Comment Nicolas Sarkozy a voulu se débarrasser de Christine Boutin en la propulsant à la tête du conseil général des Yvelines

Le Canard enchaîné · 27 mai 2009 à 20:11

Boutin, hors du gouvernement

La manoeuvre a échoué de peu. C'est le Canard Enchaîné qui le raconte dans son édition du 27 mai 2009 : Nicolas Sarkozy a tout fait pour faciliter l'élection de Christine Boutin à la présidence du conseil général des Yvelines, suite à la condamnation de Pierre Bédier, actuel occupant du poste, pour corruption passive. La place laissée vacante était une aubaine pour le chef de l'Etat qui souhaite le départ de sa ministre du logement. Mais les conseillers généraux UMP du 78 en ont décidé autrement.


Explications.

Le départ de Christine Boutin du gouvernement

A chaque annonce de remaniement, Christine Boutin est donnée partante du gouvernement. Nicolas Sarkozy entretient des relations compliquées avec sa ministre du logement, qui l'exaspère très régulièrement. Dès décembre 2007, on évoquait son départ. En janvier 2009, lorsque Brice Hortefeux a remplacé Xavier Bertrand, le président de la République a renoncé à remplacer sa ministre du logement mais lui a retiré le portefeuille de la ville en plaçant Fadela Amara, secrétaire d'Etat à la politique de la ville, sous l'autorité de Brice Hortefeux. Les deux femmes ne s'entendaient et Nicolas Sarkozy voulait mettre un terme à leur querelle.
A l'approche du remaniement qui doit intervenir après les élections européennes, la rumeur du départ de Christine Boutin a donc refait surface. Et tout avait été prévu pour lui trouver une porte de sortie honorable en la propulsant à tête du conseil général des Yvelines.

La présidence du conseil général des Yvelines : une porte de sortie honorable

Dans son édition du 27 mai, Le Canard Enchaîné raconte que le président de la République a voulu profiter de la condamnation de Pierre Bédier, actuel président du conseil général des Yvelines, à une peine d'inéligibilité de 6 ans pour y placer Christine Boutin, donnée partante du gouvernement. Tout se passe le 20 mai 2009 : "La condamnation pour corruption passive du président du conseil général des Yvelines, l'UMP Pierre Bédier, vient d'être confirmée par la Cour de cassation. Normalement, une telle démarche met plusieurs semaines voire plusieurs mois, à être transmise aux autorités. Mais une moto arrive en trombe au Palais de Justice de Paris. Sur ordre de l'Elysée, la préfète de Versailles, Anne Boquet, a chargé le motard de récupérer fissa l'arrêt qui rend définitive la peine de 18 mois de prison avec sursis et de 6 ans d'inéligibilité. Dès la fin de l'après-midi, le précieux document se retrouve sur la table de la préfète. Elle signe aussitôt un arrêté déclarant Bédier démissionnaire d'office. Record absolu de célérité".

Le poste étant vacant, Christine Boutin peut alors espérer le récupérer au lendemain du remaniement.

Canard Enchaîné - Boutin hors du gouvernement

Les conseillers généraux de l'UMP ont rejeté l'arrivée de Boutin

Mais la tentative a échoué à cause des conseillers généraux de l'UMP. Anticipant la condamnation, Pierre Bédier pensait pouvoir disposer de plusieurs semaines pour installer un proche à la tête du conseiller général. Or, cinq jours après sa condamnation, le Canard Enchaîné raconte que l'équipe de Christine Boutin a pris possession des bureaux du conseil général en demandant aux collaborateurs de Pierre Bédier de quitter les lieux. Face à ce qu'il considère comme une humiliation, Bédier a alors convoqué le soir même les élus du groupe UMP du conseil général des Yvelines en leur demandant de désigner leur candidat à la présidence. Avec 24 voix pour et 2 bulletins blancs, le proche de Pierre Bédier a été choisi. Faute du soutien du groupe UMP, Christine Boutin ne peut plus prétendre au poste de présidente du conseil général des Yvelines.

Que faire de Christine Boutin ?

La manoeuvre a donc échoué et complique un peu plus la tâche du président de la République qui souhaite se débarrasser de Christine Boutin tout en lui trouvant une porte de sortie acceptable afin qu'elle n'exerce pas sa capacité de nuisance dans les médias, une fois qu'elle sera sortie du gouvernement. Car c'est là toute la force de la ministre du logement : comme pour Michèle Alliot-Marie, Nicolas Sarkozy l'a nommée pour éviter qu'elle pénalise le gouvernement dans des prises de parole incontrôlées dans les médias. Forte tête, en décalage avec la majorité sur certains sujets (sur l'avortement notamment), sa présence au gouvernement est l'assurance d'une certaine tranquillité pour le chef de l'Etat. S'il veut l'exfiltrer de son ministère, il faudra donc qu'il trouve une autre solution que la présidence du conseil général des Yvelines. Faute de solution, Christine Boutin peut légitiment espérer rester dans l'exécutif.

Commentaires