Le mini-remaniement du gouvernement Fillon : une stabilité de façade

Enquête · 22 mar. 2008 à 15:01

Nouveau gouvernement Fillon

Le grand remaniement tant attendu n'a pas eu lieu. Alors que la droite a perdu la bataille des municipales, Nicolas Sarkozy a choisi de modifier à la marge le gouvernement Fillon, se laissant à plus tard la possibilité d'un remaniement en profondeur. Au lendemain des municipales, de petites modifications sont donc intervenues dans la composition du gouvernement : six secrétaires d'Etat font leur entrée, quelques intitulés de ministère ont été modifiés, et un membre du gouvernement a été sanctionné. Mais quel est le sens politique de ce mini-remaniement ?

Une stabilité de façade

Les ajustements opérés par Nicolas Sarkozy sont censés marquer la stabilité de l'équipe Fillon. Face à l'instabilité chronique des gouvernements successifs, le président de la République n'a pas voulu changer ses ministres après les résultats à une élection locale. Les quinze ministres conservent donc leur poste. Seuls six secrétaires d'Etat font leur entrée. Mais derrière cette stabilité de façade, Nicolas Sarkozy a modifié les rapports de force au sein du gouvernement : Xavier Bertrand, ministre du Travail, n'a pas vu ses attributions élargies, contrairement à Christine Lagarde qui récupère l'Industrie et Jean-Louis Borloo, l'Energie. En procédant à ce rééquilibrage, François Fillon sort renforcer, son principal concurrent, Xavier Bertrand, est mieux encadré par d'autres ministres.

L'entrée de six sarkozystes au gouvernement

L'heure n'est plus à l'ouverture. Contrairement à ce qui était annoncé depuis des semaines, ni Jack Lang, qu'on attendait à la justice, ni Claude Allègre, qu'on attendait à l'enseignement supérieur, ne font leur entrée au gouvernement. Si les ministres d'ouverture restent en place, ils sont désormais un peu plus isolés au sein d'un gouvernement renforcé par l'arrivée de six secrétaires d'Etat, tous sarkozystes :
- Yves Jégo : ce proche de Nicolas Sarkozy a été réélu maire de Montereau. Il a été nommé secrétaire d'Etat en charge de l'Outre-mer, en remplacement de Christian Estrosi, qui a démissionné après sa victoire à Nice.
- Nadine Morano : malgré sa défaite aux municipales à Toul, la porte-parole de l'UMP, connue pour son franc-parler, a été nommée secrétaire d'Etat à la Famille auprès de Xavier Bertrand.
- Alain Jouyandet : Inconnu du grand public, l'élu de Vesoul est un proche de Nicolas Sarkozy. Il a été nommé secrétaire d'Etat en charge de la Coopération auprès du ministre des Affaires étrangères, en remplacement de Jean-Marie Bockel.
- Hubert Falco : réélu maire de Toulon, il a été nommé secrétaire d'Etat à l'Aménagement du territoire auprès du ministre du développement durable. Ce proche de Chirac, qui avait rejoint Nicolas Sarkozy en 2005, est le seul représentant du Sud de la France dans le gouvernement Fillon.
- Christian Blanc : Sa nomination au poste de secrétaire d'Etat au développement de la région capitale est un geste en direction du Centre. Député des Yvelines sous l'étiquette du Nouveau Centre, il avait rallié Nicolas Sarkozy pendant la campagne présidentielle.
- Anne-Marie Idrac : l'ancienne présidente de la SNCF était membre de l'UDF dans les années 1990. Ex-secrétaire d'Etat aux transports dans le gouvernement Juppé (1995-1997), sa nomination au poste de secrétaire d'Etat au commerce extérieur est un autre geste en direction du centre.

