Hervé Morin, ministre de la Défense… des libertés publiques

Enquête · 12 sep. 2008 à 21:50

Hervé Morin

Ancien bras droit de François Bayrou, Hervé Morin a rejoint Nicolas Sarkozy entre les deux tours de la présidentielle de 2007. Il a emmené avec lui les trois quarts des députés UDF et créé le Nouveau Centre. En guise de récompense suite à son ralliement, il a été nommé ministre de la Défense. Mais la vie d'un ministre, membre d'un parti allié au parti majoritaire, est compliquée : il faut pouvoir respecter la solidarité gouvernementale tout en gardant une certaine liberté de ton pour faire percevoir à l'opinion les différences entre l'UMP et le Nouveau Centre. C'est dans ce contexte qu'Hervé Morin a été amené à émettre des réserves à propos du fichier Edvige. Et sa sortie médiatique n'a pas vraiment été appréciée au sein du gouvernement...


Portrait d'Hervé Morin.

Origines et formation

Hervé Morin est né le 17 août 1961 à Pont-Audemer dans le département de l'Eure. Il est issu d'une famille ancrée dans la terre. Ses grands-parents paternes comme maternels étaient agriculteurs. Il passe son enfance en Normandie, à Epaignes, où ses parents ont une entreprise de maçonnerie mais également une ferme. Plutôt mauvais élève, Hervé Morin décide dans un premier temps de reprendre la ferme familiale, mais devant le refus de son père, il s'installe à Caen puis à Paris pour faire des études de droit, entre à Sciences Po, et obtient une maîtrise de droit public à Assas.
Il commence sa carrière professionnelle, en 1987, en tant qu'administrateur des services de l'Assemblée nationale. Parallèlement, il enseigne à l'université Paris V-René Descartes.

De son fief de Normandie à l'Assemblée nationale à Paris

Hervé Morin est très attaché à ses racines et à sa terre normande, terre de son enfance et surtout terre que ses parents et grands-parents ont cultivé pendant des décennies. Son grand-père maternel, André Cardine, a été maire de Fatouville-Grestain. Suivant ses traces, Hervé Morin s'est présenté aux élections municipales à Epaignes (ville où il a passé toute son enfance) où il est élu en 1989 conseiller municipal. Il en devient le maire en 1995. Dans le même temps, entre 1992 et 2004, il est élu membre du Conseil général de l'Eure. Et en 1997, il est élu député. Président du groupe UDF à l'Assemblée Nationale, entre 2002 et 2007, il a été réélu député en 2007. Mais appelé au sein du gouvernement en tant que ministre de la Défense, il est obligé de céder sa place à son suppléant, Marc Vampa.

Un fidèle lieutenant de François Bayrou

Hervé Morin entre en politique en 1989. Mais sa rencontre avec François Bayrou marque un véritable tournant dans sa carrière. En 1993, il travaille au ministère de la Défense dans le cabinet de François Léotard, en tant que conseiller technique chargé des relations avec le Parlement, des affaires domaniales et des questions d'environnement. Trois ans après, il fait la connaissance de François Bayrou qui est alors le dirigeant du parti centriste.
Au départ les deux hommes n'ont pas grand-chose en commun : Hervé Morin n'aime pas ce que représente le centre, parti jugé trop mou. Mais très vite, l'un et l'autre se rendent compte qu'ils partagent un goût commun pour la terre, et surtout ils souhaitent construire une alternative politique. Finalement, en 2002, Hervé Morin devient président du groupe UDF à l'Assemblée et est nommé porte-parole de la campagne présidentielle de François Bayrou.

La rupture de 2007 et la création du Nouveau Centre

Bras droit de François Bayrou pendant la campagne présidentielle de 2007, Hervé Morin quitte brutalement le navire entre les deux tours de la présidentielle après la décision de François Bayrou d'apporter un soutien implicite à Ségolène Royal. Considérant que l'UDF est d'abord un parti de centre-droit, il refuse de suivre François Bayrou dans ce qu'il considère être une stratégie d'isolement et emmène avec lui les trois quarts des députés UDF.
Dans la foulée, il crée le « Nouveau Centre » et présente suffisamment de candidats aux élections législatives de juin 2007 pour espérer obtenir un financement public. Le 2 juillet 2007, il devient président du Nouveau Centre, tandis que François Bayrou lance le MoDem et essaie de rassembler les quelques militants restants avec la conviction de proposer une alternative à l'UMP ou au PS. Le troisième homme de la présidentielle veut construire une majorité de centre et de gauche.
Hervé Morin est donc resté dans la majorité de droite, François Bayrou a basculé dans l'opposition.

Ministre de la Défense et président du Nouveau Centre

Parce qu'il a soutenu la candidature de Nicolas Sarkozy entre les deux tours de la présidentielle, Hervé Morin n'a pas été oublié dans la constitution des gouvernements Fillon (I et II) : il est nommé, le 18 mai 2007, ministre de la Défense. Nicolas Sarkozy a voulu cette ouverture au centre tout en avertissant Hervé Morin des risques qu'il prenait s'il échouait dans sa mission : mettre en péril l'existence de son nouveau parti.
Dès son arrivée au ministère de la Défense, Hervé Morin a voulu imprimer sa marque. Durant les premières semaines, il a entretenu des relations épineuses avec le chef d'état-major, Jean-Louis Georgelin. Peu présent sur la scène médiatique pendant les premiers mois, le ministre s'est attaché à préparer une réforme difficile, celle de la carte militaire. De nombreuses casernes ont été supprimées, des bataillons ont été regroupés, dans le but de faire des économies. Même si la réforme s'est avérée être très impopulaire auprès du personnel militaire, Hervé Morin a réussi à allumer un contre-feu médiatique en annonçant quelques semaines après la révision de la carte militaire la reconversion des bâtiments laissés vides par les militaires en logements étudiants. Et voilà comment une mesure d'économies permet de résoudre un problème qui touche l'enseignement supérieur.
Mais Hervé Morin est dans une situation délicate au sein du gouvernement : il se doit de respecter la solidarité gouvernementale tout en essayant de faire vivre son parti, le Nouveau Centre, en se démarquant de l'UMP. C'est dans ce contexte qu'il est intervenu dans les médias cette semaine pour émettre des réserves à propos de la création du fichier Edvige. En tant que président du Nouveau Centre, il veut que son parti soit à la pointe de la défense des libertés publiques. Mais cette liberté de ton s'avère vite incompatible avec un poste gouvernemental. Hervé Morin en a fait les frais, le Premier ministre François Fillon l'ayant rappelé à l'ordre et à son devoir de respecter la solidarité gouvernementale.

*** Liens

- Equitation : Hervé Morin a misé sur le bon cheval
- Bayrou/Morin : MoDem contre Nouveau Centre
- MoDem/Nouveau Centre : la bataille du financement public
- Carte militaire : une révision qui passe mal chez les gradés

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+ net : Qu'est-ce que le fichier Edvige ?

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