Régionales : pourquoi le vote blanc est-il comptabilisé dans l'abstention ?

Questions d'actualité · 19 mar. 2010 à 09:15

Vote blanc aux régionales

Avec une abstention de plus de 50% au premier tour des régionales 2010, la question de la comptabilisation du vote blanc revient dans le débat public. Car se déplacer aux urnes pour exprimer un non-choix et se désintéresser de l'élection en ne se rendant pas au bureau de vote, ce n'est pas la même chose. Or, en France, ces deux événements sont identiques du point de vue statistique : c'est l'abstention, celle qui faire dire à l'UMP que la victoire de la gauche ne veut dire rien dire, celle qui fait dire à la gauche que "les Français en ont marre".


Abstention, vote blanc, vote nul. Comment ça marche ?

Qu'est-ce que le vote blanc ?

Le vote blanc consiste pour un électeur à déposer dans l'urne un bulletin sans aucune mention de candidat. Contrairement à l'idée reçue, glisser une enveloppe vide dans l'urne revient à être comptabilisé dans les "votes nuls". Pour être comptabilisé en "vote blanc", il faut donc bien déposer dans l'enveloppe un papier où il n'y a aucun nom d'inscrit.
A cet égard, l'article L.66 du code électoral est très clair. Extrait : ""ne doit pas être comptabilisé comme suffrages exprimés les bulletins blancs, les bulletins trouvés dans l'urne sans enveloppe, les enveloppes ne contenant aucun bulletin, les bulletins écrits sur du papier couleur, les bulletins avec des commentaires (...)"". Autrement dit, le vote nul est un vote non réglementaire, le vote blanc consiste à mettre un bulletin blanc dans l'enveloppe. Dans les deux cas, le vote est comptabilisé dans l'abstention.

Le vote blanc est connu mais pas reconnu

En l'assimilant à de l'abstention, le vote blanc n'est pas reconnu. Le chiffre est connu puisque chaque bureau de vote doit comptabiliser les votes blancs, mais il n'est pas reconnu officiellement dans la mesure où il est mélangé avec l'abstention.
Pourtant, le vote blanc est un moyen d'expression pensé qui a une signification différente du vote nul, c'est-à-dire d'un électeur qui s'est trompé ou qui a mis un commentaire sur le bulletin sans savoir que ça allait l'invalider. Or, si le vote blanc exprime une défiance à l'égard des candidats, il reconnaît la légitimité de l'élection.

Quelles sont les motivations des électeurs qui votent blanc ?

Selon un sondage du CEVIPOF, 36% de ceux qui votent blanc le font car ils ne se reconnaissent pas dans les candidats, 35% le font car ils sont hostiles à la politique, 20% parce qu'ils n'arrivent pas à choisir leur candidat, 13% par manque d'intérêt et 11% de ceux qui votent blanc le font car ils s'estiment ne pas être assez informés.

Vers la reconnaissance du vote blanc ?

Il existe un parti blanc dont le seul objectif est de faire reconnaître le vote blanc aux élections. Par ailleurs, François Bayrou est l'un des rares candidats à avoir pris position pour la reconnaissance des votes blancs. Le candidat de l'UDF souhaite rendre le vote obligatoire mais s'engage à comptabiliser les votes blancs dans les suffrages exprimés en contrepartie. Ainsi, au moment de la proclamation des résultats du second tour de la présidentielle en 2002, on aurait donné le score de Jacques Chirac, celui de Jean-Marie Le Pen, et le nombre de votes blancs (le taux s'élevait à 5,37% en 2002 au deuxième tour).

En Europe, seul un pays reconnaît officiellement le vote blanc : la Suède. Dans les autres pays du monde, le vote blanc n'est reconnu officiellement que si le vote est obligatoire. C'est le cas du Pérou où l'élection présidentielle peut être annulée si les 2/3 des suffrages exprimés sont blancs ou nuls.

Les problèmes posés par la reconnaissance du vote blanc

En France, selon l'article 7 de la Constitution, le président de la République est élu ""à la majorité des suffrages exprimés"". Or, le vote blanc n'est pas considéré comme un suffrage exprimé et ce pour plusieurs raisons. Si les bulletins blancs étaient comptabilisés, un candidat pourrait alors être élu sans obtenir forcément la majorité absolue. La légitimité de l'élu serait alors en question. De même, lors des élections législatives, comptabiliser le vote blanc reviendrait-il à laisser des places vides à l'Assemblée nationale ? Le débat reste ouvert.


*** Sources
- Olivier Durand, "Le vote blanc, pour un suffrage vraiment universel", L'Harmattan, Paris, 1999
- "Guide du bureau de vote", La documentation française, 2007
- Sondages TNS/Sofres sur les taux d'abstention lors des élections présidentielles

*** Liens

Vote, mode d'emploi
- Qui a le droit de vote en France ?
- Qui fabrique le bulletin de vote ?
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