Qu'est-ce qu'une TVA sociale ?

Eco + Net · 14 juin 2007 à 16:52

Taux de TVA

François Fillon ne décolère pas. Dimanche soir, sur le plateau de TF1, Jean-Louis Borloo a commis une bourde en se faisant piéger par Laurent Fabius. Ce dernier lui a demandé si le gouvernement avait le projet d'augmenter le taux de TVA. Dans l'embarras, le ministre de l'Economie a expliqué que le gouvernement travaillait sur plusieurs pistes, notamment celle-ci. Jean-Louis Borloo s'est fait piéger et a, malgré lui, ouvert le débat sur la TVA sociale alors que le gouvernement voulait lancer ce chantier après les élections législatives. Sur France 2, mardi 12 juin 2007, François Fillon a donc été contraint de reconnaître que le gouvernement travaillait à la mise en place d'une TVA sociale. Mais que veut dire le terme de "TVA sociale" ? Quelle est la différence avec la TVA actuelle ?

La TVA, la recette la plus importante de l'Etat

Créée en 1954, la Taxe sur la Valeur Ajoutée est un impôt indirect sur tous les biens de consommation et les services. Lorsque le consommateur achète un produit, il paye une taxe à l'Etat qui est inclus dans le prix d'achat. Aujourd'hui, il existe 3 taux de TVA : 19,6% pour l'ensemble des biens de consommation, un taux réduit de 5,5% pour la nourriture, les plats à emporter et l'hôtellerie, et un taux très réduit de 2,1% pour les médicaments.
La TVA est un impôt payé par tous les consommateurs et constitue, à ce titre, la ressource la plus importante du budget de l'Etat. Plus de 45% des recettes de l'Etat proviennent du produit de la TVA alors que l'Impôt sur le Revenu ne représente que 20% sur l'ensemble des recettes, et l'impôt sur les sociétés 15%.

Promesse de campagne : valoriser le travail

Au cours de la campagne présidentielle, Nicolas Sarkozy n'a eu de cesse de répéter son slogan favori : "travailler plus, pour gagner plus". Fustigeant les 35 heures et la réduction du temps de travail, il a expliqué que le chômage et la faiblesse de l'économie française étaient liés au fait que les Français ne travaillaient pas assez. Tout son programme est donc tourné vers la valorisation du travail. Celle-ci passe par l'augmentation des heures supplémentaires mais aussi par la volonté de moins taxer le travail pour encourager les embauches. Moins taxer le travail signifie alléger ce qu'on appelle les charges sociales sur les entreprises. Ainsi, la plupart des entreprises acquittent l'Impôt sur les Sociétés ou la CSG, Contribution Sociale Généralisée, pour financer en partie les dépenses sociales : indemnités chômage, soins, retraite. Nicolas Sarkozy souhaiterait donc diminuer ces charges pour les entreprises afin qu'elles soient plus compétitives et qu'elles soient moins réticentes à embaucher.

Qu'est-ce qu'une TVA sociale ?

Le terme de "TVA sociale" prête à confusion car il ne s'agit en aucun cas d'une mesure sociale, c'est-à-dire d'une mesure destinée à améliorer le sort des salariés ou des classes populaires. La TVA dite sociale consiste à augmenter le taux de TVA pour que cet impôt puisse financer les dépenses sociales.
Le principe de la TVA sociale est d'augmenter le taux de TVA pour financer la protection sociale et de diminuer les charges sociales payées par les entreprises. Il s'agit donc d'un transfert de fond : la baisse des charges pour les entreprises seraient compensée par la hausse de la taxe sur les biens de consommation payés par tous. Toute la protection sociale serait alors financée par les consommateurs, donc potentiellement tout le monde, au lieu que ce soit les entreprises actuellement. Pour réaliser ce transfert de fond, il faudrait augmenter la TVA de 5 points, un point de TVA rapportant en moyenne 7 milliards d'euros supplémentaires. Ainsi, le taux de TVA passerait de 19,6% à 24,6%

Avantages de la TVA sociale : des entreprises plus compétitives

Les partisans de la TVA sociale ont plusieurs arguments :
1. En diminuant les charges sociales des entreprises, celles-ci seront plus compétitives, elles pourront davantage embaucher et auront moins envie de délocaliser à l'étranger puisque les taxes sur les entreprises seront faibles en France.
2. Les cotisations patronales sont actuellement payées uniquement par les entreprises présentes en France. Or, avec une TVA sociale, tous les produits seront taxés, notamment ceux qui viennent de l'étranger. De cette manière, la protection sociale est financée par tout le monde, même des entreprises étrangères. Par exemple, un produit fabriqué en Chine sera taxé à hauteur de 5% pour financer l'assurance maladie des salariés français.

Inconvénients de la TVA sociale : un impôt injuste

L'instauration de la TVA sociale pose de sérieux problèmes.
1. Tout d'abord, la TVA est l'impôt le plus injuste de tous les impôts puisqu'il est payé par tout le monde au même taux, quel que soit le revenu. Ainsi, que vous soyez cadre d'entreprise ou ouvrier sans qualification, la TVA sera exactement la même pour n'importe quel produit acheté. Certes, une personne plus riche consommera davantage et paiera, indirectement, davantage de TVA qu'une personne modeste mais sur le principe, il s'agit d'un impôt injuste qui ne tient pas compte du revenu.
2. Augmenter le taux de TVA revient à augmenter le prix des produits. Le risque est donc grand de voir une baisse significative de la consommation. La consommation étant le moteur de la croissance économique, cette mesure produirait alors les effets inverses : hausse des prix, baisse de la consommation, baisse de la croissance économique, baisse de la production, augmentation du chômage.
3. Enfin, dernier inconvénient, avec cette mesure, les recettes de l'Etat pour financer les indemnités chômage, les retraites, les dépenses de maladie, deviendraient entièrement dépendantes de la croissance. Si la croissance économique venait à faiblir, les rentrées d'argent diminueraient et le déficit de l'Etat s'aggraverait encore plus rapidement que dans le système actuel.

Pas de TVA sociale avant 2009

Le gouvernement de François Fillon se montre donc prudent car le sujet est sensible. Si la gauche et les partenaires sociaux se sont d'ores et déjà prononcés contre cette hausse de la TVA, les arguments en faveur de la TVA sociale risquent également de mal passer auprès des salariés. Il est difficile d'expliquer que l'on peut à la fois augmenter le pouvoir d'achat et augmenter les impôts, que l'on veut plus de justice sociale et en même temps augmenter l'impôt considéré comme le plus injuste car payé par tous de la même manière quel que soit son revenu.
Le sujet étant sensible, François Fillon a déclaré que les discussions ne font que commencer et que si elles aboutissent à la création de la TVA sociale, celle-ci ne devrait pas avoir lieu avant 2009.

*** Liens

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