C dans l'air : Comment juger le président ?

Télévision · 25 jan. 2007 à 07:15

C dans l'air

Mardi 16 janvier 2007, l'Assemblée nationale a voté une loi sur le statut pénal du chef de l'Etat. Jacques Chirac, lors de sa campagne présidentielle de 2002, l'avait promise. A quelques mois des nouvelles élections, la loi est enfin votée.
La loi se distingue en deux parties. La première ne fait que confirmer ce qui existait déjà : l'immunité judiciaire du président durant son mandat et la possibilité de la possibilité de le juger une fois redevenu un citoyen ordinaire. La seconde partie, en revanche, prévoit de destituer le président « en cas de manquement à ses devoirs manifestement incompatible avec l'exercice de son mandat ». Ce projet a suscité de nombreuses polémiques parmi les députés craignant les manoeuvres politiques pour destituer aisément le chef de l'Etat. Pour résoudre ce problème, il faut que les deux tiers de la majorité vote en faveur de la destitution pour que soit lancée la procédure.
Aux Etats-Unis, cette loi existe déjà : elle prévoit qu'en cas de « trahison, corruption ou autres hauts crimes et délits », le président comme les hauts fonctionnaires soient soumis à la « procédure d'impeachment » (mise en accusation).
Les invités d'Yves Calvi reviennent sur cette nouvelle loi.

Ce qui va changer

Toucher au statut pénal du président de la République engage un changement profond de la Constitution. Pour la constitutionaliste Anne Levade, cette réforme est importante car jusqu'à présent on avait un système qui prévoyait de mettre en cause le chef de l'Etat pour « haute trahison ». Or, cette notion était très floue et avait un caractère guerrier. Depuis vingt ans, on la remet en cause car hormis Pétain, aucun chef de l'Etat n'a été concerné par cette « haute trahison ». En effet, on connaît le scandale des bijoux de Bokassa sous Giscard d'Estaing, la mise sur écoute de certaines personnalités sous Mitterrand ou les emplois fictifs sous Chirac, tous ces délits ne concernent pas cette idée de haute trahison. Il fallait donc moderniser et surtout clarifier le statut pénal du président.
D'abord, pour clarifier son statut, il faut rappeler le principe d'absence de responsabilité du chef de l'Etat dans l'exercice de ses fonctions mais il y a deux exceptions. La première concerne la Cour pénale internationale : si le chef de l'Etat commet un crime contre l'humanité, on le juge responsable et on engage contre lui des poursuites. La seconde exception concerne ce qui vient justement d'être votée : la procédure de destitution. Si le chef de l'Etat manque gravement à ses devoirs et met en péril l'équilibre du pays, il peut être condamné. Par exemple, si on transpose l'affaire Clinton/Lewinsky en France, si les médias s'en mêlent, les Français se scandalisent, la crise explose au point de créer une situation de blocage, le Président pourrait être destitué.

L'opinion des différents partis sur cette loi

Cette réforme était en effet une promesse du candidat Chirac en 2002. Tandis qu'elle a été votée mardi 16 janvier, certains députés s'opposent à sa mise en place comme le député UMP Pierre Lellouche qui estime que la méthode de destitution est contraire à la Constitution de la Vème République car elle affaiblit considérablement le pouvoir du président. A gauche, au contraire, le consensus est de mise. Ségolène Royal déclare qu' « il est normal que le chef de l'Etat soit protégé dans la dignité de ses fonctions et en même temps responsable devant la loi comme tous les citoyens ». Seul Robert Badinter (sénateur PS) s'oppose à cette loi remarquant que le Sénat est de tradition à droite. Le vote aux 2/3 de l'Assemblée protègerait donc mieux un président de droite que de gauche. Il propose donc de réformer le Sénat. Enfin, l'UDF propose deux réformes : le président ne devrait plus s'exonérer de ses responsabilités comme tout citoyen s'il lui arrivait de manquer à des règles républicaines, et il devrait pouvoir intervenir au Parlement.

La procédure de destitution aux Etats-Unis

Depuis déjà plus de deux cents ans, il est possible de renvoyer le président ou tout haut fonctionnaire en cas de « trahison, corruption ou autres hauts crimes et délits ». Le cas s'est présenté seulement trois fois en ce qui concerne les présidents : au 19ème siècle, avec Nixon, avec Clinton. En 1974, Nixon ment à propos d'une affaire de mise sur écoute. Il a donc préféré démissionner. En 1999, Bill Clinton ment au Grand Jury tandis qu'il a prêté serment prétendant qu'il n'a eu aucune relation sexuelle avec Monica Lewinsky. Ce ne sont pas ses actions qui ont été condamnées mais son mensonge. La première chambre l'a condamné tandis que la seconde l'a relaxé. En France, grâce à cette nouvelle loi, le président pourrait être destitué même si les affaires de moeurs pour le moment ne scandalisent pas les Français au point de vouloir renverser le chef d'Etat.

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