Raymond Soubie, portrait du conseiller social de Nicolas Sarkozy

Enquête · 10 mar. 2009 à 23:25

Raymond Soubie

Tous les matins, à 8h30, se tient une réunion dans le salon vert, à l'Elysée, autour de Nicolas Sarkozy. C'est la réunion la plus importante de la journée, là où se prennent toutes les décisions. Nicolas Sarkozy y définit la stratégie du pouvoir à l'aide de douze conseillers. C'est le gouvernement bis. Autour de la table, on trouve Claude Guéant, le secrétaire général de l'Elysée, Henri Guaino, la plume du président, Catherine Pégard, l'ancienne rédactrice en chef du Point, conseillère politique, Emmanuelle Mignon, la conseillère spéciale, Jean-David Levitte, conseiller diplomatique, Cédric Goubet, chef de cabinet, Raymond Soubie, conseiller social, Jérôme Peyrat, conseiller politique, Patrick Ouart, conseiller à la justice et Franck Louvrier, conseiller en communication. Il y avait également François Pérol, remplacé depuis deux semaines par Xavier Musca. Certains s'expriment dans les médias, d'autres restent dans l'ombre. Tous ont la confiance du président. Portraits de ce gouvernement de l'ombre.


Série 1/12 : Raymond Soubie, le sage du président

Elysée, la réunion de 8h30

Origines et formation

Raymond Soubie est né le 23 octobre 1940 à Talence en Gironde. Une bombe anglaise explose sur la maternité juste après sa naissance : il perd son bras, ce qui lui vaut jusqu'à l'âge de vingt ans une quinzaine d'opérations afin d'ajuster sa prothèse. Il dira que cet handicap lui aura permis de prendre du recul et de relativiser les situations de crise.
Les Soubie sont des républicains laïcs de gauche. Son grand-père, Edmond Costedoat, est adjoint du maire socialiste de Bordeaux. En 1933, quand le maire, Adrien Marquet, fait scission pour créer le néosocialisme, avant de se compromettre dans le gouvernement de Vichy, Edmond Costedoat continue de résister à l'ennemi. A Bordeaux, une rue porte son nom et l'homme demeure le modèle héroïque de la famille.
Les parents de Raymond Soubie sont des intellectuels : son père est professeur de physique au lycée de Bordeaux, sa mère conservatrice de la bibliothèque de l'université de la ville. Raymond Soubie commence par faire des études de droit puis intègre l'École nationale de l'administration. En mai 1968, il ne se mêle pas à la révolte des étudiants bien au contraire, il est nommé négociateur par le préfet de Lyon pour ramener le calme.
Après ses études, il entre au cabinet du ministre du Travail Joseph Fontanet en 1969 dans le gouvernement de Georges Pompidou. Quand le ministre quitte son poste, Raymond Soubie le suit au ministère de l'Éducation nationale. Hormis les affaires sociales, la véritable passion de Raymond Soubie, c'est la musique lyrique. Il préside l'Opéra national de Paris entre 1987 et 1998 puis le Théâtre des Champs-Élysée depuis 1981.

Conseiller social depuis 1975

A partir de 1975, Raymond Soubie devient conseiller social, poste qu'il obtient quand Jacques Chirac est nommé Premier ministre et qu'il conserve jusqu'à l'arrivée au pouvoir de la gauche où il change alors de cap. Il prend la direction d'un groupe de presse : Liaisons. En 1990, fort de son expérience, il tente de s'emparer de la direction du Monde avec Jean-Marie Colombani et Edwy Plenel mais échoue au profit d'André Fontaine. Raymond Soubie fonde alors un cabinet de conseil en ressources humaines (Altedia), coté en Bourse. Cette entreprise de conseil vise à accompagner les plans sociaux. Soubie fait fortune en revendant en 2005 son entreprise qui compte près de 600 salariés pour 115 millions d'euros, à Adecco, numéro un du travail temporaire et empoche plus de 60 millions d'euros. Il crée une holding avec sa femme, Danielle Deruy, ce qui lui permet de détenir 30% de l'agence de presse sur Internet AEF.
Toutefois, même loin de Matignon, Raymond Soubie continue à conseiller les politiques, notamment dans le domaine social, sa spécialité. En 1993, il est nommé à la Commission nationale d'évaluation de la situation sociale, économique et financière mise en place par le Premier ministre Édouard Balladur. Pendant six ans, il est membre du Conseil supérieur de l'emploi, des revenus et des coûts. Enfin, au moment de la réforme des retraites sous Jean-Pierre Raffarin, il est chargé de conseiller le gouvernement dans son projet.

Un homme d'expérience au côté de Nicolas Sarkozy

Depuis les années 1970, Raymond Soubie est conseiller social. Il sait dialoguer aussi bien avec les patrons que les syndicats au point que l'ancien leader FO, André Bergeron, le surnomme « Raymond la science ». Très apprécié des différents partenaires sociaux, Soubie connaît parfaitement les arcanes de la protection sociale.
Quand Nicolas Sarkozy est élu président de la République, il propose aussitôt un poste de conseiller social à Raymond Soubie. Celui-ci hésite quelque temps préférant avoir une mission à accomplir au sein de l'Elysée. Finalement il accepte y voyant une manière de se renouveler. Son objectif est de moderniser le modèle social français en collaboration avec Xavier Bertrand, Christian Charpy et Laurent Wauquiez tous trois chargés de la lutte contre le chômage.
Sa tache s'avère difficile puisqu'il ne partage pas un certain nombre de valeurs avec le président de la République. Pour lui, toute réforme doit se faire en négociation avec les partenaires sociaux. Ainsi, comme le rappelle Le Nouvel observateur, Raymond Soubie s'est toujours opposé à la proposition de Nicolas Sarkozy à propos du service minimum en cas de grève dans les transports publics ou au « contrat de travail unique ». Le conseiller préfère passer par la négociation plutôt que par la loi. Raymond Soubie s'est opposé, en vain, au Revenu de solidarité active de Martin Hirsch, estimant que cette solution pouvait mener au développement de temps partiels. Il a mené également à bien la réforme du marché du travail, de la représentativité syndicale ainsi que la fusion ANPE- Assedic.
Alors que les partenaires sociaux se montrent plutôt satisfaits de son travail auprès de Nicolas Sarkozy, le Premier ministre se montre plus sévère estimant (selon Le Canard enchaîné du 25 février 2009) que le conseiller se perd en bavardages inutiles au lieu d'agir et de mettre en oeuvre les réformes promises.

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