Cambriolages chez Ségolène Royal : les dessous de l'affaire

Revue de presse · 13 juil. 2008 à 20:44

Cambriolages chez Ségolène Royal

C'est l'affaire de la semaine dans les médias : le domicile de Ségolène Royal a été cambriolé pour la deuxième fois en deux ans. Banal cambriolage ou affaire politique, l'ex-candidate socialiste a tenté de faire d'un fait divers une tentative d'intimidation orchestrée par le "clan Sarkozy". L'UMP s'en est ensuite mêlée pour discréditer ses propos. Dans ce "bruit" médiatique, difficile d'y voir clair, de faire la part des choses entre les faits et les écrans de fumée. Après une semaine d'invectives, retour sur les dessous de l'affaire Royal.

Revue de presse du dimanche 13 juillet 2008

- Le Parisien : Cambriolage chez Royal, il y a eu effraction, mais pas de vol
- Blog d'Aphatie : Les accusations de Ségolène Royal
- Arrêt Sur Images : "Royalgate" : Guéant informe directement la presse (SUR ABONNEMENT)

2006-2008 : deux cambriolages... sans vol

L'appartement de Ségolène Royal, située au rez-de-chaussée d'une résidence à Boulogne-Billancourt (dans les Hauts-de-Seine), a été cambriolé vendredi 27 juin 2008. Enfin, la presse a plutôt utilisé le terme de "visité" car rien n'a été volé. C'est la deuxième "visite" de ce genre, une première avait lieu en août 2006 et avait fait l'objet d'un dépôt de plainte de la part de Ségolène Royal. Le dossier avait été classé sans suite par le parquet de Nanterre en mars 2007, faute de preuve pour retrouver les auteurs de l'infraction.
Dans les deux cas, il y a bien effraction, mais aucun vol, ce qui jette le trouble sur les motivations des "visiteurs". Lors de cette deuxième "visite", l'appartement a été mis à sac et les enquêteurs ont confirmé que les "cambrioleurs" avaient déposé sur un meuble le procès verbal déchiré de la précédente plainte de 2006 de Ségolène Royal. Cette mise en scène ressemble de toute évidence à une tentative d'intimidation.

Ségolène Royal soupçonne le pouvoir

Invitée du journal de 20 heures de France 2 le 8 juillet dernier, Ségolène Royal a fait un rapprochement entre ces cambriolages et ses critiques virulentes contre Nicolas Sarkozy, dénonçant une manoeuvre d'intimidation de la part du pouvoir. Deux jours plus tard, au micro de Jean-Michel Aphatie, l'ex-candidate socialiste réitère ses accusations : le cambriolage de son appartement serait une "affaire politique", une tentative de déstabilisation. Selon elle, cet événement est une "coïncidence étrange" avec sa dénonciation de "la mainmise sur la France du clan Sarkozy". Et elle va même encore plus loin : "Soit je suis écoutée, soit je suis suivie depuis mon lieu de travail jusqu'à mon domicile, c'est une évidence".

La presse ironise, la droite s'indigne et contre-attaque

Curieusement, alors que les circonstances de ces intrusions sont suspectes, la presse a très vite ironisé sur l'attitude de Ségolène Royal et ses accusations sans preuve. La théorie du complot n'a pas fait recette. Même Libération a titré le lendemain la "gaffitude" en Une du quotidien pour résumer les propos de Ségolène Royal. Le directeur du journal, Laurent Joffrin, pourtant sans concession à l'égard de la politique de Nicolas Sarkozy, a critiqué la posture de l'ex-candidate socialiste, considérant qu'elle avait été cambriolée "comme des millions de Français" et que la mise en cause du président de la République était à la limite du ridicule.
De son côté, la droite a fustigé le comportement de Ségolène Royal avec des attaques d'une rare violence : François Fillon a expliqué qu'elle avait perdu "le contrôle d'elle-même", le porte-parole de l'UMP, Frédéric Lefebvre a suggéré une "aide psychologique" pour l'aider à surmonter un cambriolage visiblement traumatisant. Le président de l'Assemblée nationale, lui-même, est monté au créneau en dénonçant des propos d'un "niveau de stupidité affligeant".

Quand Claude Guéant joue les informateurs anonymes auprès de la presse

L'affaire est donc entendue : Ségolène Royal a accusé sans preuves, la droite et la presse dénoncent un dérapage. Même Libération explique qu'il s'agit d'un banal cambriolage. Sauf que le site ArrêtSurImages.net a mené l'enquête et découvert que le secrétaire générale de l'Elysée en personne avait orchestré un contre-feu surprenant, prouvant ainsi la gêne du pouvoir. Car malgré la virulence de la contre-attaque médiatique de la droite, les faits sont là : deux cambriolages, aucun objet volé, et une mise en scène destinée à intimider Ségolène Royal avec le PV déchiré de la première plainte.
Une information surprise vient alors changé la donne, comme le souligne Arrêt sur Images, qui a restitué la chronologie des informations. Deux jours après l'accusation de Ségolène Royal, une dépêche Reuters en date du 10 juillet 2008 précise qu'"une suspecte de droit commun a été identifiée comme le possible auteur du cambriolage du domicile de Ségolène Royal en août 2006 à Boulogne-Billancourt (Hauts-de-Seine)". La suspecte serait activement recherchée. L'information est d'autant plus surprenante que la première affaire est officiellement close depuis mars 2007. Evoquant ce rebondissement, le journal Libération explique qu'il tient cette information d'un "proche collaborateur de Nicolas Sarkozy". Après enquête, Arrêt Sur Images dévoile le nom de cet informateur qui avait requis l'anonymat : il s'agit de Claude Guéant, secrétaire général de l'Elysée et ancien directeur de la police nationale. Les deux journalistes de Reuters et de Libération avaient en effet déjeuné avec lui quelques heures plus tôt.

Trois jours après le deuxième cambriolage, la première affaire est ré-ouverte

La chronologie des faits est troublante : une empreinte avait été relevée lors du premier cambriolage mais les recherches de la police n'avaient rien donné. Et surprise, alors que l'affaire judiciaire est close, la police a trouvé l'identité de l'intrus du premier cambriolage en faisant une nouvelle recherche dans ses fichiers le 30 juin 2008, trois jours après le deuxième cambriolage. Il s'agirait d'une jeune femme, connue des services de police pour de multiples vols. L'information a fait sourire l'avocat de Ségolène Royal : la première affaire était censée être close depuis plus d'un an, et la présumée coupable, connue pour de multiples cambriolages, aurait fait exception pour Ségolène Royal en ne lui dérobant aucun objet. S'agissant de la deuxième affaire, deux empreintes ont été prélevées et sont toujours en cours d'analyse.




L'affaire, résumée par Arrêt Sur Images sous le nom de "RoyalGate", n'est donc pas aussi simple. Certes, il n'y a pas de preuves directes de l'intimidation politique. Mais un faisceau d'indices vient contredire la version de deux banals cambriolages. Et l'ampleur de la double contre-attaque de la droite surprend : médiatiquement, des responsables de premier plan ont tiré à boulets rouges sur Ségolène Royal. Et en coulisse, le plus proche collaborateur du chef de l'Etat s'est activé pour banaliser l'importance du premier cambriolage en le faisant passer pour un fait divers. La droite a donc sorti l'artillerie lourde pour ce qui est censée n'être qu'une banale histoire de cambriolage.



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> Pourquoi Ségolène Royal a-t-elle été condamnée par la justice en avril 2008 ?

Justice et Royal

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