'une revalorisation du métier des enseignants et une amélioration de leur pouvoir d'achat, le président de la République a également annoncé une hausse sensible du salaire des professeurs débutants. Puisque leur niveau d'étude sera plus élevée (Bac +5), ils seront mieux payés. Mais ces hausses de salaire s'accompagnent de la suppression de l'année de stage censée permettre aux lauréats du concours théorique d'apprendre à faire cours. Désormais, l'enseignement théorique et la formation pratique auraient lieu la même année. Objectif de la manoeuvre ? Supprimer les 30 000 postes occupés par des stagiaires chaque année. Autrement dit, la hausse de rémunération des enseignants débutants cachent en réalité une économie substantielle avec la suppression de l'année de stage.
Questions : comment le gouvernement va-t-il réussir à faire tenir en une seule année le concours théorique et la formation pratique ? Et comment les lauréats du concours vont-ils faire pour enseigner à temps complet dès l'année de leur réussite au concours ? De l'avis des candidats eux-mêmes, réussir un concours théorique ne présage en rien des qualités pédagogiques du lauréat. En clair, il ne suffit pas de maîtriser les connaissances de sa matière pour savoir l'enseigner.

L'art du contre-pied pour démobiliser les contestataires

La multiplication des annonces de réformes déroute les syndicats. En maintenant une position ferme sur la suppression des postes de profs et en lançant de nouveaux chantiers, le gouvernement pratique l'art du contre-pied : un jour, une annonce est faite pour le primaire, les contestataires n'ont pas le temps de se mobiliser que déjà, un autre sujet est lancé dans un tout autre domaine. Dès lors, les mouvements de contestation n'ont pas le temps de s'organiser de manière cohérente face à un gouvernement qui cherche à prendre de vitesse les syndicats. 30 000 postes de stagiaire sont supprimés ? Le gouvernement annonce aussitôt une revalorisation du traitement des enseignants débutants pour faire passer la mesure.
En outre, Xavier Darcos déroute ces opposants car il fractionne les annonces. Par exemple, au sujet du nouveau bac, le ministre de l'éducation avait d'abord évoqué en septembre 2007 la nécessité de mieux rééquilibrer les filières. A l'époque, la filière ES (Economique et Social) était menacée. Face aux premières réactions négatives, le ministre semblait y avoir renoncé. Huit mois plus tard, coup d'accélérateur, c'est le président de la République lui-même qui annonce une refonte complète du bac, dès la rentrée 2009 pour la classe de seconde.


Le gouvernement tente donc de contourner les difficultés en allumant des contre-feux et en faisant diversion avec une certaine réussite. Reste à savoir si une réforme peut être menée à bien sans la concertation et le soutien des agents concernés.

*** Liens

- Education nationale : les manipulations du ministère pour supprimer des postes de profs
- Le gouvernement supprime des classes dans le public et va en créer dans le privé
- Temps de travail, salaires : les enseignants sont-ils des privilégiés ?
- Bataille de chiffres : y a-t-il 1 professeur pour 11 élèves dans le secondaire ?
- Quand Le Figaro veut démontrer qu'il y a 23 000 profs en trop
- Mouvement lycéen : les erreurs stratégiques de Xavier Darcos
- Grève des profs : comment calcule-t-on un taux de grévistes ?
- Gouvernement : l'art du contre-pied pour étouffer la contestation

_____________________________________________________
Quiz : Combien a coûté la formation de Xavier Darcos pour s'exprimer dans les médias ?

Commentaires