Avant de quitter l'Elysée, Sarkozy a distribué les 19 millions d'euros de la "réserve ministérielle"

Le Canard enchaîné · 23 déc. 2012 à 14:10 · Commentaires 0

Sarkozy et la cagnotte ministérielle

Le 15 mai, la caisse était vide. Lorsque Nicolas Sarkozy a quitté la présidence de la République, la réserve ministérielle gérée directement par l'Elysée avait été entièrement utilisée. Près de 19 millions d'euros de subventions ont ainsi été distribués en à peine cinq mois alors que la tradition républicaine veut que l'équipe sortante ne dilapide pas tous les fonds votés sur une année. Et selon Le Canard enchaîné, la distribution de ses fonds, qui s'est accélérée dans les jours qui ont précédé la passation de pouvoir, a majoritairement favorisé... des élus UMP.

Qu'est-ce que la réserve ministérielle ?

Chaque année, environ 120 millions d'euros du budget de l'Etat sont mis à la disposition des députés pour financer, sur justificatif, des aménagements de voiries, la rénovation de bâtiments vétustes, des réparations d'infrastructures. C'est ce qu'on appelle la réserve parlementaire. En 2008, Le Canard enchaîné révèle que l'Elysée a procédé à un petit tour de passe-passe budgétaire en récupérant discrètement 20 millions d'euros sur les 120 millions d'euros annuels de la réserve parlementaire. A l'origine, ces 20 millions d'euros étaient partagés entre le ministère des Finances et le ministère de l'Intérieur. Pourquoi ces fonds ont-ils été récupérés par Sarkozy ? Interrogé par Le Canard enchaîné à l'époque, un fonctionnaire de la place Beauvau dénonçait "le fait du prince". Ce qui n'a pas empêché de Sarkozy de distribuer ces subventions chaque année.

627 subventions distribuées entre janvier et mai 2012

Selon Le Canard enchaîné, qui s'est procuré la liste des 627 subventions accordées par Sarkozy en 2012, tous les dossiers ont été présentés par des élus UMP, à l'exception du socialiste Claude Bartolone (aujourd'hui président de l'Assemblée nationale), lequel a reçu 114 000 euros pour son département de la Seine-Saint-Denis. Tous les autres dossiers ont été déposés par des élus UMP, preuve que le clientélisme de l'Elysée était rentré dans les mœurs. Qui sont les heureux bénéficiaires de la cagnotte 2012 ? Dans l'Oise, Eric Woerth "a obtenu 340 000 euros pour sa commune de Chantilly, plus connue pour son champ de courses huppé que pour son extrême pauvreté", ironise Le Canard. L'ancien ministre Marc-Philippe Daubresse a quant à lui bénéficié de 300 000 euros pour sa ville de Lambersart dans le Nord. Certains départements ont été mieux fournis que d'autres. Ainsi, en Seine-et-Marne, Jean-François Copé, réélu député en juin 2012, "a décroché 54 subventions pour un montant total de 550 067 euros". Selon le vieil adage, "un arrosage en subventions est bon pour la réélection", la circonscription de l'Aube, détenue par l'UMP François Baroin, a reçu 258 000 euros de subventions. Et Le Canard d'ajouter que "l'Elysée a pris soin d'abreuver quelques élus centristes qui menaçaient de faire sécession avant la présidentielle. Le patron du Nouveau Centre, Hervé Morin, a ainsi touché 167 500 euros pour sa commune d'Epaignes (Eure)". Résultat : au 15 mai 2012, la cagnotte était vidée.

Une cagnotte vide, un article dans le Canard... et c'est tout

L'article du Canard enchaîné a été publié le 21 novembre 2012. Un mois plus tard, que reste-t-il de cette information ? Quasiment rien. Aucun site de presse n'a relayé l'article de l'hebdomadaire. Seul un blog de Mediapart renvoie vers une reprise du site Impots-economie.com, lui-même relayé sur le forum de Jeuxvideo.com ou le blog Lesmoutonsenrages.fr. On trouve également une trace de l'information du Canard sur d'autres sites du même genre, comme Observatoiredessubventions.com. Mais rien sur les sites de presse en ligne. Pourquoi ? Sans doute parce que l'article du Canard est mal tombé : le 21 novembre, jour de sa parution, on était en plein psychodrame de l'UMP. L'équipe de Fillon venait d'annoncer que trois départements avaient été oubliés dans le décompte des voix pour la présidence de l'UMP. De quoi éclipser l'information sur la réserve ministérielle ? Probable, même s'il n'était pas impossible de parler d'autres choses : le 21 novembre, dans sa rubrique Politique, le site HuffingtonPost.fr signalait que Valérie Trierweiler était désormais "soulagée de ne plus être un sujet de polémique". Ca méritait bien une brève, non ?

Janvier 2013 ; retour de la cagnotte ministérielle

Sarkozy parti, que devient la réserve ministérielle gérée par l'Elysée ? "Le Parlement a décidé de doter de 19 millions d'euros pour 2013 la réserve ministérielle consacrée à subventionner des travaux divers d'intérêt local", indique Le Canard. Les élus locaux proches du pouvoir auront donc de nouveau le droit à des petits coups de pouce. Seule différence avec le quinquennat précédent : l'Elysée a décidé de revenir à un fonctionnement "normal". C'est la Direction des collectivités locales du ministère de l'Intérieur "qui prendra désormais la décision d'attribuer ou non les subsides", note Le Canard qui ajoute tout de même que l'Elysée pourra toujours transmettre des consignes. Hollande aurait tort de se priver d'une cagnotte qui n'intéresse pas la presse.


*** Source
- Hervé Liffran, "Le dernier fric frac de Sarko : 19 millions", Le Canard enchaîné n°4804, 21.11.2012

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