Borloo et Lagarde renforcés, Bertrand mieux encadré

Xavier Bertrand a du revoir ses ambitions à la baisse. Pendant les municipales, la rivalité entre François Fillon et son ministre du travail s'est renforcée. Xavier Bertrand est considéré comme un Premier ministre potentiel, le jour où Nicolas Sarkozy décidera de se séparer de François Fillon. Faute d'un changement de Premier ministre, Xavier Bertrand espérait pouvoir ajouter l'Emploi à son portefeuille ministériel. Il n'en est rien, il récupère seulement la "Famille" avec la nomination d'une secrétaire d'Etat très médiatique : Nadine Morano. Forte tête, elle risque rapidement d'entrer en concurrence avec son ministre de tutelle.
Christine Lagarde, que l'on disait menacée, sort en revanche renforcée de ce mini-remaniement. Non seulement, elle conserve l'Emploi, mais elle a désormais sous son autorité quatre secrétaires d'Etat importants : Laurent Wauquiez (emploi), Luc Chatel (consommation), Anne-Marie Idrac (commerce extérieur), Hervé Novelli (Artisanat, PME).
De même, Jean-Louis Borloo, ministre d'Etat, récupère un portefeuille important, qui n'avait pas été réellement attribué dans le précédent gouvernement, l'Energie. Il se voit aussi attribuer un nouveau secrétaire d'Etat, Christian Blanc, en charge du projet de "Grand Paris".

Luc Chatel et Laurent Wauquiez, récompensés

Les deux secrétaires d'Etat ont été récompensés pour leur victoire au premier tour des municipales dans deux villes détenues jusque là par la droite : Chaumont (Haute-Marne) et le Puy-en-Velay (Haute-Loire). Luc Chatel, secrétaire d'Etat en charge de la consommation, a donc été promu également porte-parole du gouvernement. Il cumulera ses fonctions avec sa nouvelle fonction de maire de Chaumont. De son côté, Laurent Wauquiez abandonne la fonction de porte-parole au profit d'un secrétariat d'Etat important : l'Emploi. Il cumulera lui aussi cette fonction avec celle de maire du Puy-en-Velay.

Jean-Marie Bockel, sanctionné

Le maire de Mulhouse, réélu de justesse, est le grand perdant de ce mini-remaniement. Si ce symbole de l'ouverture n'est pas écarté du gouvernement, son changement de portefeuille s'apparente à une sanction. Il perd la Coopération, confiée à Alain Marleix, au profit d'un secrétariat d'Etat aux anciens combattants. Cette rétrogradation serait liée à sa prise de position sur la Françafrique. Jean-Marie Bockel avait exprimé son impatience vis-à-vis de la nouvelle politique de Nicolas Sarkozy à propos de l'Afrique, censée rompre avec des années de corruption.

Des appellations de ministères modifiées

Certains noms de ministères ont été légèrement modifiés afin de prendre en compte les modifications évoquées plus haut : Jean-Louis Borloo devient ministre de l'Ecologie, de l'Energie, du Développement durable et de l'Aménagement du territoire ; Christine Lagarde est nommée ministre de l'Economie, de l'Industrie et de l'Emploi ; Brice Hortefeux devient ministre de l'Immigration, de l'Intégration, de l'Identité nationale et du Développement solidaire ; Xavier Bertrand est ministre du Travail, des Relations sociales, de la Famille et de la Solidarité. Roselyne Bachelot récupère les associations avec comme titre de ministre de la Santé, de la Jeunesse, des Sports et de la Vie associative. Enfin, Eric Besson récupère l'Economie numérique.


Si ce mini-remaniement n'est pas le grand changement gouvernemental attendu, il ne s'agit pas non plus d'un simple remaniement technique. Le chef de l'Etat a bien voulu rééquilibrer les rapports de force internes dans le gouvernement Fillon, manière pour lui de neutraliser les impatients.

*** Liens

- Liste des 37 membres du gouvernement Fillon 3
- Municipales : raz-de-marée à gauche et vote sanction contre la droite
- David Martinon, première victime des municipales
- Les rumeurs de remaniement ne se sont pas vérifiées : retour sur les rumeurs de décembre 2007

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