Télévision · 18 juin 2007 à 21:17
Tous les médias promettaient une vague bleue. Elle n'a pas eu lieu. Quelles sont les raisons de ce reflux ? Comment la gauche a-t-elle réussi à gagner une cinquantaine de sièges par rapport à 2002 alors que tout le monde prévoyait une lourde défaite ? De manière paradoxale, la gauche perd ses législatives mais gagne ce second tour. Trois raisons principales expliquent ce retournement de situation : la polémique sur la TVA sociale, la mobilisation des électeurs de gauche et le bon report de voix du MoDem sur les candidats socialistes.
Les invités de C dans l'air, Christophe Barbier, Roland Cayrol et Pierre Giacometti ont tenté d'analyser les raisons de cette victoire de la gauche au second tour de ces législatives. L'émission était intitulée « 3 divorces et une élection » en référence aux trois ruptures : fin de l'état de grâce pour Nicolas Sarkozy, démission d'Alain Juppé et séparation du couple Royal/Hollande.
En France, environ 200 circonscriptions se jouent à 1% ou 2% selon Christophe Barbier. Il suffit de peu de choses pour les faire basculer. Ainsi, Alain Juppé a perdu à seulement 670 voix près, Arnaud Montebourg a gagné avec moins de 200 voix de plus. C'était également très serré pour Jean-Louis Bianco. La gauche a gagné plus d'une cinquantaine de députés par rapport à 2002. Par conséquent, il suffit toujours de peu de choses pour que tout bascule. C'est justement ce qui s'est passé.
Roland Cayrol, directeur de l'institut de sondage CSA, explique que la gauche a gagné les élections du deuxième tour des législatives. Sur les 467 circonscriptions qui organisaient un second tour, la gauche obtient 50,2% des voix. Après les 3 défaites des deux tours de la présidentielle et du premier tour des législatives, il s'agit véritablement d'une victoire électorale. Comme au premier tour, l'UMP avait déjà eu 107 élus, la droite obtient une majorité absolue à l'Assemblée nationale. Pour la première fois depuis 25 ans, une majorité sortante est reconduite, c'est donc historique.
Mais le correctif du deuxième tour est également historique. Dans ces 467 circonscriptions, la gauche et l'extrême gauche ne faisaient que 43% au premier tour. Or, au deuxième tour, la gauche atteint 50,2%. Le retournement de situation est donc spectaculaire.
Le taux d'abstention a franchi un nouveau record : 40,01%. Et pourtant les médias parlent d'une mobilisation à gauche. Cette situation paradoxale cache des spécificités locales. Les élections législatives, bien que nationales, ont une dimension locale à ne pas négliger. Autrement dit, si l'abstention est forte à l'échelle nationale, à l'échelle locale, dans les circonscriptions ou la bataille était serrée, la mobilisation de la gauche a été beaucoup plus forte. En revanche, dans les circonscriptions où il n'y avait pas de suspense, il y a eu une faible mobilisation.
Par exemple, Arnaud Montebourg (PS) était en ballotage très défavorable. Le rapport de force à l'issue du premier tour des législatives indiquait qu'il ne pouvait espérer que 47% des voix. Finalement, il a été élu de justesse, avec 50,3% grâce à une forte mobilisation puisque le taux de participation, dans sa circonscription, a augmenté de plus de 5% entre les deux tours.
Jean-Pierre Raffarin a déclaré que la TVA sociale avait fait perdre 60 députés à la droite. La polémique sur la TVA sociale est la principale raison de ce retournement de situation selon Roland Cayrol. A plus de 60%, les Français se sont prononcés contre la TVA sociale. Le directeur de l'institut CSA a illustré son propos par une anecdote : lors d'une réunion qualitative, un patron de bistro a expliqué qu'en 2002, il avait voté Le Pen, en 2007 Sarkozy mais que pour la première fois de sa vie, il avait voté socialiste car il ne voulait pas se faire avoir avec une hausse de la TVA. Cette mesure a braqué les gens. Pour les français, hausse de la TVA signifie automatiquement hausse des prix. Avec cette polémique, l'électorat populaire est revenu vers le PS.
Pierre Giacometti considère quant à lui qu'il y aurait eu, TVA sociale ou pas, un correctif au second tour. Dans les derniers jours de la campagne, l'institut IPSOS a repéré une hausse de la cote des députés socialistes. A partir de jeudi, les reports de voix du MoDem sont devenus très largement favorables à la gauche. La TVA sociale a sans doute accéléré ce phénomène. Mais en réalité, au premier tour, les réserves de voix se situaient à gauche, alors que la droite avait déjà fait le plein des voix.
Avec une participation égale à l'échelle nationale, même si localement la mobilisation à gauche a été parfois plus forte, la demi-victoire de la gauche ne peut s'expliquer que par un transfert de voix. Le Mouvement Démocrate de François Bayrou a joué un rôle décisif. En se prononçant pour la défense du pluralisme, tous les candidats MoDem laissaient entendre à leurs électeurs qu'il fallait voter pour le candidat socialiste. Ce transfert est particulièrement visible dans certaines circonscriptions, notamment à Bordeaux. Les électeurs du MoDem ont massivement voté pour la candidate socialiste, Michèle Delauney, au détriment d'Alain Juppé. Autre exemple : à Paris, le député vert Yves Cochet n'avait un potentiel que de 43% des voix à l'issue du premier tour. Or, il est élu avec 57,2%. Cet écart s'explique par le très bon report de voix des 18,4% du MoDem de Marielle de Sarnez.
Selon une enquête de l'institut CSA, 55% des électeurs centristes ont voté pour un candidat de gauche, 28% pour un candidat de droite et 17% se sont abstenus ou ont voté blanc. Avec ces élections législatives, il apparaît donc que les électeurs du MoDem ont une influence importante dans le résultat d'une élection.
Même si la droite obtient la majorité absolue, la contre-performance de ce deuxième tour constitue bien un avertissement à Nicolas Sarkozy qui devra faire preuve de davantage de pédagogie pour que l'opinion accepte les réformes prévues.
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