Suppression du juge d'instruction : quand Alliot-Marie fait croire que c'est une obligation européenne

Zapping radio · 21 juin 2010 à 22:30

Mensonge d'Alliot-Marie

Au micro de Nicolas Demorand, le 15 juin dernier, sur France Inter, la ministre de la justice, Michèle Alliot-Marie, s'est arrangée avec la vérité pour cacher la volonté non assumée du gouvernement de se débarrasser des juges d'instruction, certainement trop encombrants. Elle a déclaré que la suppression du juge d'instruction était une réponse à une demande des instances européennes. Ce qui est faux...


Et ce n'est pas la presse qui est à l'origine de ces révélations, mais l'avocat-blogueur, Maître Eolas.

Une obligation européenne selon la ministre de la Justice

La semaine dernière, Michèle Alliot-Marie a affirmé sans détour que ces juges sont appelés à disparaître "parce que là, nous sommes dans une obligation européenne. Je vous le disais tout à l'heure, l'obligation européenne, c'est d'avoir un procès équitable. Le principe du procès équitable, c'est notamment que celui qui mène l'enquête n'est pas celui qui porte un jugement sur cette enquête. Et aujourd'hui, avec le juge d'instruction, nous avons un juge qui à la fois mène l'enquête et est juge de l'enquête. Donc même si ça ne concerne aujourd'hui que 3 ou 4% des enquêtes, nous ne sommes pas en conformité avec le droit européen.


Alliot-Marie sur le juge d'instruction, c'est à partir de la 6ème minute

Le juge d'instruction n'est pas juge de l'enquête

Selon la garde des Sceaux, donc, le juge d'instruction serait juge de l'enquête. Or, maître Éolas rappelle que, précisément, un juge d'instruction n'est pas un juge de l'enquête, car seule la chambre de l'instruction est compétente pour juger de la légalité d'une enquête. La chambre d'instruction ne peut être confondue avec le juge d'instruction puisque c'est une formation de jugement d'une cour d'appel contre les décisions, justement, des juges d'instruction et des juges des libertés et de la détention. Pire, si, au cours d'une enquête, le juge d'instruction considère qu'un acte est nul, il n'est pas compétent pour l'annuler, il est obligé d'avoir recours à la chambre de l'instruction.
D'autre part, le juge d'instruction mène comme il l'entend l'enquête qui lui a été confiée par le Parquet ou par une victime se constituant partie civile. En aucun cas le juge ne décide des enquêtes dont il a la charge. Il est obligatoirement saisi, ensuite, c'est lui qui décide de l'opportunité des actes à effectuer, ce qui ne fait encore pas de lui un juge de l'enquête, il mène, comme ses compétences l'y autorisent, l'enquête comme il l'entend.

Le droit européen n'est pas opposé à l'existence du juge d'instruction

Dans son intervention sur France Inter, Michèle Alliot-Marie s'est abritée derrière le droit européen pour justifier la suppression du juge d'instruction. On se souvient que le 7 janvier 2009, lors d'un discours à la rentrée solennelle de la Cour de cassation, Nicolas Sarkozy avait annoncé vouloir supprimer la fonction de juge d'instruction. Dès lors, ce serait les procureurs qui mèneraient l'enquête : "Il est temps que le juge d'instruction cède la place à un juge de l'instruction qui contrôlera le déroulement des enquêtes mais ne les dirigera plus. Toutefois, cette proposition entraine de si vives polémiques que le statu quo apparaît comme la seule issue possible. Mais voilà que près d'un an et demi plus tard, la ministre de la Justice sort de son chapeau une solution providentielle : il faut supprimer le juge d'instruction pour se conformer au droit européen. Le problème, c'est que, comme le souligne Maître Éolas, la cour européenne des droits de l'homme a affirmé le contraire le 29 mars 2010 dans l'arrêt Medvedyev contre la France rendu par la Grande Chambre de la Cour européenne des droits de l'homme, dans l'affaire du « Winner ». En effet, dans cette affaire, la France a démontré le bien-fondé du juge d'instruction et la cour a fini par lui donner raison. Michèle Alliot-Marie connaît bien évidemment cette affaire mais semble l'avoir oubliée. Il est donc faux de dire que la Cour européenne ne reconnaît pas le juge d'instruction. Demorand ne l'a pas relevé, les autres journalistes non plus.

*** Liens

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