Revue de presse · 8 avr. 2009 à 18:35
Les deux hommes sont de droite et ont pour point commun de ne pas être sarkozystes. L'ancien Premier ministre, Dominique de Villepin, multiplie les propos critiques à l'égard du président de la République depuis 2 ans. Le président du MoDem a construit sa popularité en s'opposant à Nicolas Sarkozy. Un rapprochement des deux hommes constituerait une force d'opposition à droite de premier plan. Il a suffi d'un confidentiel du Point, suivi d'une interview de François Bayrou au journal Le Monde pour que la rumeur d'un rapprochement entre les deux hommes gagne en crédibilité.
Cette alliance apparaît hautement improbable pour des raisons idéologiques et stratégiques mais la rumeur a pris de l'ampleur. A qui profite-t-elle ?
Dans son édition du 02 avril 2009, le Point laisse entendre que François Bayrou chercherait à former un groupe parlementaire à l'Assemblée avec des déçus de la majorité présidentielle, à commencer par les villepenistes :
"Ce n'est pas encore une alliance, mais l'amorce d'un rapprochement. Depuis quelques semaines, François Bayrou et Dominique de Villepin se parlent, échangent des idées, confrontent leurs analyses du sarkozysme en temps de crise. "Villepin ? Je le verrais volontiers", s'amuse le président du MoDem, feignant de démentir ce que l'Élysée observe déjà comme une conspiration. "Ils ont un intérêt objectif et des jugements similaires", résume Marielle de Sarnez, premier lieutenant de Bayrou. Unis par leur hostilité au chef de l'État - qui la leur rend bien -, ils ont évoqué la création (imaginée par Bayrou) d'un groupe parlementaire rassemblant leurs partisans et d'autres élus en rupture avec l'UMP, sur le modèle de République et liberté, le groupe formé par Jean Royer de 1993 à 1997 où voisinaient Jean-Pierre Soisson, Bernard Tapie et Christiane Taubira. Mais l'arithmétique est cruelle : Bayrou ne compte que 3 députés (dont lui-même) et les villepinistes sont à peine 5 à l'Assemblée. Or, il en faut 20 pour faire un groupe. Même avec quelques non-inscrits, le chef du MoDem devra séduire des centristes de la majorité - ceux qui, justement, ont rompu avec lui..."
En lisant ce confidentiel, on comprend aisément que le président du MoDem n'a rien fait pour démentir cette rumeur. Le Monde va alors prendre le relais.
Dans son édition datée 5 et 6 avril 2009, Le Monde publie une interview de François Bayrou. Le président du MoDem contredit le confidentiel du Point en affirmant qu'il n'a pas eu de contact avec Dominique de Villepin depuis deux ans. Le Point affirmait qu'ils se parlaient, qu'ils échangeaient des idées et qu'ils confrontaient leurs analyses. Il n'en est rien. En revanche, il confirme qu'il souhaite constituer un groupe parlementaire avec des élus de droite :
"Y a-t-il, entre vous et Dominique de Villepin, suffisamment de convergences pour engager un dialogue ?
J'entends bien cette rumeur. Je n'ai pas eu de contact avec Dominique de Villepin depuis deux ans. Mais je parlerai volontiers avec lui. Le jour où l'on voudra construire une politique différente en France, il faudra qu'acceptent de travailler ensemble des courants républicains différents, démocrates, socialistes, gaullistes. Il y a une communauté républicaine en France : un jour, si les choses deviennent graves, elle devra se rassembler.
Allez-vous constituer un groupe à l'Assemblée, réunissant des élus venus de divers horizons ?
Si cela devient possible, un jour j'en serai heureux."
Après le confidentiel du Point et l'interview du week-end, Le Monde en remet une couche dans son édition datée du 09 avril 2009 :
"Villepin-Bayrou, même combat ? Le dialogue entre les deux hommes a commencé par médias interposés. " Je n'ai pas eu de contacts avec Dominique de Villepin depuis deux ans. Mais je parlerai volontiers avec lui. Le jour où l'on voudra construire une politique différente en France, il faudra qu'acceptent de travailler ensemble des courants républicains différents, démocrates, socialistes, gaullistes ", déclarait François Bayrou dans son entretien au Monde daté 5-6 avril. Lundi, sur Canal +, l'ancien premier ministre lui renvoyait la politesse. Affirmant partager avec le président du Mouvement démocrate (MoDem) " un certain nombre de valeurs communes ", il indiquait qu'il le verrait avec " beaucoup de plaisir ".
Officiellement, aucun rendez-vous n'a encore été fixé. Mais, au-delà de la rencontre permettant d'échanger des points de vue, un rapprochement plus formel est-il pensable ? Jusqu'à envisager, par exemple, de former un groupe autonome à l'Assemblée nationale. " Pour l'instant, on n'y est pas ", reconnaît M. Bayrou. Les députés proches de M. de Villepin ne l'imaginent pas plus".
Cette fois-ci, le journal démontre que l'alliance entre les deux hommes est loin d'être gagnée.
Difficile de savoir qui a lancé la rumeur d'une alliance entre les deux hommes. On peut simplement noter que le confidentiel du Point arrange François Bayrou qui peut ainsi sortir de son isolement médiatique de ces dernières semaines. Le président du MoDem s'est fait voler la vedette par Ségolène Royal dans les médias, il n'a plus le monopole de la critique sur la mainmise du pouvoir sur la presse et la télévision. Enfin, ses combats personnels, notamment contre le montant des indemnités versées par l'Etat à Bernard Tapie, n'ont pas eu les retombées médiatiques escomptées. La rumeur d'une alliance avec Dominique de Villepin a au moins le mérite de relancer l'intérêt sur la trajectoire politique du président du MoDem.
Pourtant, au moins trois raisons rendent cette alliance improbable :
- Depuis plus de deux ans, François Bayrou a basculé à gauche de l'échiquier politique en siphonnant une partie des voix du Parti Socialiste. Sans cette rupture avec le centre-droit, il n'aurait jamais pu obtenir près de 7 millions de voix à la présidentielle de 2007. On voit mal le président du MoDem faire machine-arrière et s'allier avec les déçus de l'UMP.
- Très critique à l'encontre de Nicolas Sarkozy, Dominique de Villepin n'en reste pas moins attaché à sa famille politique. Bras droit de Jacques Chirac pendant des années, figure emblématique des gaullistes de l'UMP, Dominique de Villepin est un homme de droite et n'a jamais cultivé l'ambiguïté de François Bayrou à l'égard de la gauche.
- Enfin, François Bayrou n'a qu'un seul objectif : la présidentielle. Dans sa marche solitaire vers l'Elysée, le président du MoDem n'a jamais réussi à rassembler des responsables politiques de premier plan autour de lui. Depuis 2002, il a perdu un à un ses principaux soutiens et a montré une incapacité à cohabiter au sein d'un même mouvement avec des personnalités politiques de premier plan. François Bayrou ne supporte pas la concurrence et garde la mainmise sur le MoDem. Construire une alliance avec Dominique de Villepin, ce serait en quelque sorte faire entrer le loup dans la bergerie et instaurer une compétition pour la candidature à la présidentielle. Inconcevable.
Pour ces trois raisons, l'alliance entre François Bayrou et Dominique de Villepin apparaît hautement improbable. Mais la rumeur n'est pas pour déplaire aux deux hommes afin de continuer à exister médiatiquement et à s'afficher comme des opposants sérieux au chef de l'Etat.
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Vidéo : Notre interview de Dominique de Villepin
