Qui pourrait dire à Nicolas Sarkozy que le bouclier fiscal allemand n’existe pas ?

Télévision · 14 juil. 2010 à 09:12

Sarkozy et Pujadas

Soit Nicolas Sarkozy ne lit pas la presse, soit le chef de l'Etat pense que les Français ne lisent pas la presse. Quelle que soit la raison, il a encore utilisé un faux argument pour justifier sa politique fiscale en inventant un bouclier fiscal allemand.

Lundi 12 juillet, Nicolas Sarkozy est intervenu pendant une heure sur France 2 pour répondre aux questions du journaliste Pujadas et réaffirmer l'application de son programme annoncé pendant la campagne électorale de 2007. Il a notamment déclaré qu'il ne voulait pas supprimer le bouclier fiscal.


Il invoque une première raison : « De tous les pays du monde, la France est celui qui taxe le plus les contribuables aisés », et prenant l'exemple de la milliardaire Liliane Bettencourt : « Je souhaite qu'elle reste propriétaire de L'Oréal et que L'Oréal - 17 milliards de chiffre d'affaires, 64 000 employés - ne parte pas dans un autre pays. Parce qu'à ce moment, qui le paierait ? (...) C'est les employés qui perdraient leur emploi ». La seconde raison s'appuie sur le modèle allemand : « Le bouclier fiscal, ce n'est pas une idée que j'ai eu comme ça un matin en me levant. Notre principal concurrent, client et voisin c'est l'Allemagne. Moi j'admire le modèle économique allemand. Le bouclier existe depuis plus de vingt ans en Allemagne. Je vais donc faire la même chose en France ».


Ce n'est pas la première fois que le Président fait appel au modèle économique allemand et à ce fameux bouclier fiscal. Il y a un peu plus d'un an déjà, en mars 2009, il avait soutenu qu'en Allemagne, le bouclier fiscal est inscrit dans la Constitution : « Ne pas prendre par l'impôt direct plus de 50% du revenu d'un ménage, c'est un principe de liberté, de liberté. C'est un principe qui est en Allemagne inscrit dans la Constitution - nos amis allemands, principaux concurrents, principaux partenaires, notre grand voisin. Le principe que l'Etat n'a pas le droit de prélever plus de 50% de l'argent gagné par un contribuable allemand. Les Allemands y sont tellement attachés qu'ils l'ont inscrit dans la Constitution (...) Il ne viendrait naturellement à l'idée d'aucun membre de la CDU de revenir sur cet engagement, mais - plus intéressant - d'aucun socialiste allemand non plus. J'aimerais que ce que les socialistes allemands ont compris il y a 25 ans... »

Le problème c'est que déjà à cette époque Mediapart ainsi que Le Monde avaient enquêté sur ce fameux bouclier fiscal inscrit dans la Constitution allemande et que ce principe n'y figure pas. Nicolas Sarkozy le sait parfaitement mais il mise sur l'ignorance des téléspectateurs pour justifier sa politique fiscale, pourtant critiquée par certains membres de l'UMP.

D'où vient alors cette idée que l'Allemagne aurait inscrit le bouclier fiscal dans la Constitution ? En 1995, le tribunal de Karlsruhe (équivalent de notre Conseil constitutionnel) avait bien jugé qu'un contribuable devait verser au maximum 50% de ses revenus au fisc mais le 18 janvier 2006, ce même tribunal cassait la décision. Depuis, il n'y a plus de bouclier fiscal à 50%. Mais, de ces rappels constitutionnels, Nicolas Sarkozy n'en a que faire.

*** Liens

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