Frédéric Mitterrand, portrait d’un ministre de la Culture effacé depuis près d'un an

Enquête · 23 août 2010 à 22:05

Frédéric Mitterrand

Un parcours et surtout un nom. Quand Nicolas Sarkozy choisit de nommer Frédéric Mitterrand ministre de la Culture, à la place de Christine Albanel trop affaiblie par l'enlisement de son texte sur le téléchargement illégal, le chef de l'Etat veut faire un coup : nommer un Mitterrand dans son gouvernement à un poste symbolique, la culture. Si le parcours de Frédéric Mitterrand légitimise ce choix, la polémique sur son livre publié en 2005 va stopper net les ambitions politiques du neveu de l'ancien Président de la République.


Série 6/6 : Portrait de Frédéric Mitterrand

Ministres d'ouverture

Origines et formation

Frédéric Mitterrand est né le 21 août 1947 à Paris. Son père, l'industriel Robert Mitterrand est le frère de l'ancien Président. Il fait des études d'Histoire et obtient un doctorat à l'université de Nanterre. Il poursuit ensuite ses études à l'Institut d'études de Paris.
Il entre dans la vie active en devenant professeur d'Histoire, de Géographie et d'Economie à l'Ecole active bilingue de Paris pendant trois ans, entre 1968 et 1971.

Le cinéma

Il se tourne alors vers sa véritable passion : le cinéma même s'il fait ses premiers pas dans le petit écran dès l'âge de 12 ans où il est le figurant dans Fortunat, aux côtés de Michèle Morgan et Bourvil. Il dirige plusieurs salles de cinéma à Paris puis devient producteur et réalisateur de films. Il tourne notamment « Lettres d'amour en Somalie », en 1981 et reçoit le prix Jean-Louis Bory, « Madame Butterfly » en 1995, adaptation de l'opéra de Giacomo Puccini ou « Je suis la folle de Brejnev » en 2001.

La télévision

Entre 1981 et 1986, il anime ou produit plusieurs émissions et séries documentaires comme « Etoiles et toiles » et « Acteur studio » toutes deux consacrées au cinéma.
Il exploite ensuite sa seconde passion : l'Histoire et les grandes figures héroïques avec des émissions comme « Destins » (1987-88), « Légendes du siècle » (1996-97), ou « Les aigles foudroyés » (1997).
Entre 2003 et 2005, il est le directeur général délégué chargé de la programmation de TV5. Concernant ses rapports avec la télévision, il a une certaine aversion pour le privé : à la fin de l'année 1988, il claque la porte de TF1, devenue privée, pour Antenne 2, chaîne du service public affirmant «Ils n'aiment ni les Noirs, ni les Arabes, ni les pédés, ni les gens de gauche. Autant dire que je n'avais pas beaucoup d'avenir». Toutefois, lorsqu'il reçoit un «7 d'Or» en 1990 il pose son trophée par terre, «là où, selon lui, se trouve le service public».

L'écriture

En 1982 paraît son premier récit : « Lettres d'amour en Somalie » où il raconte son voyage en Afrique et sa rupture avec l'être aimé. En 2000, il publie « Un jour dans le siècle » (prix Oscar Wilde) et en 2005 « La mauvaise vie », sorte de confession où il traite de son homosexualité et des souffrances engendrées.

Directeur de la Villa Médicis (2008-2009)

Frédéric Mitterrand n'est pas arrivé par hasard à la tête de la prestigieuse Villa Médicis. Il a occupé différents postes qui l'ont mené à être un candidat sérieux face à Georges-Marc Bénamou : Commissaire général de la saison tunisienne en France en 1996, de l'année du Maroc en 1999 et de la saison tchèque en 2002. Il a été également président de la commission fonds Sud au Centre national de la cinématographie (CNC) entre 1998 et 2000.
Mais c'est surtout grâce à sa proximité avec Carla Bruni, que Frédéric Mitterrand est parvenu à obtenir la direction de la Villa Médicis, déclarant dans Le Monde du 31 mars 2008 au sujet de Georges-Marc Bénamou : « Je ne comprends pas cette curiosité si française qui veut que l'on écarte un conseiller en le nommant à un poste magnifique ». Finalement la famille Bruni-Teschi a pensé à une personne plus encline à prendre ce poste : Frédéric Mitterrand. C'est ainsi que celui-ci a pris la tête de la Villa Médicis au printemps 2008. Il ne reste finalement qu'une année et n'a donc pas le temps de finir de mettre en oeuvre ses projets : il voulait mieux faire connaître cette institution au grand public par le biais de la télévision et avait négocié avec la chaîne Odyssée une série d'émissions sur le sujet.

Ministre de la Culture depuis juin 2009

Même s'il est le neveu de l'ancien président de la République, Frédéric Mitterrand n'est pas socialiste pour autant. Certes, il a soutenu sa candidature en 1981 et a adhéré au Mouvement des radicaux de gauche, pourtant, en 1995, il change de cap et vote Jacques Chirac, rejetant la politique de Lionel Jospin et son « droit d'inventaire » sur les années de pouvoir de François Mitterrand. Concernant la campagne de 2007, il s'abstient de tout soutien et reste en dehors de la politique.
Pourtant, le 24 juin 2009, Nicolas Sarkozy procède à un vaste remaniement ministériel et nomme Frédéric Mitterrand à la Culture pour remplacer Christine Albanel qui a échoué dans la mise en oeuvre de la loi Hadopi contre le piratage sur Internet. C'est à son tour de reprendre le dossier en partie vidé de sa substance par le Conseil constitutionnel. Après plusieurs péripéties, la loi est définitivement adoptée en septembre 2009.

Moins de deux semaines après l'adoption d'une loi qui avait coûté la place à son prédécesseur, Frédéric Mitterrand est confronté à la polémique suscitée par son livre, la mauvaise vie, sortie pourtant en 2005. C'est Marine Le Pen qui a ressorti les écrits de celui qui n'était pas encore ministre à l'époque. Depuis cette polémique, le ministre qui incarnait, par son patronyme, l'ouverture la plus spectaculaire, joue les seconds rôles. Alors que la loi Hadopi (à l'origine du départ de son prédécesseur) est sur le point d'entrer dans son application concrète, avec l'envoi par la poste des premiers avertissements contre les internautes qui téléchargent des fichiers illégalement, Frédéric Mitterrand est plus que jamais effacé.

*** Liens

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