Télévision · 15 oct. 2007 à 23:40
La France n'a jamais été aussi riche, et pourtant la dette publique n'a jamais été aussi élevée. Comment expliquer le déficit public ? La nouvelle émission de Christine Ockrent, intitulée « Duel sur la 3 », était consacrée au débat sur le déficit public le dimanche 30 septembre 2007. Ce débat opposait Jacques Attali, ancien conseiller de François Mitterrand et président de la commission Sarkozy sur la libération de la croissance, à Olivier Besancenot, leader de la LCR, parti d'extrême gauche.
La dette publique est une somme que l'Etat dépense à crédit faute de recettes suffisantes. Elle correspond à l'argent que dépense l'Etat pour payer les fonctionnaires (depuis 20 ans, les salaires des mois de novembre et de décembre des fonctionnaires sont payés par l'emprunt), aux comptes sociaux (dépenses maladie, vieillesse, chômage, famille), aux dépenses des collectivités territoriales.
L'ensemble de la dette publique atteint en 2007, 1 300 milliards d'euros, ce qui correspond à 3 années et demie de budget de l'Etat, et à 64,2% du PIB.
Pour payer ses dettes, l'Etat emprunte. En 2007, le montant des intérêts de ces emprunts est de 40 milliards d'euros, c'est-à-dire quasiment l'équivalent de ce que rapporte l'impôt sur le revenu. Toutefois, la France n'est pas en faillite, car ses actifs sont très largement supérieurs à son passif. En clair, l'Etat emprunte et parvient parfaitement à rembourser ses emprunts. En 2008, le budget présenté par François Fillon et Nicolas Sarkozy est en déficit de 41,7 milliards d'euros.
Jacques Attali explique qu'il y a trois déficits publics. Tout d'abord, il y a le déficit de la sécurité sociale, qui est selon lui le moins grave des trois. Dépenser davantage d'argent pour les dépenses de santé est un signe positif de l'évolution du système de soins. Cela signifie que la population est bien soignée en France. On vieillit mieux, plus longtemps, et augmenter les dépenses de santé est une nécessité pour que l'espérance de vie continue à augmenter. Le problème posé est plutôt la manière dont on finance les dépenses de santé et la part remboursée par l'Etat.
Le deuxième déficit est celui de l'Etat. Celui-ci est lié aux politiques budgétaires laxistes de ces vingt-cinq dernières années. Ce déficit doit être réduit car aujourd'hui, les salaires des fonctionnaires sont financés à crédit, c'est-à-dire financés par les générations futures qui devront rembourser la dette. Selon lui, il faut résorber ce déficit immédiatement, quitte à être un peu brutal.
Le troisième déficit est celui du commerce extérieur. Selon Jacques Attali, le déficit extérieur est le plus grave. La France importe plus qu'elle n'exporte. Il y a une crise de compétitivité, de capacité à produire pour l'extérieur.
Olivier Besancenot ne conteste par les chiffres de la dette, mais selon lui, on n'avance qu'une partie des chiffres pour bourrer les crânes des salariés afin de justifier une politique de rigueur. Ainsi, il explique que la France n'est absolument pas en faillite puisque l'Etat a des actifs bien supérieurs à ses dépenses. L'Etat est propriétaire de terrains, d'immeubles, et l'ensemble est évalué à 1900 milliards d'euros.
Si la dette est réelle, il réfute le fait que ce serait lié à des dépenses trop élevées de l'Etat. Depuis 1981, la part des dépenses de l'Etat dans le PIB est restée relativement stable, autour de 22%. Autrement dit, depuis 1981, l'Etat dépense la même proportion de sa richesse produite. Par conséquent, ce qui explique la dette de l'Etat, c'est la baisse des recettes de l'Etat, c'est-à-dire la baisse des impôts et les exonérations de charges sociales aux entreprises. Depuis 1981, les recettes de l'Etat sont passées de 22% du PIB à 18% du PIB.
En résumé, l'Etat dépense toujours autant, mais les recettes ont diminué. Cette différence explique le déficit selon lui et il impute la responsabilité du déficit aux gouvernements successifs de droite et de gauche qui ont fait des cadeaux fiscaux aux plus riches. Résultat, l'Etat doit emprunter aux banques, c'est-à-dire à ceux qui ont les moyens d'épargner, les mêmes à qui on a baissé les impôts. Autrement dit, son raisonnement est le suivant : les plus riches sont doublement gagnants : ils ont vu leur impôt baissé et leurs capitaux fructifiés grâce aux emprunts de l'Etat.
Jacques Attali conteste les conclusions d'Olivier Besancenot. Certes, les dépenses de l'Etat sont restées à hauteur de 22% du PIB. Mais, entre temps, les gouvernements ont mené une politique de décentralisation qui a consisté à donner plus de pouvoir aux collectivités locales, régions, départements, communes. Or, en transférant une partie de ses compétences, l'Etat aurait du diminuer ses dépenses, ce qui n'a pas été fait. Autrement dit, mécaniquement, l'Etat a bien augmenté ses dépenses.
Selon lui, le déficit de l'Etat vient en partie de l'empilement administratif du territoire qui crée des doublons : communes, communauté de communes, cantons, départements, régions. Jacques Attali préconise donc une simplification de l'administration afin de limiter les dépenses de l'Etat et des collectivités territoriales. Aujourd'hui, il y a des doublons très coûteux qui doivent être supprimés pour éviter le gaspillage de l'argent public.
En 30 ans, les richesses de la France ont doublé. Mais la répartition de ces richesses n'a jamais été aussi inégalitaire. Sur ce point, Jacques Attali et Olivier Besancenot sont d'accords. Par ailleurs, la répartition des richesses entre le capital et le travail a changé. Il y a 30 ans, sur 100 euros de richesse produite, 70 euros revenait aux salariés et 30 euros revenait aux actionnaires. Aujourd'hui, la répartition est de 60% pour les salariés et 40% pour les actionnaires. Autrement dit, les actionnaires ont grignoté 10 points de richesse sur la part accordée aux salariés. Cela s'est traduit par une stagnation du pouvoir d'achat et par le trou de la sécurité sociale car en limitant l'augmentation des salaires, on limite d'autant le montant des cotisations sociales. Mais surtout, les exonérations des charges sociales pour les entreprises n'ont cessé d'augmenter et s'élèvent chaque année à environ 20 milliards d'euros. Ce sont autant de recettes en moins pour la sécurité sociale.
Pour résorber ce déficit, Olivier Besancenot préconise donc de redevenir au niveau de recettes de 1981, c'est-à-dire d'annuler toutes les baisses d'impôts octroyées aux plus riches et de supprimer toutes les exonérations sociales.
Jacques Attali propose au contraire de réduire les dépenses. La France est un des pays européens où les prélèvements obligatoires sont les plus lourds. Selon lui, il ne faut donc pas alourdir encore davantage ces charges mais plutôt réduire les dépenses de l'Etat. Il existerait des doubles emplois entre collectivités locales et l'Etat, il y aurait des gaspillages dans la distribution d'aides et de subventions dont l'efficacité n'a pas été démontrée. Enfin, l'informatisation des administrations doit permettre une réduction du nombre de fonctionnaires.
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