Les 26 milliards du plan de relance ont effacé le hold-up de 600 millions d'euros des caisses des chômeurs et des handicapés

Dépêches ignorées · 22 jan. 2009 à 19:41

Chômeurs et Handicapés

La bataille de chiffres n'a jamais été gagnée par les politiques. Trop compliqué les chiffres, et puis surtout invérifiables. Et la presse, de toute façon, elle se trompe tout le temps. Même le ministère des Finances se fait régulièrement redresser les bretelles par la Cour des comptes pour des déficits sous-estimés. Alors un chiffre publié dans la presse, qui n'a pas été repris par les autres journaux, il tombe vite dans l'oubli. Si ce chiffre est éclipsé par un autre, un peu plus élevé, plus marquant, il devient alors totalement anachronique de le rappeler. C'est le cas du petit hold-up effectué par le gouvernement dans les caisses des chômeurs et des handicapés en octobre 2008. C'était juste avant le gros de la crise, deux mois avant l'annonce du plan de relance de 26 milliards d'euros. L'information, sortie par le Canard Enchaîné le 8 octobre 2008, n'a été reprise que par le nouvel hebdomadaire Vendredi. Quelques blogs s'en sont faits l'écho, mais aucun journal ou site d'information n'a cru bon de devoir se pencher sur ce chiffre.

Symboliquement, cette information sous le titre "En pleine crise, le gouvernement siphonne 600 millions d'euros des caisses des chômeurs et des handicapés" était notre première Dépêche Politique Ignorée. Grâce à Vendredi, elle a dégringolé à la 3ème place (battue par les "lois non appliquées" et le "multirécidiviste imaginaire") dans notre 4ème baromètre DPI/Politique.net. (Pour ceux qui ont du mal à suivre, voir notre article "Pourquoi avons-nous lancé un baromètre des Dépêches Politiques Ignorées ?")


Aujourd'hui, cette information du Canard Enchaîné est datée et n'a plus aucune chance de ressortir. Alors, quatre mois après sa publication, essayons de comprendre pourquoi le buzz n'a pas eu lieu.

1. UNEDIC, ANPE : comment expliquer ce qu'est un organisme paritaire ?

L'information n'a pas pris d'abord parce qu'elle nécessite un minimum d'explication. Or, pour un buzz, il faut un message clair, simple : un acteur, un scandale, un chiffre, et une vidéo, si possible. Une information simple circule plus facilement. C'est la règle. Ici, ce n'est pas le cas.
Résumons : L'UNEDIC et l'ANPE ont fusionné en début d'année pour devenir le POLE EMPLOI. L'ANPE est une administration qui appartient à l'Etat, l'UNEDIC est un organisme paritaire (géré par les partenaires sociaux et financé par les cotisations chômage payées par les salariés). Ce sont donc deux structures très différentes et l'argent de l'UNEDIC n'est pas de l'argent public, il n'appartient pas à l'Etat.
A l'origine, l'UNEDIC devait débourser 8% de son budget pour financer la création du Pôle Emploi. Or, selon le Canard Enchaîné, le ministère a décidé arbitrairement d'augmenter la part de cofinancement à 10%. L'UNEDIC a donc dû payer 400 millions d'euros de plus. Pour résumer, l'Etat a pris dans la caisse des chômeurs 400 millions d'euros, en toute discrétion, puisque le citoyen lambda ne sait pas faire la différence entre un organisme paritaire et une administration d'Etat.

2. AGEFIPH, PEREQUATION : des mots barbares

L'Etat a également récupéré près de 168 millions d'euros à l'Agefiph, fonds d'aide pour l'insertion professionnelle des handicapés, et au Fonds unique de Péréquation. Comme tout le monde ignore l'existence de ces organismes, l'économie est faite sans difficulté. Ainsi, l'Etat a amputé de 10% le budget prévisionnel 2008-2010 d'un fonds destiné à l'insertion professionnelle des handicapés. 50 millions d'euros ont ainsi été économisés.
Quant aux "fonds unique de péréquation", créé sous Pompidou, il s'agit d'une caisse qui aide les chômeurs qui doivent se reconvertir en leur finançant une formation. Sans raison, l'Etat a récupéré 118 millions d'euros pour ces caisses.
Cette double économie ne pouvait faire la Une des journaux. AGEFIPH, PEREQUATION, ce sont des mots barbares. Or, le buzz nécessite un langage commun, une compréhension instantanée.

