Pourquoi Ségolène Royal a-t-elle été condamnée par la justice ?

Revue de presse · 16 mai 2008 à 19:56

Ségolène Royal et la justice

Il a suffi d'un communiqué de l'UMP refusé par l'AFP pour que la polémique s'enclenche et n'en finit plus de rebondir. Le 10 avril 2008, Ségolène Royal est condamnée par la justice à payer 2 mois de salaire à deux anciennes collaboratrices. Dès le lendemain, l'UMP décide d'envoyer à l'AFP un communiqué contre Ségolène Royal afin de souligner le caractère répréhensible de son attitude. Mais l'Agence France Presse, qui avait déjà publié une dépêche relatant la condamnation de Ségolène Royal, a refusé de diffuser ce communiqué. Le 1er mai, l'UMP envoie un deuxième communiqué, qui sera encore une fois refusé par l'AFP. Entre alors en scène le porte-parole de l'UMP, Frédéric Lefèbvre. Dans une lettre ouverte, il demande des comptes au président de l'AFP, soupçonné de partialité. La bataille entre l'UMP et l'AFP est alors ouverte : l'UMP considère que l'AFP doit reprendre tous les communiqués, alors que l'AFP se défend d'être un diffuseur de communiqués et rappelle qu'elle assure un travail critique de journaliste. Le débat sur la liberté de la presse est donc lancé. Mais au fait, pourquoi Ségolène Royal a-t-elle été condamnée par la justice ?

Revue de presse du vendredi 16 mai 2008

- AFP : Ségolène Royal condamnée à verser leurs salaires à deux ex-collaboratrices
- L'Express : Royal va porter plainte contre Raffarin pour diffamation
- Arrêt sur Images (sur abonnement) : Et à propos, Royal est-elle vraiment une "délinquante sociale" ?

Une affaire qui remonte à plus de 10 ans

Sur le site d'Arrêt sur Images, Sophie Gindensperger retrace l'historique d'une affaire qui remonte à 1997, au moment où Jacques Chirac dissout l'Assemblée nationale. Selon la loi, tout député doit licencier ses collaborateurs avec un préavis de deux mois, même si le député est de nouveau candidat dans sa circonscription. D'un point de vue juridique, le collaborateur cesse aussitôt de travailler. Mais dans la pratique, les collaborateurs continuent de travailler pour le député sortant, sachant qu'en cas de réélection, il les reprendra avec lui. De fait, les collaborateurs travaillent pour le député, tout en touchant les deux mois de salaire de préavis.

Deux anciennes collaboratrices portent plainte

Pendant la campagne des municipales, comme le veut la tradition, les collaboratrices de Ségolène Royal travaillent pour elle en touchant leur préavis de deux mois. Pendant la campagne, pour éviter tout problème juridique, Ségolène Royal décide de les embaucher en CDD pour justifier leur travail, CDD aussitôt rejeté par l'URSAFF puisque les collaboratrices touchent déjà un préavis (impossible de cumuler puisqu'un même employeur ne peut pas fixer un préavis et embaucher les mêmes personnes en CDD).
Comme la députée des Deux-Sèvres est réélue, l'histoire aurait pu s'arrêter là. Les collaboratrices ont été ré-embauchées par la députée. Sauf que Ségolène Royal est aussitôt nommée ministre dans le gouvernement de Lionel Jospin. Une partie de ses collaborateurs la suivent au ministère, une autre partie reste à la permanence de son suppléant. Les deux collaboratrices qui ont porté plainte se sont mises à travailler avec le suppléant de Ségolène Royal, suppléant avec lequel elle se brouille.

La condamnation de Ségolène Royal

La séquence judiciaire débute en novembre 1998 : les ex-collaboratrices de Ségolène Royal (qui ne travaillent plus pour elle mais pour le nouveau député, suppléant de Royal) portent l'affaire devant les prudhommes. Elles réclament les deux mois de salaire que la ministre leur devrait pour le travail effectué pendant la campagne électorale. La ministre est condamnée une première fois en 1999 à verser les salaires de mai/juin, mais la justice considère qu'elle n'a pas à payer les salaires de juillet/août. Les ex-collaboratrices font deux fois appel pour obtenir les 4 mois : en 1999, puis en 2005. Entre-temps, les ex-collaboratrices ont également porté plainte au pénal pour "travail clandestin". Le feuilleton judiciaire touche à sa fin le 10 avril 2008 : Ségolène Royal doit payer les deux mois de salaire qu'elle aurait du verser. Elle a été condamnée pour "licenciement sans cause réelle", l'absence de rémunération étant considérée comme un licenciement effectif.

Une des plaignantes travaille pour... deux députés UMP

Ségolène Royal a décidé de se pourvoir en cassation et dénonce un acharnement judiciaire orchestré par deux collaboratrices, dont l'une a publié un livre sur l'affaire et travaille désormais... pour deux députés UMP selon Sophie Gindensperger, d'Arrêt sur Images. Mais plusieurs questions restent encore en suspens :
- Pourquoi cette affaire judiciaire s'est-elle étalée sur 10 ans ?
- Comment Ségolène Royal pouvait-elle embaucher ses collaboratrices si l'URSAFF a refusé le CDD de mai ?


En réalité, Ségolène Royal a fait preuve d'une certaine légèreté juridique : elle aurait dû soit embaucher d'autres collaborateurs le temps de la campagne (version légale), soit verser un dédommagement à ses collaboratrices. Elle ne l'a pas fait, la justice l'a condamnée, et l'UMP s'en est frottée les mains (Jean-Pierre Raffarin a même demandé la démission de la présidente de la région Poitou-Charentes)... jusqu'à la polémique avec l'AFP.

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