L'actualité politique vue par Le Canard Enchaîné (11 juin 2008)

Le Canard enchaîné · 11 juin 2008 à 19:36

Le Canard Enchaîné

L'actualité politique peut se découper en 3 strates : l'information politique généraliste véhiculée par les 20 heures des grandes chaînes de télévision. Les grands projets de loi, les déplacements présidentiels, les grandes controverses entre la droite et le gauche y sont traités dans des reportages d'une minute trente. La deuxième strate de l'actualité politique correspond aux articles de la presse papier et des sites internet d'information. L'information est plus complète, plus fouillée, souvent plus polémique. Certains articles sont de véritables scoops, repris ensuite en boucle sur la toile. Reste la dernière strate, la plus polémique et la plus sujette à caution : l'information politique vue des coulisses. De plus en plus traitée sur Internet (Bakchich, ArrêtSurImages.net), elle offre un point de vue très différent des deux autres strates. Le Monde politique apparaît plus brutal, les rapports de force plus violents, les propos rapportés très virulents. Tous ces "off" ont leur revers : la difficulté d'authentifier l'information. A cet égard, la lecture du Canard Enchaîné donne un autre visage du monde politique, très éloigné de la description du monde politique faite par la télévision et les autres journaux.

Comment le Canard Enchaîné parvient-il à recueillir toutes ces confidences ? Quel crédit peut-on accorder à tous ces "off" et propos rapportés ? Qu'y a-t-il dans le Canard Enchaîné du 11 juin 2008 ?

Canard Enchaîné du 11 juin

Les off du Canard : vérité, manipulations et donnant-donnant

Tous les membres de cabinet ministériel, proches de responsables politiques, ministres et députés eux-mêmes, s'épanchent chaque semaine dans les colonnes du Canard Enchaîné, de manière anonyme. Si ces responsables politiques se livrent à ce type d'exercice, c'est souvent par vengeance. L'ennemi d'untel va ébruiter la scène qui met à mal un ministre. Un membre de cabinet dépité ne va pas hésiter à rapporter les propos du président. Sous le couvert de l'anonymat, le confident du Canard Enchaîné ne risque rien, d'autant plus que l'hebdomadaire satirique garantit la protection de ses sources. C'est le donnant-donnant : le Canard publie chaque semaine des off inédits grâce aux confidences des hommes politiques et des membres des cabinets ministériels, et ces derniers peuvent le faire en toute sécurité, sans craindre d'être dénoncés.
Le revers de la médaille est l'authenticité des sources et des propos rapportés. Comment être certain qu'il n'y a pas derrière une volonté de manipulation en faisant tenir des propos erronés à un ministre ? Comment déceler le vrai du faux ? Au Canard Enchaîné, on distingue bien les off, petite pastille hebdo sur les vicissitudes du pouvoir, des grandes enquêtes qui sont souvent reprises par les autres médias. Les journalistes du Canard garantissent l'authenticité des propos rapportés. A charge pour le lecteur de leur faire confiance.

Insultes, vulgarité : les "gros mots" des politiques

Ce qui frappe le plus à la lecture du Canard Enchaîné est la vulgarité des responsables politiques. Il est désormais établi que l'ancien Premier ministre, Dominique de Villepin, appelait en privé les députés, les "connards", illustrant par cette insulte le peu d'estime qu'il avait à l'égard de ces élus. Ce type de vulgarité se retrouve chaque semaine dans les colonnes du Canard Enchaîné.
Dans l'édition de cette semaine, on peut notamment lire l'agacement de François Fillon vis-à-vis de Nicolas Sarkozy qui tente de le marginaliser. A propos de la réunion du jeudi qui réunit 7 membres du gouvernement, François Fillon aurait déclaré "J'en ai rien à foutre, c'est un truc à la Sarko, un joujou qui disparaîtra quand il en aura marre, comme de tout le reste".
Le journal rapporte aussi une réunion de travail au Quai d'Orsay mardi 10 juin. Brice Hortefeux et Jean-Pierre Jouyet ont invité une quarantaine de parlementaires, dont Bernard Lehideux, député européen Modem, qui avait déclaré un peu plus tôt à la presse qu'une candidature d'Hortefeux aux prochaines européennes posait un problème de crédibilité à la future présidence française de l'UE. Le journal raconte alors leur rencontre dans les salons feutrés du Quai d'Orsay : "Tes déclarations à la con sont totalement inadmissibles. Qu'est-ce qui te prend de m'attaquer comme ça ? (...) Je vais t'exploser" a d'abord déclaré le ministre de l'immigration. Face à cette charge, le député lui répond : "Brice, calme-toi ! Ca va bien, tu es ministre et moi député. On ne va pas s'injurier comme ça dans un palais de la République. D'ailleurs, je m'en vais". Et le ministre de lui lancer : "Casse-toi connard".

Quand la vulgarité éclate au grand jour

A ceux qui doutent des l'authenticité des propos "vulgaires" attribués aux politiques dans le Canard Enchaîné, quelques exemples récents filmés finissent par convaincre de la probabilité que ces propos ont bien été tenus. Ces derniers mois, à plusieurs reprises, des responsables politiques ont été pris en flagrant délits...

- Patrick Devedjian à propos d'une femme politique UDF, Nicolas Sarkozy, au salon de l'agriculture

Les différences de traitement de l'info : le cas du mariage annulé

La semaine dernière, la ministre de la justice s'est retrouvée au coeur d'une polémique suite à l'annulation d'un mariage par la justice au prétexte que la femme n'était pas vierge. Les interprétations sur ce jugement varient : pour certains, ce jugement est un véritable scandale, la justice n'ayant pas à rentrer dans ce genre de considérations morales, pour d'autres, ce jugement a permis de protéger la jeune femme. C'est ce dernier point de vue qu'a défendu la ministre de la justice avant de se rétracter quelques heures plus tard en demandant au parquet de faire appel du jugement. Les 20 heures ont repris cette information, diffusé notamment les images des questions au gouvernement où la ministre s'est emportée contre la gauche, accusée d'entretenir la polémique pour affaiblir la ministre. La presse écrite est revenue sur cet épisode et a tenté d'expliquer le revirement de la ministre.


Au Canard Enchaîné, l'information est traitée par une petite brève, qui en dit presque plus qu'un long article dans la presse traditionnelle. Ainsi, après avoir été malmenée par les socialistes à l'Assemblée nationale, la ministre aurait lâché au Premier ministre, François Fillon, au moment de se rasseoir : "Je ne voulais pas faire appel. C'est Guéant qui m'a obligée. Si jamais cette femme se suicide, il ne faudra pas venir m'emmerder". Fin de citation.


La lecture du Canard Enchaîné nécessité donc un certain recul étant donné l'anonymat des sources. Pour autant, l'absence le plus souvent de démentis des responsables politiques est le signe que l'hebdomadaire vise juste la plupart du temps. Cette information dérange car elle montre un visage de la politique qui n'est pas très glorieux.

*** Liens

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