Le gouvernement et les 35 heures : maintien ou suppression ?

Revue de presse · 30 mai 2008 à 20:55

35 heures

Depuis plus d'une semaine, le gouvernement ainsi que le Chef de l'Etat semblent se contredire, annoncer la fin de la durée légale du temps de travail puis se dédire aussitôt en promettant qu'il n'est pas question de remettre en cause les 35 heures. Ainsi, en début de semaine dernière, Patrick Devedjian avait-il déclaré qu'il serait temps, au nom du libéralisme et de l'ouverture à l'Europe, d'en finir avec cette loi Aubry stricte et contraignante qui empêche les salariés de travailler comme ils le souhaitent et surtout de gagner plus d'argent. Immédiatement le ministre du travail, Xavier Bertrand, secondé par Nicolas Sarkozy, a démenti ces propos déclarant que le projet de loi sur la durée du temps de travail ne supprime pas les 35 heures mais en assure sa souplesse.

Revue de presse du vendredi 30 mai 2008

- La Tribune : Réforme des 35 heures, Sarkozy et Fillon entament la guerre des mots
- Le Monde : 35 heures : mobilisation sur fond de tensions entre syndicats
- Libération : 35 heures : les raisons d'un bras de fer avec les syndicats

Maintien ou suppression des 35 heures : les hésitations de la majorité

Alors que la droite ne cesse de décrier la loi sur les 35 heures et demande sa suppression, le gouvernement semble hésiter, annoncer une mesure puis se dédire. En réalité, le candidat Nicolas Sarkozy a répété à l'envi au cours de sa campagne à la présidentielle qu'à présent les Français devaient « travailler plus pour gagner plus ». Pour y parvenir, il a proposé aux chefs d'entreprise de défiscaliser les heures supplémentaires. A présent, si le Président osait affirmer clairement qu'il veut liquider la loi Aubry et mettre fin à une durée légale du temps de travail, il remettrait par là même en cause son slogan : les salariés seront appelés à travailler plus, mais ces heures effectuées ne seraient pas forcément considérées comme des heures supplémentaires si la durée légale du travail est remise en cause.
Patrick Devedjian a donc joué son rôle de secrétaire général de l'UMP en annonçant haut et fort les espérances de la majorité qui attend depuis dix ans la suppression d'une loi qui freinerait la croissance, la productivité... De son côté, le gouvernement tente de faire passer une loi sur le temps de travail en ménageant syndicats et salariés.

Des syndicats floués

Les syndicats sont inquiets parce que l'avant-projet de loi qui souhaite assouplir la législation sur le temps de travail risque fortement de remettre en cause des accords passés avec le gouvernement à propos des 35 heures. Alors que les deux principaux syndicats (CGT, CFDT) croyaient avoir bien manoeuvré concernant la négociation du temps de travail, ils se retrouvent à présent en position de faiblesse. En effet, le gouvernement a su trouver un moyen pour biaiser la confrontation et les négociations avec les syndicats en leur faisant signer un texte de « position commune » sur la représentativité des syndicats. Pour les grands syndicats comme pour le Medef, il s'agit d'une avancée démocratique sociale tandis que les petits syndicats sont véritablement menacés. En effet, ces derniers n'auront à présent le droit de participer aux négociations que s'ils répondent à sept critères concernant notamment les effectifs, le nombre de voix obtenu lors des élections professionnelles, etc. Or, les petits syndicats savent qu'ils sont appelés à disparaître puisque dans les petites entreprises de moins de 50 salariés, des élections professionnelles ne sont pas organisées...
La CFDT et la CGT pensaient, dans le texte signé par le gouvernement et le Medef, avoir également obtenu des garanties sur le temps de travail. Mais coup de théâtre, le ministre du travail, Xavier Bertrand, prépare un texte de loi stipulant que les partenaires sociaux pourraient négocier la durée légale du temps de travail au sein de chaque entreprise. En clair, les 35 heures restent la durée légale, mais si les partenaires sociaux veulent modifier cette règle au sein d'une entreprise, ils le pourront.

Remise en cause de la durée légale du temps de travail

La majorité a toujours contesté l'application des 35 heures depuis sa création il y a dix ans. Xavier Bertrand, quoiqu'en pensent les syndicats, veut mettre en oeuvre un assouplissement de la loi Aubry qui se négociera non pas au sein d'un même secteur mais dans chacune des entreprises afin de permettre une plus grande flexibilité. Les syndicats s'inquiètent parce que cette possibilité de négocier entreprise par entreprise engendrera obligatoirement des différences de régime dans une même branche professionnelle. Ils craignent surtout la surenchère entre les entreprises au niveau de la flexibilité et du nombre d'heures de travail. Mais le gouvernement pointe les avantages de recourir à plus de souplesse : les entreprises pourront mieux s'adapter aux contraintes en adéquation avec leurs besoins. L'autre avantage : les salariés pourront travailler plus pour gagner plus.
Les syndicats sont sceptiques : si les patrons négocient un temps de travail plus élevé, ils n'auront pas de raison de demander des heures supplémentaires. Les salariés, dans cette logique, risquent donc de travailler plus sans compensation financière.

Comment supprimer les 35 heures sans toucher à la durée légale du travail ?

Nicolas Sarkozy le répète : on ne touchera pas à la durée légale du travail fixée à 35 heures. Pourtant, si un assouplissement de la loi est prévu, les chefs d'entreprise trouveront des parades pour contourner cette obligation. D'abord, une pratique qui s'est généralisée depuis l'avènement des 35 heures c'est la distinction entre la durée du travail et la durée effective du temps de travail. Les patrons peuvent déduire du temps de travail les temps de pause, d'habillage de ses employés... c'est-à-dire, toutes les activités qui ne font pas partie intégrante du travail. Pour demeurer à 35 heures, les chefs d'entreprise pourront réévaluer la durée effective du temps de travail. Ainsi, il pourra être possible de réduire le nombre de journées de RTT aux cadres. Parce que cette catégorie de salariés travaille de façon autonome, il est difficile de calculer précisément le nombre d'heures effectuées par semaine. Pour compenser leurs longues journées, on leur accorde un certain nombre de jours de RTT, mais il est à prévoir qu'on verra à la baisse leurs heures effectives de travail.


Même si Nicolas Sarkozy ainsi que le gouvernement se défendent de vouloir supprimer les 35 heures, la loi Aubry est menacée et appelée à disparaître, d'autant plus que les syndicats n'ont plus de marge de manoeuvre, le ministre du travail ayant affirmé qu'il ne cèderait pas sur le projet visant à assouplir la durée du temps de travail. Les négociations ne semblent plus à l'ordre du jour, les syndicats ont déjà prévu une journée d'action le 10 juin.

*** Liens

- Qu'est-ce que le pouvoir d'achat ?
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