Le casse-tête du temps de parole du président

Zapping radio · 3 oct. 2007 à 20:55

Le temps de parole du président

Face à l'omniprésence médiatique de Nicolas Sarkozy, la gauche tente de contre-attaquer. La semaine dernière, François Hollande a envoyé un courrier au CSA, stipulant qu'il fallait prendre en compte "le temps d'exposition médiatique du président" au même titre que celui du gouvernement. De même, le PS souhaiterait que le temps d'expression publique des collaborateurs du président comme David Martinon ou Claude Guéant soit également décompté du temps de parole de la majorité. Le CSA vient de rejeter la demande du PS. Dans sa chronique sur France Culture, Olivier Duhamel revient sur le casse-tête du décompte du temps de parole du président.

La règle des 3 tiers

Le déséquilibre du traitement médiatique entre le chef de l'Etat et l'opposition est une question de démocratie. La règle en vigueur est celle des 3 tiers : un tiers pour les membres du gouvernement, un tiers pour la majorité parlementaire et un tiers pour l'opposition. En réalité, les membres du gouvernement monopolisaient le temps de la parole de la majorité. Cette règle a donc été assouplie, le temps de parole du gouvernement et de la majorité est plus ou moins additionné afin de libérer un temps d'antenne pour les partis politiques qui ne sont pas représentés à l'Assemblée nationale.

Le temps de parole président n'est pas comptabilisé

Le temps de parole du président n'est pas pris en compte dans ces calculs. Le conseil d'Etat a confirmé la position du CSA dans un arrêté de 2005 : "En raison de la place, qui conformément à la tradition républicaine et celle du chef de l'Etat dans l'organisation constitutionnelle des pouvoirs publics, le président de la République ne s'exprime pas au nom d'un parti ou d'un groupement politique (...) le CSA a donc exclu à bon droit la prise en compte dans ce cadre des interventions du président de la République".

D'un président-arbitre à un président omniprésent

A partir du moment où la tradition républicaine du président-arbitre est remise en cause et que celui-ci devient le véritable chef de la majorité, le temps de parole du président de la République doit être comptabilisé. La question ne se posait pas pour les prédécesseurs de Nicolas Sarkozy. Ainsi, le CSA a calculé, qu'hors élection, les présidents de la République n'ont pris que 7% du temps de parole politique de 1989 à 2005. François Mitterrand et Jacques Chirac s'exprimaient peu, afin de donner plus de poids à leur prise de parole.
Cependant, la situation a changé. L'omniprésence médiatique de Nicolas Sarkozy n'est plus à démontrer. Selon le dernier baromètre Ina'Stat, établi par l'Institut national de l'audiovisuel (INA), le nouveau président de la République est apparu 224 fois de mai à août, contre 94 pour Jacques Chirac sur la même période, en 1995. Ce classement, qui prend en compte les éditions d'information du soir des six chaînes nationales hertziennes, comptabilise le nombre de passages dans les JT qu'elle qu'en soit la forme.

Le refus du CSA de comptabiliser le temps de parole

Dans une lettre rendue publique à la presse, le président du CSA, Michel Boyon, a refusé la demande du PS de comptabiliser le temps de parole du président en se référant à l'avis du conseil d'Etat de 2005. Si le CSA réfléchit à une réforme de cette règle des trois tiers, sa position n'est toujours pas arrêtée. En outre, le nouveau paysage politique complique la tâche du décompte du temps de parole. Par exemple, le MoDem refuse d'être classé dans la majorité ou dans l'opposition.

Le refus du CSA ne change rien. La présence quasi-permanente de Nicolas Sarkozy dans les médias pose un problème de démocratie, d'équité, entre les différences forces politiques. Une réforme du décompte du temps de parole apparaît indispensable. Mais il serait tout aussi indispensable que l'opposition se remette en question. Il serait malhonnête de dire que tous les journalistes sont à la botte du pouvoir. L'absence médiatique de l'opposition est aussi proportionnelle à l'absence de propositions concrètes de la gauche et à son incapacité à mobiliser l'opinion. En n'imposant pas ses thématiques, l'opposition se voit contrainte de ne faire que suivre le tempo imprimé par un président de la République qui fait l'actualité.

*** Liens

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