Fadela Amara, Christine Boutin : le duo explosif pour la banlieue

Télévision · 25 jan. 2008 à 20:08

Amara, Boutin, duo explosif

Fadela Amara est arrivée au pouvoir en juin dernier, dans le gouvernement de François Fillon, créant la surprise. Avec sa liberté de parole et ses prises de position très éloignées de celles de la majorité, l'ancienne présidente de « Ni putes ni soumises » étonne, agace, dérange. Les Français la classent quatrième de leurs ministres favorite pour Ipsos et le Point. Pourtant, elle est loin de susciter le consensus au sein du gouvernement. Elle aurait dû remettre son programme sur les banlieues le 22 janvier dernier, mais a pris du retard, le rendez-vous est pris pour le 8 février 2008 et sera annoncé par Nicolas Sarkozy. C dans l'air a consacré une émission au phénomène Fadela Amara mercredi 23 janvier intitulé : « Fadela, fille de banlieue ».

Vaux-en-Velin, pas de programme, mais des principes

Vaux-en-Velin reste une référence très forte dans l'esprit des Français. En 1990, de violentes émeutes avaient éclaté suite à la mort d'un jeune motard ayant forcé un barrage de police. La ville est donc le symbole de ces cités qui brûlent, opposées à l'ordre social.
A l'origine, Fadela Amara aurait dû présenter à Vaux son programme mardi 22 janvier, elle s'y est donc rendue avec Christine Boutin non pas pour annoncer son plan mais les objectifs qu'elle souhaite atteindre. Elle pouvait difficilement renoncer à sa visite parce qu'elle se serait affaiblie d'un point de vue politique. Nombreux sont ceux qui attendent qu'elle fasse un faux pas et qu'elle perde tout crédit auprès des Français et en particulier des habitants des banlieues.
Devant un millier de personnes, la secrétaire d'État à la ville a énoncé les grandes lignes de son plan Banlieue : en 3 ans, elle souhaite créer 45 000 emplois dans les banlieues et réduire ainsi de 40 % le chômage des jeunes. Elle disposerait d'un milliard d'euros. Son projet se décline en trois points : l'éducation, l'emploi et le désenclavement. Le problème, d'ores et déjà, c'est que le ministre du Travail, Xavier Bertrand, ne lui donne pas son à-valoir ; il ne labellise pas ces chiffres. Au final, ce sera Nicolas Sarkozy qui donnera ou non son accord pour ce plan Marshall. Il est à prévoir qu'il apportera son soutien à Fadela Amara qui permet à l'auteur du « karsher » d'avoir une certaine audience dans les banlieues, une sorte de passeport.

Boutin/Amara : deux styles et deux visions différentes

Fadela Amara est l'ancienne présidente de « Ni putes ni soumises », elle se distingue par son parler populaire, ses attaches sont à gauche de l'échiquier politique. A l'opposé, Christine Boutin est une fervente catholique de droite, anti-IVG et anti-pacs. L'entente est fatalement difficile. Pourtant François Fillon a nommé la première secrétaire d'Etat chargée de la politique de la Ville et la seconde ministre du Logement et de la Ville, ce qui sous-entend que les deux femmes doivent travailler en tandem, se mettre d'accord sur une politique de la ville convergente. Ce n'est guère le cas. Pour commencer, Christine Boutin ne soutient pas le plan banlieue, elle prône au contraire une nouvelle politique de la ville qui tiendrait davantage en compte les centres-villes. En effet, la ministre considère que les centres-villes connaissent, comme les quartiers « fragiles » (selon son expression), des problèmes de logement, de population. Mais elle n'oublie pas que c'est là et non au coeur des banlieues, que se trouve l'électorat de droite. Elle souhaite donc un plan de ville avec un découpage plus sociologiste qu'urbaniste.
Il est étrange que le Premier ministre ait délibérément choisi deux femmes aussi éloignées à tous points de vue et qui se montrent incapables de s'entendre pour travailler ensemble et mener à bien la politique de la ville alors qu'elles sont complémentaires et quasi indissociables l'une de l'autre.

Fadela, un style et un symbole qui pourraient montrer ses limites

Fadela Amara est plébiscitée par les Français qui apprécient sa liberté de pensée, son indépendance au sein du gouvernement. Nicolas Sarkozy et François Fillon ont fait un bon calcul en faisant appel à elle pour s'occuper des questions portant sur la banlieue étant elle-même issue des quartiers « difficiles » et appartenant aux minorités visibles. Pourtant, même si pour le moment elle demeure très populaire, selon Christophe Barbier, elle peut aussi perdre rapidement son crédit. D'abord, elle a pris du retard dans son programme. Or, sa position de secrétaire d'Etat l'oblige à faire travailler un cabinet, écrire des textes à présenter au Parlement. D'autre part, ses phrases chocs voire ses invectives sont relayées par les médias mais elles ne font pas toujours avancer le problème. On retient plus la violence et la crudité de ses paroles plutôt que le fond même de ses propos. Sans projet concret et sans langage plus mesuré, elle prend le risque de demeurer un symbole et un faire-valoir de la politique de Nicolas Sarkozy.

La venue de Fadela Amara à Vaux-en-Velin n'était donc pas vaine. Elle a présenté les grandes lignes de son projet qui donnent un certain aperçu des évolutions qu'elle souhaite voir en banlieue essentiellement axées sur le travail et l'éducation. Elle a montré encore une fois sa détermination et son indépendance. Christine Boutin, loin d'être un soutien, a rejeté son plan Banlieue. Face à deux visions de la société et de la ville aussi différentes et contradictoires, quelles actions pourront alors être mises en oeuvre ?

*** Liens

- Crise des banlieues : l'inefficacité des politiques de la ville
- Municipales : la droite a-t-elle perdu les centres-villes ?
- Fadela Amara, l'anti-langue de bois
- Fadela Amara annonce un "plan anti-glandouille" pour la banlieue
- Christine Boutin à Lyon : une opération médiatique de 300 000 euros

_____________________________________________________
Quiz : Comment s'appelait le directeur de cabinet de Fadela Amara qui a dû démissionner à cause de son logement de complaisance ?

Commentaires