Concours aux grandes écoles : l'Elysée aurait autorisé des sessions de nuit pour les juifs pratiquants

Revue de presse · 13 avr. 2011 à 08:02

Mediapart juif

C'est tellement énorme qu'on a du mal à le croire. Une semaine après le débat de l'UMP sur la laïcité, le site d'information Mediapart assure que "sur demande de l'Elysée, quelques étudiants juifs pratiquants pourront passer les concours d'entrée à des grandes écoles (Mines, Ponts, Centrale et Supélec) pour partie en dehors des sessions normales d'examen. Des sessions secrètes de nuit ont été prévues, avec un confinement préalable des candidats".

A l'origine de cette décision surréaliste, une erreur du ministère : Pessah, la fête de la Pâques juive, aurait été oubliée au moment de fixer les dates de ces concours d'entrée, normalement choisies en dehors des fêtes religieuses juives, musulmanes, orthodoxes, bouddhistes ou encore arméniennes.


Cet oubli du ministère est fâcheux puisque les juifs pratiquants ne sont pas censés travailler lors de cette fête. Vont-ils être automatiquement éliminés s'ils ne se présentent pas à l'examen ? Non, car selon Mediapart informé par un haut fonctionnaire, Nicolas Sarkozy en personne aurait donné pour instruction d'organiser des séances d'examen spéciales.

Concours d'entrée aux grandes écoles : des sessions de nuit pour les juifs

L'enquête de Mediapart est implacable : "Alors que le chef de l'Etat, relayé par son ministre de l'intérieur Claude Guéant, orchestre depuis des semaines une campagne de stigmatisation ciblant les immigrés d'origine arabe, l'affaire que révèle Mediapart met en évidence que la défense de la laïcité, souvent avancée pour justifier cette politique, n'est en réalité qu'un prétexte. A preuve, le chef de l'Etat n'a pas le moindre scrupule à violer, quand il le veut, le principe de la laïcité".

Les 20 et 26 avril se tiennent les concours d'entrée aux grandes écoles. Problème, cela tombe en pleine fête de la Pâques juive au cours de laquelle les juifs pratiquants ne sont pas censés travailler. D'où l'idée à peine croyable de les faire composer de nuit, sur dérogation de l'Elysée qui a décidé cette solution surréaliste afin de palier l'oubli du ministère de l'Education, qui était censé tenir compte de toutes les fêtes religieuses pour fixer ces dates de concours. Résultat, selon Mediapart, "Pour le concours commun, il a été prévu que les étudiants concernés seront confinés, sans doute dans un hôtel parisien, quand l'épreuve commencera, le 20 avril à 8 heures du matin. Fouillés, surveillés en permanence jusque dans les toilettes, les candidats seront en quelque sorte tenus au secret, dans l'impossibilité d'être en relation avec le monde extérieur. Et ils ne commenceront l'épreuve que quatorze heures plus tard, la nuit suivante, à 22 heures, et composeront jusqu'à 2 heures du matin. Un système identique a été mis au point pour la journée du 26 avril, pour l'autre concours".

Grandes écoles

Une décision prise en catimini par l'Elysée

Et qui serait à l'origine de ce dispositif de nuit, décidé en catimini ? "Aux organisateurs du concours, il a simplement été répondu que le chef de l'Etat accédait à une demande d'une organisation juive représentative, sans qu'aucun nom ne soit cité. Mais la conviction que partagent beaucoup de hauts fonctionnaires, qui sont choqués par cette initiative, est que la vérité est beaucoup plus simple que cela : aucune organisation juive représentative n'a officiellement formulé une telle demande ; c'est le chef de l'Etat qui, dans un comportement qui lui est familier – tartarinades et hochements de menton! –, a voulu faire plaisir à un obligé du Palais".

A part ça, le débat de l'UMP sur la laïcité, souhaitée par l'Elysée, n'était évidemment pas un prétexte pour stigmatiser une autre communauté religieuse, les musulmans, dans l'objectif de récupérer des voix au Front national...

Mise à jour : les démentis des intéressés (Libération)

"«Ce qui a été affirmé est faux», a réagi Richard Mélis, organisateur du concours commun Mines-Pont contacté par Libération. «Je démens formellement ces informations», a suivi Jean-Philippe Rey, secrétaire du concours Centrale Supélec. Même réaction à l'Elysée et au ministère de l'enseignement supérieur.

Il n'y a rien de si nouveau, ni de si obscur dans cette affaire. Les aménagements au nom de la laïcité existent depuis 1905. Chaque année, nous accompagnons une cinquantaine d'étudiants confrontés à ce problème. Ils doivent au mieux refaire une année, au pire abandonner leur cursus. Alors nous les aidons à faire en sorte qu'ils puissent passer leurs examens. Nous respectons toujours les principes républicains: ne pas remettre en question l'équité entre étudiants, et ne rien faire qui bouleverse le rythme des autres. La solution, c'est de passer les épreuves en décalé, et de recourir au confinement pour avoir le même sujet" explique Arielle Schwab, présidente de l'Union des étudiants juifs de France au quotidien Libération.



*** Sources
- Laurent Mauduit, "Grandes écoles: le coup de l'Elysée contre la laïcité", Mediapart, mardi 12 avril 2011
- Chloé Bossard, "Les concours aménagés pour des étudiants juifs, «ça n'a rien de nouveau»", Libération, 14 avril 2011




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