L'affaire Clearstream, c'est au départ plus de 230 personnalités qui sont accusées à tort d'avoir des comptes occultes dans une société de paiement luxembourgeoise, Clearstream. Parmi les personnalités accusées figure celle de Nicolas Sarkozy. Mis au courant très rapidement de cette affaire, Dominique de Villepin va jouer un rôle ambigu au point que certains magistrats le soupçonnent de complicité de dénonciation calomnieuse. Cette affaire est complexe : qui a fait quoi ? Dans quel but ? Qui manipule qui ?
Deux individus vont fabriquer un faux listing de noms de personnalités
qui posséderaient des comptes en banque à l'étranger, dans
une société luxembourgeoise appelée Clearstream. Ces comptes
bancaires auraient été alimentés par de l'argent sale provenant
d'affaires de corruption. En réalité, tout ceci n'est qu'un coup
monté, l'objectif de ces faux listings étant de nuire aux personnes
dont le nom apparaît dans la liste.
L'affaire politique débute en janvier 2004 lorsque celui qui a créé
le faux listing contacte Dominique de Villepin, alors ministre des affaires étrangères,
pour lui annoncer la présence du nom de Nicolas Sarkozy sur cette liste.
Dominique de Villepin va alors avoir un rôle ambigu. Il va ordonner une
enquête secrète pour vérifier l'authenticité de cette
liste mais il va faire traîner l'affaire pendant plusieurs mois alors que
très rapidement, la première enquête ordonnée par lui
va montrer que tout est faux.
On soupçonne donc Dominique de Villepin et Jacques Chirac d'avoir voulu
nuire à Nicolas Sarkozy dans un contexte politique tendu puisque Nicolas
Sarkozy était sur le point de s'emparer de l'UMP au mois de novembre 2004.
Ces listings ont pour but de tuer politiquement Nicolas Sarkozy. On veut montrer
qu'il aurait touché des pots de vin.
Au début de l'année 2004, Dominique de Villepin, ministre des affaires
étrangères à l'époque, apprend que le nom de Nicolas
Sarkozy figurerait sur un listing répertoriant des comptes bancaires occultes.
Suite à ces informations, il décide de confier une enquête
secrète à un militaire, le général Rondot. Ce dernier
est un militaire en fin de carrière qui rêve d'un exploit, arrêter
Ben Laden. C'est un grand spécialiste du terrorisme international dont
le travail de renseignement a permis d'arrêter un grand nombre de terroristes.
Il est choisi par Dominique de Villepin pour sa discrétion.
Le but de la mission qui lui est confiée est de vérifier l'authenticité
de ces comptes Clearstream. Dominique de Villepin fait comprendre à Rondot
qu'il agit sous les ordres de Jacques Chirac. En janvier 2004, le militaire débute
donc son enquête secrète.
Très rapidement, le général Rondot découvre que tout
est bidon. L'affaire aurait donc pu s'arrêter là. Mais entre temps,
Dominique de Villepin, qui est devenu ministre de l'Intérieur, va lancer
une deuxième enquête en demandant aux services secrets, à
la DST, de s'occuper de cette affaire et de vérifier l'authenticité
de ces comptes. Autrement dit, alors que Rondot lui a dit que c'était une
manipulation, Dominique de Villepin va ordonner une nouvelle enquête.
On reproche donc à Dominique de Villepin d'avoir voulu exploiter cette
affaire contre un adversaire politique en laissant planer le doute et en lançant
plusieurs enquêtes alors qu'il a su très tôt que tout était
faux.
Les juges soupçonnent Dominique de Villepin d'avoir cherché à
nuire à Nicolas Sarkozy. La base de cette enquête repose sur des
faits de dénonciation calomnieuse. Mais, pour la justice, si la personne
accusée ne savait pas au moment des faits que les informations étaient
fausses, il n'y a pas de négociations calomnieuses. Aujourd'hui, on n'a
aucune preuve qui montre que Dominique de Villepin savait dès le départ
que tout était faux. Tout le nœud de l'affaire politique se situe
là. Si le ministre des affaires étrangères de l'époque
savait que tout était faux, alors il pourrait être mis en examen
pour complicité de dénonciation calomnieuse.
Pour l'instant, Dominique de Villepin se considère lui-même comme
victime car il rejette en bloc des accusations et jure qu'il n'a jamais voulu
nuire à qui que ce soit. Mais son comportement n'est pas clair. Villepin
n'est pas passé par les services officiels. Il a demandé à
un militaire de faire une enquête secrète, puis il a demandé
à la DST d'enquêter, sans le dire.
Par conséquent, l'attitude de Dominique de Villepin est suspicieuse car,
en ouvrant plusieurs enquêtes officieuses, il aurait cherché à
entretenir le doute sur l'intégrité politique de Nicolas Sarkozy.
S'il avait ordonné une enquête officielle et prévenu tout
de suite Nicolas Sarkozy, on ne lui aurait rien reproché et en quelques
semaines, les enquêteurs auraient démontré que l'affaire Clearstream
est une manipulation. Mais ça n'a pas été le cas, et l'affaire
a traîné en longueur pour tenter de nuire à Nicolas Sarkozy.
Ce dernier aurait d'ailleurs été tenu au courant assez rapidement
mais aurait feint de ne pas savoir pour tenter d'exploiter au mieux cette affaire
politique et apparaître comme une victime.
Pour le moment, les preuves sont insuffisantes, on ne sait pas encore vraiment
qui est à l'origine de cette manipulation et quel est le degré d'implication
de Dominique de Villepin et de Jacques Chirac. Ce dernier a d'ailleurs déclaré
qu'il refuserait de se rendre à une convocation des juges sous prétexte
que les faits se sont déroulés quand il était président
de la République.
