Les coulisses de l'éviction de David Martinon à Neuilly

Enquête · 11 fév. 2008 à 23:57

Jean-Christophe Fromentin

Propulsé candidat à la mairie de Neuilly par Nicolas Sarkozy lui-même, David Martinon est contraint de jeter l'éponge trois mois plus tard. Le porte-parole de l'Elysée a été lâché par ses colistiers et par Nicolas Sarkozy qui a donné son feu vert à cette trahison. Tout a été déclenché par un mystérieux sondage donnant Martinon perdant face au candidat dissident de droite, Jean-Christophe Fromentin. Selon toutes vraisemblances, ce dernier devrait être promu tête de liste UMP, Nicolas Sarkozy ayant dissuadé son fils de se présenter sur la liste afin d'éviter toute nouvelle polémique. Mais comment en est-on arrivé là ?

David Martinon, l'erreur de casting

Nicolas Sarkozy avait choisi son porte-parole comme candidat de l'UMP dans son fief de Neuilly. Cet adoubement avait été mal ressenti par les militants locaux qui ne comprenaient pas ce parachutage alors que le leader de la droite locale, Arnaud Teullé, apparaissait comme le candidat naturel à la succession du maire sortant, Louis-Charles Bary.
Mais très vite, David Martinon va montrer ses limites en multipliant les maladresses : le 17 octobre 2007, il commet un impair lors d'une réunion avec des militants UMP. Pour prouver sa bonne foi et son engagement, il a la maladresse de déclarer que sa venue à Neuilly est un sacrifice financier. Certains dans la salle n'ont pas hésité à le rembarrer immédiatement : "Fais des économies, rentre chez toi !" crient certains habitants. Début janvier, lors d'une réunion avec des jeunes UMP, il lance "Notre travail sera d'avoir la confiance des vieux". Les séniors de Neuilly n'ont pas du tout apprécié. Autre scène, autre lieu : lorsque David Martinon va sur le marché, lieu de campagne par excellence, il n'achète rien aux commerçants prétextant que sa compagne avait déjà fait les courses. Il apparaît ainsi complètement décalé. Peu à l'aise, David Martinon n'a jamais vraiment réussi à se glisser dans la peau du candidat.

Le mystérieux sondage BVA paru dans Le Figaro

Tout s'est joué en 24 heures. Samedi matin, le Figaro publie une brève relatant le possible abandon de David Martinon suite à de mauvais sondages. Les chiffres ne sont pas publics, mais un sondage BVA payé par un mystérieux commanditaire créditerait Martinon de 40% des voix alors que le candidat dissident, Fromentin, en obtiendrait 45%.
Aussitôt ses chiffres connus, l'Elysée prend alors conscience des conséquences désastreuses que prendrait une défaite du porte-parole de l'Elysée dans la ville où Nicolas Sarkozy a été maire de 1983 à 2002. Avec l'aval du président et Claude Guéant à la manoeuvre, l'opération de lâchage va donc débuter.
En catastrophe, l'équipe de campagne annonce une conférence de presse pour 14h30 afin de démentir l'abandon de David Martinon. Mais ce dernier renonce à la dernière minute à la conférence de presse, à la demande expresse de l'Elysée. Désormais, le sort de Martinon est scellé, même si celui-ci refuse de croire que ses colistiers l'ont lâché. Selon plusieurs sources, le soir même, à l'Elysée, se tient une réunion entre Nicolas Sarkozy et les colistiers de Martinon : Arnaud Teullé, Marie-Cécile Ménard et Jean Sarkozy.

La scène surréaliste d'un Dimanche à Neuilly

Dimanche 10 février 2008, 9h30 : le directeur de campagne de Martinon, Olivier Babeau, assure dans un communiqué que le candidat continue à faire campagne. A 10h30, un communiqué tombe : "Nous avons décidé de conduire la liste de rassemblement à Neuilly, afin de faire cesser les divergences au sein de la majorité présidentielle sur notre commune". Les trois colistiers viennent de lâcher David Martinon. Et dans une scène surréaliste, celui-ci débarque dans les rues de la ville au même moment pour faire campagne sur le marché. Assailli de questions par les journalistes, David Martinon doit quitter les lieux précipitamment, pris au dépourvu par le communiqué de ses ex-amis. Une heure plus tard, ces derniers arrivent au même endroit, devant une presse médusée, pour défiler et confirmer qu'ils entendaient mener leur propre liste.

Martinon se retire, l'UMP tente de recoller les morceaux

Aujourd'hui, David Martinon a donc annoncé son retrait. Il a également proposé sa démission de son poste de porte-parole de l'Elysée, mais celle-ci a été refusée par Nicolas Sarkozy. Une réunion s'est tenue au siège de l'UMP aujourd'hui pour préparer la suite. Les calculs ont été assez simples : avec deux listes de droite aux municipales, la liste UMP a peu de chance de l'emporter face à celle du dissident, Jean-Christophe Fromentin. Une candidature du fils du président de la République, Jean Sarkozy, âgé à peine de 22 ans, donnerait l'image d'une gestion monarchique des affaires de la ville. Une défaite de celui-ci aurait d'ailleurs autant de conséquences politiques pour le président de la République, sinon plus, que la défaite de David Martinon.
Dans ses conditions, l'UMP va soutenir le candidat divers droite, Jean-Christophe Fromentin, en faisant liste commune. Ayant déjà perdu le rapport de force, l'UMP veut s'épargner une défaite humiliante. Il n'est pas certain que les trois colistiers de David Martinon souhaitaient cette issue. Mais les risques politiques et le rapport de force au sein de la droite locale n'ont guère laissé de choix à l'UMP.

Les conséquences politiques d'un désastre médiatique

Cette éviction de David Martinon à Neuilly va laisser des traces dans l'opinion. Le président de la République apparaît plus que jamais affaibli, obligé d'abandonner son propre porte-parole. Si les risques d'accusation de dérive monarchique ont été écartés avec l'absence de Jean Sarkozy comme tête de liste (on évoque pour lui un poste de conseiller général de Neuilly), il n'en reste pas moins que les dernières 48 heures ont été désastreuses politiquement. L'intervention télévisée précipitée de Nicolas Sarkozy à propos de l'Europe dimanche soir est d'ailleurs passée totalement inaperçue. Reste à savoir celui qui est à l'origine de cette tempête à Neuilly : le commanditaire du mystérieux sondage du Figaro. L'Elysée et l'UMP jurent qu'ils n'y sont pour rien. Il faudrait plutôt chercher parmi les ennemis de David Martinon. Le porte-parole était un proche de Cécilia Sarkozy. Depuis son départ, il se murmure que les anciens collaborateurs de Nicolas Sarkozy qui avaient été écartés par l'ex-première dame de France veulent la peau de Martinon. Ce désastre médiatique ne serait donc que le simple reflet d'une lutte de clan au plus haut sommet de l'Etat. Ambiance...

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