Questions d'actualité · 9 sep. 2008 à 21:40
Mais qui est Edvige ? Depuis quelques jours, le nom du nouveau fichier de renseignements du ministère de l'Intérieur crée la polémique. Instauré fin juin par décret, le fichier Exploitation documentaire et valorisation de l'information générale (Edvige) autorise les policiers à ficher toute personne de plus de 13 ans exerçant ou ayant exercé un mandat politique, syndical ou économique, jouant un "rôle institutionnel, économique, social ou religieux significatif", ou jugée"susceptible de porter atteinte à l'ordre public". Définition suffisamment vague pour créer des vagues de contestations.
Explications.
« Edvige » est le nouveau fichier de renseignements créé par le Ministère de l'Intérieur, adopté le 27 juin 2008 par décret. Il remplace le fichier des Renseignements généraux, créé en 1991. Puisque les RG n'existent plus, il a donc fallu transférer le fichier vers la nouvelle direction centrale de la sécurité publique. Toutefois, les règles de gestion ont été modifiées. Alors que les Renseignements généraux fichaient toute personne qui participe à la vie institutionnelle, politique ou religieuse, le fichier Edvige prévoit de recenser en plus les personnes qui seraient potentiellement capables de troubler l'ordre public et ce dès l'âge de 13 ans ! Ce dispositif, d'emblée, suscite la polémique puisqu'il vise à ficher des mineurs (alors que l'ancien dispositif ne prenait en compte que les individus ayant atteint la majorité) et qu'il prévoit d'indiquer des informations jusque-là interdites parce que jugées confidentielles : l'orientation sexuelle ou le bilan de santé des individus.
Depuis son entrée en vigueur, le fichier Edvige suscite la polémique. Une pétition électronique contre le fichier faite le 6 septembre rassemble 700 associations et plus de 110 000 signatures. Treize recours ont été déposés en Conseil d'Etat pour demander l'annulation de ce dispositif. Les opposants à ce fichier dénoncent les dérives qu'il pourra provoquer : discrimination sexuelle voire religieuse, exclusion des minorités...
Pourtant, le gouvernement se défend d'instituer un nouveau fichier : pour le ministère de l'Intérieur, Edvige remplace tout simplement le fichier établi par les Renseignements Généraux. Mais les opposants à ce dispositif montrent qu'il y a une différence de taille entre les deux fichiers : celui des RG ne recensait que les personnes véritablement violentes ou qui encourageaient la violence. Le fichier Edvige va plus loin puisqu'il prévoit de ficher les personnes susceptibles de l'être. Le nombre de personnes fichées risque d'être très vite décuplé.
A ces réserves, le ministère de l'Intérieur répond que la délinquance et notamment celle des enfants a considérablement augmenté. Il semblerait en effet que les mineurs représentent 20% des individus impliqués dans des procédures judiciaires. Pour rassurer l'opinion publique, le Ministère montre que le fait d'être fiché est une manière de mettre en garde les jeunes contre la délinquance et d'alerter les parents, de les responsabiliser.
Quant aux accusations sur la mention de l'orientation sexuelle ou la santé des personnes figurant dans le fichier Edvige, encore une fois, le Ministère relativise : il ne s'agit pas de mentionner la sexualité de toutes les personnes recensées mais uniquement celle de ceux qui le revendiquent et participent à des manifestations ayant un rapport avec leur choix. Même chose avec les maladies... Selon le ministère, ces mentions devraient donc demeurer de l'ordre de l'exceptionnel.
La CNIL est la Commission nationale de l'informatique et des libertés et veille, à ce titre, à la confidentialité des données personnelles. Elle s'est penchée sur la création du fichier Edvige, et se montre très sceptique. Elle a demandé notamment au ministère de limiter dans le temps l'inscription des individus dans le fichier, en particulier celle concernant les mineurs. De même, elle a demandé au ministère de n'inscrire l'orientation sexuelle des individus fichés que de manière exceptionnelle. La CNIL a obtenu satisfaction sur ce point. Pour autant cette garantie ne rassure guère la Commission qui envisage d'exercer son pouvoir de contrôle pour vérifier que les conditions qu'elle a émises sont respectées.
Si la CNIL a le pouvoir de demander les fichiers à tout moment et de contrôler les données informatiques, elle n'a eu accès qu'une seule fois au fichier général depuis 1991. C'était en 1999. Parce qu'elle manque de personnel, elle est obligée de faire des contrôles partiaux du fichier. En 2 ans toutefois, les effectifs ont doublé et les contrôles ont pu être plus nombreux.
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