Après l'ouverture d'une information judiciaire pour dénonciation
calomnieuse par Nicolas Sarkozy, les enquêteurs ont perquisitionné
le domicile du général Rondot. Dans un premier temps, ils ont trouvé
des notes indiquant l'implication de Dominique de Villepin. Ce dernier aurait
rencontré le général Rondot lors d'un rendez-vous en janvier
2004. Mais cette semaine, l'affaire a de nouveau rebondi. La police scientifique
a analysé le PC du général Rondot et réussi à
récupérer des fichiers effacés du disque dur. Dans ces fichiers,
le général Rondot écrit que Dominique de Villepin lui aurait
demandé d'aller voir un juge à propos de cette affaire.
Selon les premiers éléments de l'enquête, on aurait retrouvé
sur le PC du général Rondot une note indiquant que Villepin et Chirac
auraient demandé à celui qui a créé les faux listings
de balancer à la justice Nicolas Sarkozy pour lui nuire.
Jean-Louis Gergorin était vice-président d'EADS, spécialiste
de l'armement et de la géo-stratégie. Au départ de l'affaire,
il y a la mort de Jean-Luc Lagardère. Le vice-président d'EADS pense
que Jean-Luc Lagardère a été assassiné par les russes
pour s'emparer d'EADS. Il est convaincu que son ancien patron a été
empoisonné. Jean-Luc Lagardère est mort à la suite de complication
lors d'une intervention chirurgicale mais Gergorin est persuadé qu'il a
été assassiné par la mafia russe. Lorsqu'il évoque
à ses supérieurs ses suspicions et le fait qu'il soit persuadé
que les russes veulent s'emparer d'EADS, il n'est pas pris au sérieux.
Dès lors, à l'aide de la complicité d'un très bon
informaticien, Imad Lahoud, il aurait eu l'idée de fabriquer un faux listing
pour alerter les hauts responsables et étayer sa thèse d'un gigantesque
complot.
Informaticien d'origine libanaise, Imad Lahoud rêve de devenir un espion
et a quelques contacts avec les sphères du pouvoir. C'est lui qui aurait
eu le listing entre les mains dès 2003 et qui l'aurait falsifié
en rajoutant des noms. Tous les noms n'ont pas été ajoutés
d'un coup. Ils ont été rajoutés progressivement en fonction
des personnalités rencontrées pour attirer l'attention. En présentant
à des industriels, à des hommes politiques un listing où
apparaissent le nom de leurs ennemis, ils prennent l'affaire beaucoup plus au
sérieux et sont mieux à même d'écouter ce que Jean-Louis
Gergorin a à leur dire.
Cette affaire est donc tout à fait rocambolesque. A l'origine, il existait
de vrais listings Clearstream qui circulaient mais ils n'avaient aucun intérêt.
C'est seulement dans un second temps que des noms ont été rajoutés.
On estime que plusieurs personnes ont eu entre les mains le CD-Rom avec ces faux
listings et chacun a rajouté un nom, celui de son ennemi, dans cette liste.
On ne peut comprendre l'affaire Clearstream que si l'on revient sur une autre affaire,
qui est liée, celle de la vente des frégates à Taïwan.
C'est le juge Renaud Van Ruymbeck qui enquête sur cette affaire de corruption.
L'Etat français a vendu des frégates à Taïwan, plusieurs
intermédiaires ont participé aux négociations et auraient
reçu des rétro-commissions une fois l'affaire conclue. En clair,
des intermédiaires auraient perçu d'importantes sommes d'argent
pour financer des activités inavouables en France en échange de
leur travail de lobbying à Taïwan pour vendre les frégates.
On est donc dans un cas avéré de corruption et le montant de ces
sommes est considérable. Il s'agit d'une centaine de millions de dollars
détournés.
L'Etat a tout fait pour entraver l'enquête du juge pour éviter de
mettre en cause de hautes personnalités. Dès que le juge souhaitait
obtenir des informations, on lui invoquait le secret défense. Son enquête
n'a donc pas avancé jusqu'au jour où il a reçu des lettres
anonymes lui stipulant qu'il existait un listing avec des noms d'hommes politiques
et des numéros de compte bancaire. Ces courriers laissaient entendre que
ces comptes bancaires auraient été alimentés par les rétro-commissions
des frégates de Taïwan. Pour faire simple, des hommes politiques auraient
reçu des sommes d'argent au lendemain de l'accord de vente conclue entre
la France et Taïwan.
Cette personne qui envoie les lettres anonymes ne veut pas témoigner à
visage découvert. Il s'agit de Jean-Louis Gergorin. Très vite, le
juge va s'apercevoir que ces listings sont des faux et qu'on a cherché
à le manipuler. Jean-Louis Gergorin espérait que le juge convoque
tous les industriels et les hommes politiques présents sur ces listings
pour que l'affaire de corruption éclate dans les médias et éclabousse
toutes ces personnalités.
L'affaire Clearstream est donc l'histoire d'une instrumentalisation de la justice,
dans un premier temps pour pousser la justice et les responsables politiques à
enquêter sur la mort de Jean-Luc Lagardère, puis la manipulation
va prendre une dimension politique en essayant de nuire à un certain nombre
de personnalités à commencer par Nicolas Sarkozy.
*** Sources
- Jean-Marie Pontaut, Règlement de comptes pour l'Elysée : La manipulation
Clearstream dévoilée, Oh ! éditions, Juin 2006
- Airy Routier, Le complot des paranos, Albin Michel, Juin 2006
- Emission C dans l'air, « Perquisition chez Villepin », France 5,
Jeudi 5 juillet 2007