Adoption du RSA : les médias oublient encore d'évoquer que l'Etat va récupérer 1 milliard d'euros en 2009

Dépêches ignorées · 28 nov. 2008 à 23:14

Taxe RSA

Jeudi 27 novembre, le Parlement a définitivement adopté le projet de loi généralisant le Revenu de Solidarité Active. Le RSA permet de cumuler des aides sociales et un salaire afin d'inciter les personnes qui étaient jusqu'à présent bénéficiaires du RMI de trouver un emploi. Grâce à ce dispositif, chaque chômeur qui retrouvera une activité, même à temps partiel, pourra cumuler ce nouveau salaire avec les aides sociales qu'il touchait déjà. Le but est que la reprise d'emplois s'accompagne effectivement d'une hausse de salaire, ce qui n'était pas toujours le cas auparavant (le nouveau salaire compensait à peine la perte des aides).


Dépêches d'agence :
- Le Parlement vote la généralisation du RSA
- Vingt ans après la création du RMI, le Parlement va adopter jeudi le RSA

Dépêche Politique Ignorée :
- La face cachée de la taxe du RSA, ou comment l'Etat va récupérer 1 milliard d'euros

Les médias évoquent les critiques sur le financement du RSA...

Après les députés, les sénateurs ont adopté par 196 voix contre 26 le texte généralisant le RSA. Les sénateurs de droite ont voté pour, les socialistes et les radicaux se sont abstenus. Les communistes et les Verts se sont divisés, certains ont voté contre, d'autres se sont abstenus. Plusieurs dépêches d'agence (AFP et Reuters) ont annoncé la généralisation du RSA. A chaque fois, il est précisé que les députés de gauche qui se sont abstenus protestent contre le mode de financement du RSA : une taxe de 1,1% du capital des ménages (patrimoine, assurances vie). En taxant les assurances-vie, l'Etat va essentiellement taxer les 12 millions de Français qui en ont souscrit une, c'est-à-dire essentiellement la classe moyenne. En revanche, les plus riches en seront exemptés puisque la taxe sera incluse dans le bouclier fiscal. En clair, ceux qui payent déjà l'équivalent de 50% de leurs revenus au fisc n'auront pas cette taxe à payer.

... mais oublient encore de rappeler que l'Etat va récupérer 1 milliard d'euros pour ses caisses en 2009

Dans son édition du 3 septembre, le Canard Enchaîné révélait que l'Etat, sous couvert de financement du RSA, allait récupérer près d'un milliard d'euros. Et la démonstration était d'une simplicité confondante. La taxe de 1,1% sur les revenus du patrimoine sera applicable dès le 1er janvier 2009. Mais le RSA n'entrera en vigueur que six mois plus tard, le 1er juillet 2009. Ce décalage dans le temps est justifié par le gouvernement en raison des difficultés techniques de la suppression du RMI et de l'API au profit du RSA. Un temps d'adaptation s'avère donc nécessaire. Mais ce décalage n'est pas une opération neutre pour l'Etat : en 2009, l'Etat va taxer les foyers pendant un an, pour une allocation qui ne sera versée que six mois. Autrement dit, la taxe de 1,1% devrait rapporter 1,5 milliards d'euros en 2009, mais seulement 750 millions d'euros seront destinés au RSA, selon le Canard Enchaîné. L'Etat va aussi récupérer 250 millions d'euros sur la Prime Pour l'Emploi (PPE) qui est gelée pour l'année 2009, en raison de la mise en application du RSA. Au total, c'est bien près d'un milliard d'euros de récupérer.

Un silence inexplicable

Aucun média n'a repris l'information. A Politique.net, nous en avions fait un article dès le 4 septembre. A l'exception du magazine "Challenges" qui avait évoqué en juillet la volonté de l'Etat de faire des économies sur la Prime Pour l'Emploi, aucun journal n'avait précisé que le décalage entre l'application de la taxe et le versement du RSA allait permettre à l'Etat de faire des économies substantielles. Trois mois après les révélations du Canard Enchaîné, l'information est toujours classée 4ème dans notre dernier baromètre des Dépêches Politiques Ignorées.
Les médias étaient donc passés au travers en septembre, au moment de la présentation du projet en conseil des ministres, et ils viennent de récidiver au moment de son adoption. Pourquoi ce silence médiatique ? Alors que la presse évoque volontiers les critiques de la gauche sur cette taxe de 1,1%, aucun organe de presse n'a parlé de ce décalage entre l'application de la mesure et l'entrée en vigueur de la taxe. Ce silence assourdissant est tout simplement inexplicable. Sans nécessairement crier au loup, il est incompréhensible que les journalistes qui rédigent des articles sur le RSA oublient systématiquement cet aspect du sujet. A moins que le détournement de taxes censées financer des mesures particulières soit tellement courant qu'il n'est plus utile de le rappeler.

Rappel du Baromètre des Dépêches Politiques Ignorées - n°04

1. Sur France 2, Rachida Dati invente un mineur multirécidiviste imaginaire
2. Depuis 2006, une nouvelle loi sur deux est inapplicable, faute de décrets d'application
3. Le gouvernement siphonne 600 millions d'euros des caisses des chômeurs et des handicapés
4. Taxe de 1,1% pour le RSA : l'Etat va récupérer 1 milliard d'euros pour ses caisses en 2009
5. Le Sénat gère une cagnotte de 1,5 milliard d'euros
6. Les salaires des collaborateurs de l'Elysée ont augmenté de 50% en deux ans
7. Le Parti Socialiste a des problèmes avec son fichier d'adhérents baptisé Rosam


Classé SANS SUITE
Déclaration de patrimoine : Jacques Chirac plus pauvre en 2007 qu'en 2002
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