Le Canard Enchaîné en remet une couche sur la mort de Pierre Bérégovoy

Le Canard enchaîné · 6 août 2008 à 22:54

Suicide de Bérégovoye, Le Canard Enchaîné

Le 1er mai 1993, Pierre Bérégovoy se suicidait avec l'arme de son garde du corps, le long du canal de Nevers. L'ancien Premier ministre était dépressif depuis la déroute des socialistes aux dernières législatives de mars. Il avait également très mal supporté sa mise en cause dans une affaire présumée de corruption : en février 1993, le Canard Enchaîné avait révélé qu'il avait reçu un million de francs de la part d'un homme d'affaires pour acheter un appartement dans le 16ème arrondissement de Paris. Même s'il affirmait qu'il s'agissait d'un prêt qu'il comptait rembourser, le soupçon de corruption avait pesé sur ses épaules. Lors de son enterrement, le président de la République, François Mitterrand, avait rendu un vibrant hommage à son ancien Premier ministre en dénonçant l'acharnement de la presse et "l'honneur d'un homme livré aux chiens".


Quinze ans après, le Canard Enchaîné en remet une couche sur les raisons de ce suicide, dans son édition du 6 Août 2008.

L'affaire du prêt de 1 million de francs

En février 1993, le Canard Enchaîné avait révélé que le Premier ministre de l'époque, Pierre Bérégovoy, avait reçu un prêt d'un million de francs de la part de Patrice Pelat, homme d'affaires proche de François Mitterrand, pour l'achat d'un appartement dans le 16ème arrondissement de Paris. Ce prêt était sans intérêt et avait été accordé en 1986. En 1993, la moitié du prêt avait été remboursée sous la forme d'objets d'art et de meubles dont on ne connaissait ni la nature, ni la valeur. Le Canard Enchaîné avait aussitôt affirmé que ce prêt était en réalité une somme d'argent donnée par Patrice Pelat, déjà impliqué dans des affaires de corruption, en échange de quelques services rendus par Pierre Bérégovoy. Ce dernier avait démenti ces soupçons de corruption et le ministère de la Justice avait expliqué à l'époque que le prêt était tout à fait légal puisque contracté devant notaire.

D'autres largesses auraient été constatées

Quinze ans après sa mort, un livre fait de nouvelles révélations sur les circonstances du suicide de Pierre Bérégovoy. Dans l'ouvrage intitulé "Bérégovoy, le dernier secret", Jacques Follorou raconte que d'autres affaires étaient sur le point d'être découvertes quand Pierre Bérégovoy s'est suicidé. Le Canard Enchaîné détaille dans son édition du 6 Août 2008 les conclusions de cette enquête qualifiée par l'hebdomadaire de "remarquable".
Ainsi, deux mois avant sa mort, Pierre Bérégovoy aurait écrit deux lettres à son gendre dans lesquelles il annonçait vouloir mettre fin à ses jours. Selon le Canard Enchaîné, Pierre Bérégovoy se serait senti pris au piège et craignait que le juge Thierry Jean-Pierre ne découvre autre chose. Car d'après Jacques Follorou, l'homme d'affaire aurait aussi pris en charge les vacances du couple Bérégovoy entre 1982 et 1989. Il aurait également offert des billets d'avion. En outre, sur le compte de Pierre Bérégovoy ouvert à la BNP, 640 000 francs auraient été déposés en liquide entre 1984 et 1988 et plus d'un million de francs aurait été encaissé par chèques. Toutes ces sommes se seraient ajoutées aux retraites et salaires que percevait Pierre Bérégovoy. Mais il n'y a jamais eu d'enquête puisque le suicide de l'ancien Premier ministre a automatiquement clôturé l'instruction.

Quand le Canard récidive, quinze ans après le suicide de Bérégovoy

En reprenant les informations du livre de Jacques Follorou, Le Canard Enchaîné enfonce donc le clou. Au moment du suicide de Pierre Bérégovoy, Le Canard Enchaîné avait été montré du doigt pour avoir sorti l'affaire du prêt et multiplié les articles contre le Premier ministre. Certains avaient parlé d'acharnement. L'hebdomadaire s'était défendu d'avoir orchestré une cabale contre Pierre Bérégovoy et les journalistes avaient estimé avoir faire leur travail normalement.
Quinze ans plus tard, le livre de Jacques Follorou tombe donc à pic pour le Canard Enchaîné. Que l'hebdomadaire reprenne l'information, quoi de plus normal. En revanche, le style de l'article ne laisse planer aucun doute. Le conditionnel n'est pas utilisé : "Bérégovoy lui-même a multiplié les imprudences, et il le sait mieux que personne", "Pierre Bérégovoy est rongé par cette angoisse : que la justice découvre ces affaires d'argent le mettant en cause, lui, ainsi que des membres de sa famille. Son suicide l'en libéra".
Beaucoup de protagonistes sont décédés depuis cette affaire et aucune instruction n'a été menée jusqu'à son terme. En parler au conditionnel aurait donc été plus juste. Mais de toute évidence, le ton du Canard flirte avec le règlement de compte, quinze ans après avoir été mis en cause.

Bérégovoy et le Canard Enchaîné





*** Source
- « Bérégovoy ou le piège de l'argent », Le Canard Enchaîné, mercredi 6 Août 2008, page 2

*** Liens

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Politique.net : rétrospectives 2007 par le Canard Enchaîné

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