Le gouvernement prépare-t-il un plan de rigueur ?

Télévision · 6 fév. 2008 à 22:00

Plan de rigueur

L'Europe s'impatiente des dépassements budgétaires de la France, ne cessant de lui rappeler qu'elle est soumise comme tous les autres pays de la zone euro aux mêmes règles. A la tête du pouvoir, les avis sont partagés et les discours contradictoires. A plusieurs reprises, François Fillon qui a osé dire que la France était « en situation de faillite sur le plan financier » et Christine Lagarde, ont été obligés de modérer leurs propos pour ne pas inquiéter les Français. Pourtant, si jusqu'à présent, le Chef d'Etat a voulu se montrer optimiste, lors de sa conférence de presse en janvier dernier, il a rappelé qu'il n'était guère un « magicien » pour améliorer la croissance annonçant par là même que les « caisses étaient vides ». Devant un tel constat et la menace européenne, l'émission télévisée C dans l'air se demandait mardi 5 février si le gouvernement préparait un plan de rigueur.

C dans l'air

La France face aux contraintes européennes

En 2008, dans un premier temps, François Fillon avait annoncé une croissance de 2,25%. Très vite, il y eut des démentis : Christine Lagarde a modéré les propos estimant une croissance à 2%. Selon les économistes, elle se situerait en fait entre 1,6 et 2%. Dans le même temps, le déficit de la France s'élève à 3%. L'Europe exige donc de rétablir l'équilibre budgétaire sous peine d'être pénalisée.
Ce n'est pas la première fois que la France se retrouve dans une position délicate face à l'Europe. Par le passé, elle avait été sanctionnée pour déficit excessif avec l'Allemagne. Mais, les deux pays avaient refusé de se plier à la règle commune estimant être de grandes puissances économiques dispensées de suivre les prérogatives valables pour les pays plus modestes de la zone euro. Or, ce refus a suscité des polémiques : selon Bruxelles, chacun doit s'adapter aux mêmes règles quelque soit son portefeuille.

Un plan de rigueur nécessaire économiquement, mais impossible politiquement

Selon l'économiste Elie Cohen, d'un point de vue économique, la France est obligée de proposer un plan de rigueur. La croissance étant faible et le déficit important, il apparaît nécessaire de faire des économies budgétaires. Le problème, c'est que Nicolas Sarkozy a basé tout son programme présidentiel sur l'idée d'une augmentation du pouvoir d'achat. Il serait maladroit de sa part, moins d'un an après son arrivée à l'Elysée d'affirmer le contraire et d'annoncer aux Français que non seulement leurs impôts vont augmenter mais qu'en plus leur pouvoir d'achat risque encore de décroître. Si le président annonçait de telles mesures, sa cote de popularité risquerait encore de chuter.
Elie Cohen estime donc que Nicolas Sarkozy va trouver des astuces pour concilier les contraintes européennes avec sa stratégie politique. De façon cachée, il lancera de nouvelles réformes impliquant des mesures fiscales à la hausse, sans dire clairement qu'il s'agit d'un plan de rigueur.

Comment camoufler le plan de rigueur ?

Elie Cohen estime que pour sortir efficacement de cette crise et faire rapidement des économies, deux mesures sont envisageables sans que cela remette en question tout le système. D'abord, il est possible de créer une TVA sociale sur le modèle allemand. On baisserait ainsi les charges sociales d'un côté pour augmenter la TVA de l'autre, manière d'augmenter les impôts sans le dire. Cette option désavantagerait ceux qui ont des petits salaires et qui sont exonérés d'impôts puisque la TVA s'appliquerait à tous, sans discernement. Il est possible également que l'Etat augmente les cotisations sociales sous la forme de nouvelles franchises par exemple.

Elie Cohen

Avant ce plan, Nicolas Sarkozy continue à promettre et à dépenser

Même si les Français constatent que leur pouvoir d'achat est faible, ils sont conditionnés depuis plusieurs mois pour s'imaginer que l'Etat a des ressources. Depuis que Nicolas Sarkozy est en campagne pour l'Elysée, il ne cesse de répéter que la croissance va repartir, comme le pouvoir d'achat. D'autre part, le politologue Dominique Reynié rappelle que Nicolas Sarkozy a fait de nombreuses promesses ces dernières semaines. Il a promis de débloquer 1,6 milliards d'euros pour lutter contre la maladie d'Alzheimer d'ici à 2012, 20 millions d'euros pour aider Arcelor Mittal à conserver en France ses emplois, 300 millions d'euros pour les pêcheurs, 700 millions d'euros pour les heures supplémentaires dans le secteur hospitalier. Avec de telles annonces, Nicolas Sarkozy ne laisse pas entendre aux Français que la rigueur est de mise.

Dominique Reynié

Les conséquences éventuelles d'un plan de rigueur

Pour l'économiste Jacques Marseille, il est évident que la France doit faire des économies en réduisant les dépenses publiques. Le pays dépenserait 4% de plus dans ce domaine que la moyenne de la zone euro, ce qui correspond à 100 milliards d'euros. Or, selon lui, une réduction de ces dépenses permettrait une relance de la croissance et des emplois. Le service public, selon lui, ne tient pas toutes ses promesses, il faut donc en réduire le coût. Le secrétaire confédéral de la CGT, Jean-Christophe Le Duigou, ne partage évidemment pas ce point de vue allant jusqu'à penser qu'un plan de rigueur favoriserait la dépression conjoncturelle. Contrairement aux autres pays précisément, la France a un système de protection sociale qu'on lui envie.

Jacques Marseille




Il apparaît donc évident que le gouvernement mettra en place un plan de rigueur pour rétablir une situation économique fragile et éviter une pénalité de Bruxelles, mais le gouvernement ne le dira pas clairement. La réussite de Nicolas Sarkozy se mesurera à la qualité du camouflage.

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