Revue de presse du 22 juin 2007 : Le rythme décalé entre Nicolas Sarkozy et les acteurs de la vie publique

Revue de presse · 22 juin 2007 à 08:11

Question de rythme

En souhaitant lancer toutes les réformes en même temps, Nicolas Sarkozy impose un rythme soutenu à tous les acteurs de la vie publique. Magistrats, syndicalistes, dirigeants européens, tous sont confrontés à l'activisme du nouveau président de la République. Mais à force de courir, au sens propre comme au sens figuré, toujours plus vite que tout le monde, Nicolas Sarkozy risque de s'échapper seul sans obtenir le soutien des acteurs de la vie publique. Même les historiens, qui tentent d'arrêter le temps, s'en mêlent et protestent contre la dénomination du ministère de l'immigration et de l'identité nationale créée il y a un mois.

Le décalage dans le temps entre tous ces acteurs est saisissant et risque d'entraîner un certain nombre de blocages de la part de ceux qui estiment que Nicolas Sarkozy va trop vite. Trois exemples à la Une de la presse nationale illustrent ce risque.

Service minimum : le détail d'une loi-cadre contestée

"Service minimum, les syndicats embarrassés" titre Le Figaro. "Pourquoi ça bloque ?" s'interroge Le Parisien. Début juillet, un projet de loi sur le service minimum sera présenté en conseil des ministres et voté au parlement pendant la session extraordinaire de juillet. Les syndicats protestent contre le calendrier jugé trop serré, le délai trop court empêchant la concertation. Le projet de loi se présente en deux partis : dans la première partie, le gouvernement demande aux partenaires sociaux d'élaborer un système d'alerte sociale sur le modèle de la RATP, c'est-à-dire un dispositif permettant un dialogue serein entre syndicats et patronat pour prévenir tous conflits et éviter le recours systématique à la grève. Les syndicats sont favorables à ce dispositif d'alerte sociale.
En revanche, ils s'opposent à la deuxième partie du texte de loi qui demande aux entreprises d'instaurer un service minimum en cas de grève. Les salariés non grévistes pourraient être affectés sur d'autres lignes pour que les transports en commun fonctionnent. Enfin, un vote à bulletin secret doit se tenir au bout du 8ème jour de grève pour valider ou non la poursuite du mouvement. L'objectif est d'éviter un blocage complet des transports à cause d'un mouvement qui serait minoritaire. Les syndicats ont donc protesté contre ce projet de loi et le calendrier trop resserré destiné, selon eux, à passer en force.

Europe : traité simplifié... mais vite

"Sarkozy cherche à imposer son rythme en Europe comme à Paris" titre Le Monde. Au conseil européen, Nicolas Sarkozy veut aller vite et faire adopter un traité simplifié pour débloquer la construction européenne. Il s'est entretenu avec tous les chefs d'Etat des pays membres de l'Union Européenne pour défendre le principe d'un mini-traité : présidence stable de l'Union Européenne, vote à la majorité qualifiée pour supprimer le droit de veto, création d'un poste de ministre des affaires étrangères. Nicolas Sarkozy souhaiterait que les 27 pays acceptent ce mini-traité tout de suite.
La Grande Bretagne et la Pologne ont fait part de leurs réticences. La Pologne refuserait le vote à la majorité qualifiée tenant compte de la population car elle perdrait une partie de son influence par rapport à d'autres pays européens plus peuplés. Quant aux britanniques, ils sont réticents à la création d'un poste de ministre des affaires étrangères pour l'Europe. Mais le président français compte bien convaincre ses partenaires européens. Dans ce domaine, la vitesse est plutôt positive après deux années de paralysie en Europe suite à l'échec de la constitution européenne. Encore faut-il que la France ne braque pas ses partenaires européens en allant trop vite.

Immigration et identité nationale, les historiens protestent

La Une de Libération "L'appel au président" à propos de la pétition lancée par des historiens contre la dénomination d'un ministère de l'immigration et de l'identité nationale montre bien le décalage entre le rythme de Nicolas Sarkozy et celui des autres acteurs. Pendant la campagne présidentielle, Nicolas Sarkozy a fait sensation en évoquant la création d'un ministère de l'immigration et de l'identité nationale. La gauche a protesté avant que Ségolène Royal ne prenne à son compte le thème de l'identité nationale en encourageant les électeurs à mettre aux fenêtres leur drapeau.
Deux jours après sa prise de pouvoir, le nouveau président de la République a donc bien créé ce niveau ministère en lui donnant un nom à rallonge : "Ministère de l'immigration, de l'intégration, de l'identité nationale et du codéveloppement". Depuis plus d'un mois, le nouveau ministre, Brice Hortefeux, prépare un projet de loi sur l'immigration tout en continuant à mettre en place l'architecture administrative de ce nouveau ministère. Pour Nicolas Sarkozy, ce ministère est donc une réalité et sa légitimité ne se pose même plus.
Il en est tout autrement pour les historiens qui protestent contre cette dénomination qui sous-entend que l'immigration est un problème pour l'identité nationale. Les signataires de la pétition, huit historiens de renom dont Gérard Noiriel, avaient déjà démissionné le 18 mai dernier du comité d'histoire de la Cité nationale de l'histoire de l'immigration. D'autres universitaires ont rejoint le mouvement et dénonce le fait que l'Etat puisse définir l'identité nationale, qui n'est ni unique, ni figée. Le débat de fond n'a pas eu lieu, mais le président a déjà tranché politiquement.

*** Liens

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