Les hésitations stratégiques de Ségolène Royal

Revue de presse · 26 déc. 2007 à 17:00

Ségolène Royal

Tout était écrit d'avance. Une candidature à l'élection présidentielle devait être la garantie d'un leadership incontesté. En 1965, lorsque François Mitterrand a été propulsé candidat unique de la gauche, il changea de stature. Il devint une personnalité incontournable à gauche alors que son image d'ancien ministre de la IVe République l'handicapait. En remportant la primaire socialiste en 2006, Ségolène Royal pensait avoir écarté, une bonne fois pour toute, les "éléphants" du Parti Socialiste : Fabius, Jospin, DSK. Mais si ces derniers apparaissent bien hors course aujourd'hui, il y a toujours une crise de leadership au Parti Socialiste. Ségolène Royal n'a pas réussi à s'imposer comme leader naturel de la gauche. Tout ne se passe pas comme prévu et son attitude des dernières semaines dénote des hésitations sur la stratégie à suivre.

Revue de presse du mardi 26 décembre 2007

- Le Figaro : À Romans, Royal dénonce la cruauté sociale
- Libération : Logement social, Ségolène Royal réclame des mesures énergiques
- Le Figaro : Des solutions simples pour le logement social

Des critiques plus virulentes que prévu

En maintenant le Parti Socialiste à l'écart de sa campagne présidentielle, Ségolène Royal savait qu'elle susciterait des mécontentements. Elle était pourtant convaincue que son rapport à l'opinion et sa cote de popularité étaient la meilleure protection. Certes, elle a perdu l'élection présidentielle mais elle a obtenu près de 17 millions de voix au second tour, plus que le record de François Mitterrand en 1988.
Or, dès septembre, la candidate a du faire face à une cascade de publications assassines sur la campagne et sur sa personne. La pire des attaques a été menée par Lionel Jospin dans son livre L'impasse au cours duquel il présente l'ex-candidate socialiste comme une incapable. Si la virulence de certaines attaques annulait l'effet de nuisance, l'accumulation des critiques a terni son image. Ségolène Royal n'est pas sortie indemne de cette rentrée.

Un isolement handicapant pour s'emparer du PS

Deuxième difficulté qui n'était pas prévue : un isolement accru au PS. En 2006, pendant la primaire socialiste, Ségolène Royal avait joué l'opinion contre le Parti. Extérieure au PS, elle n'était pas assimilée à tous les éléphants et faisait souffler un vent de fraîcheur au sein d'un parti verrouillé par des responsables coupés des réalités. Grâce à sa forte popularité, elle s'est imposée et a enregistré de nombreux ralliements : Julien Dray, Jean-Louis Bianco, François Rebsamen, autant de personnalités qui connaissaient bien les arcanes du Parti.
Mais ce qui était un atout pendant la primaire se révèle être un handicap aujourd'hui. Ségolène Royal est toujours aussi isolée au Parti Socialiste. Elle a refusé d'entrer au bureau politique et cultive sa différence en maintenant sa distance avec les instances du PS. Elle se refuse de constituer un courant, et des personnalités comme Julien Dray ou François Rebsamen ont pris leur distance avec elle.
Elle n'a donc pas construit de réseau au sein du Parti. Malgré l'annonce de la réactivation de ses comités "Désirs d'avenir", rien ne se passe, l'élan de la campagne n'a pas été retrouvé. Pire, en ne se représentant pas aux élections législatives, elle s'est privée de la tribune des questions au gouvernement à l'Assemblée pour se poser en chef de l'opposition.

Le flop d'un retour médiatique annoncé

En publiant son livre Ma plus belle histoire, c'est vous, Ségolène Royal était censée reprendre la main. En faisant sa propre analyse de la campagne et son auto-critique, la présidente de la région Poitou-Charentes pensait pouvoir mettre un terme aux critiques et se positionner comme la première opposante au gouvernement et à Nicolas Sarkozy. Or, son plan média si finement calibré n'a pas eu les effets escomptés.
Alors que la candidate réalisait des records d'audience et rivalisait avec Nicolas Sarkozy dans les médias, elle n'a plus cette aura aujourd'hui. Dans toutes les émissions télévisées qu'elle a faites, les audiences ont été décevantes. Pire, au 20 heures de TF1, le début de son intervention a été suivie par près de 9 millions de téléspectateurs, 10 minutes plus tard, il n'était plus que 7 millions selon Médiamétrie.

Nouveau changement de stratégie : le retour sur le terrain pour prendre le PS

Le leadership n'est pas assuré, la popularité n'est plus aussi forte, sa percée dans les médias est moins flamboyante, sa position dans le parti toujours aussi fragile, Ségolène Royal a donc décidé de renouer avec les sorties sur le terrain. La semaine dernière, elle s'est rendue à l'usine Charles Jourdan à Romans-sur-Isère où 200 salariés sont licenciés suite à la liquidation judiciaire de l'entreprise. Au cours de ce déplacement, elle a dénoncé la "cruauté sociale" de ces licenciements et taclé le chef de l'Etat quelques jours après l'annonce de son idylle avec Carla Bruni : "Le peuple souffre et le roi s'amuse".
Pour le 24 décembre, elle a également voulu marquer le coup en se rendant dans un centre d'hébergement du Secours catholique, dans le IVe arrondissement de Paris. Elle a interpellé le gouvernement sur l'urgence sociale et le problème du logement.

A ceux qui disent que le PS a abandonné le terrain des sans-logis et des classes populaires, Ségolène Royal veut répliquer en multipliant les déplacements. Après le plan média raté, elle compte donc repartir sur le terrain en espérant être en position de prendre le contrôle du PS, par l'extérieur, lors du prochain congrès du parti en 2008. Le pari est risqué.

*** Liens

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