3. 26 milliards d'euros contre 600 millions d'euros : les chômeurs et les handicapés battus par KO

Comme nous l'avons vu, l'information, trop complexe, avait donc peu de chance d'être relayée. Mais depuis l'annonce du plan de relance de 26 milliards d'euros le 4 décembre 2008, les 600 millions d'euros siphonnés par l'Etat dans les caisses des chômeurs et des handicapés font pâle figure. C'est une broutille par rapport aux pertes des banques, par rapport au déficit budgétaire, par rapport aux aides débloquées par l'Etat aux PME, à l'industrie automobile. Les 600 millions d'euros du mois d'octobre 2008 ont perdu de leur sens. Médiatiquement, le chiffre le plus gros l'emporte.

4. Une information non reprise est secondaire ou peu crédible

Le temps est le dernier élément clé de la réussite d'un buzz. Une vidéo-buzz, si elle ne décolle pas au bout de 24 heures, n'aura plus aucune chance d'être visualisée en masse par la suite. Il en est de même d'une information. Le temps joue contre elle. Car si elle n'a pas été reprise, c'est qu'il y a bien une raison, pense-t-on.

Deux possibilités :
- elle n'est pas importante. Dans le flux continu d'informations, les journalistes doivent faire le tri. Cette information n'a pas circulé, elle n'est donc pas essentielle.
- le chiffre doit être faux. Si l'information n'a pas été reprise, c'est certainement parce qu'elle est peu fiable. L'estimation est inexacte, l'addition de ces économies réalisées par l'Etat est trop subjective. L'information n'a donc pas de valeur.



Ces quatre bonnes raisons expliquent que ce buzz n'a pas eu lieu, que cette information du Canard Enchaîné n'a pas eu la chance de devenir une dépêche d'agence. Mais alors, pourquoi diable continuer à la ressortir ? Ni croisade de notre part, ni volonté moralisatrice. C'est simplement la règle du jeu de notre baromètre des Dépêches Politiques Ignorées : repérer une information et ne plus la lâcher, comprendre pourquoi une dépêche est ignorée par les grands médias, volontairement ou involontairement. L'Etat a siphonné les caisses des chômeurs et des handicapés à hauteur de 600 000 millions d'euros, mais quasiment personne ne le sait.

Rappel du Baromètre des Dépêches Politiques Ignorées - n°04

1. Sur France 2, Rachida Dati invente un mineur multirécidiviste imaginaire
2. Depuis 2006, une nouvelle loi sur deux est inapplicable, faute de décrets d'application
3. Le gouvernement siphonne 600 millions d'euros des caisses des chômeurs et des handicapés
4. Taxe de 1,1% pour le RSA : l'Etat va récupérer 1 milliard d'euros pour ses caisses en 2009
5. Le Sénat gère une cagnotte de 1,5 milliard d'euros
6. Les salaires des collaborateurs de l'Elysée ont augmenté de 50% en deux ans
7. Le Parti Socialiste a des problèmes avec son fichier d'adhérents baptisé Rosam

Classé SANS SUITE
Déclaration de patrimoine : Jacques Chirac plus pauvre en 2007 qu'en 2002
Education nationale : les manipulations du ministère pour supprimer des postes de profs



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Principe du baromètre DPI/Politique.net : régulièrement, nous sélectionnons une information totalement ignorée par les grands médias et nous la rajoutons dans le classement des Dépêches Politiques Ignorées. Plus la DPI est ignorée, plus elle est haute dans le classement. Et à chaque fois que nous repérons une reprise de l'information, la DPI baisse d'un rang. Le choix des DPI est nécessairement subjectif, mais le classement ne l'est pas. Ce baromètre est aussi le votre, si vous repérez que l'une des informations du baromètre DPI/Politique.net a été reprise dans certains médias, faites-le nous savoir.

> Pourquoi avons-nous lancé un baromètre des Dépêches Politiques Ignorées ?

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