Baisse des prix dans les grandes surfaces : l'échec de la réforme de Nicolas Sarkozy

Livres politiques · 16 juin 2009 à 23:11

Baisse des prix

Autoproclamé président du pouvoir d'achat, Nicolas Sarkozy a souhaité jouer sur deux variables : l'augmentation des revenus par le biais des heures supplémentaires et la baisse des prix dans la grande distribution.

Mais selon les économistes Pierre Cahuc et André Zylberberg, auteurs de l'essai Les Réformes ratées du président Sarkozy (éditions Flammarion), la baisse des prix ne peut aboutir à cause d'une réglementation qui favorise la concentration et impose trop de contraintes dans les négociations entre fournisseurs et distributeurs. Pour changer la donne, le gouvernement a fait voter la loi de modernisation de l'Economie (LME). Mais celle-ci serait un échec.


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Les réformes ratées du Président Sarkozy

Retour sur l'histoire de la grande distribution

Les auteurs Pierre Cahuc et André Zylberberg rappellent les étapes de la législation de la grande distribution afin de montrer combien il est difficile de faire évoluer la situation.
Au début des années 1970, une cinquantaine de grands magasins s'ouvrent en France menaçant la survie des petits commerces. Pour réguler la concurrence, la loi Royer oblige les surfaces de plus de 400m² à verser une taxe. Pour éviter le développement de ces grands espaces commerciaux, il est désormais obligatoire d'en demander l'autorisation auprès d'une commission départementale d'urbanisme commercial. Toutefois, la grande distribution est parvenue à s'imposer grâce à un subterfuge : elle a demandé la création de petites structures puis a pu les agrandir sans aucune difficulté, en échange de quelques arrangements financiers avec la commune concernée... La loi Royer s'est donc révélée être un échec et les auteurs Pierre Cahuc et André Zylberberg ne manquent pas de donner quelques anecdotes croustillantes pour montrer l'ingéniosité des grands distributeurs qui sont parvenus à s'installer massivement en France en quelques années.
Une vingtaine d'années plus tard, Jean-Pierre Raffarin alors ministre des PME propose une nouvelle loi visant à remettre à l'honneur le commerce et l'artisanat. Il veut lutter à la fois contre le développement des grandes surfaces et l'arrivée du hard discount. Il s'avère finalement que la loi Raffarin protège davantage les grandes surfaces qui proposent les mêmes produits que le hard discount mais à des prix plus élevés. Le petit commerce est donc écarté de ce projet. Puisque la loi Raffarin prévoit des demandes d'autorisation auprès de la commission départementale d'urbanisme commercial pour les surfaces de plus de 300 m², les grands distributeurs ont eu l'idée d'ouvrir de petites surfaces dans les centres-villes, concurrençant directement les commerces de proximité et favorisant une concentration de leurs enseignes. Encore une fois, la loi pour contrer l'établissement des grandes surfaces a échoué.
En 1996, la loi Galland porte sur « la loyauté et l'équilibre des relations commerciales » : les tarifs du fournisseur doivent être publics et identiques pour tous les distributeurs afin d'empêcher les grands groupes de casser les prix. Cette loi a tenté d'équilibrer les rapports entre les producteurs et les grandes surfaces mais a été un frein à la baisse des prix. Le consommateur est le seul à être floué.

Le projet de réforme de Nicolas Sarkozy : favoriser la concurrence

Dès son arrivée à l'Elysée, Nicolas Sarkozy veut réformer les lois Raffarin et Galland afin de permettre une véritable concurrence entre les commerces, l'objectif étant de baisser les prix et de relancer la consommation. Le projet de loi de modernisation de l'économie (loi LME) effraie à la fois fournisseurs, distributeurs et petits commerçants puisqu'elle s'ouvre à une libre concurrence. Les négociations entre fournisseurs et distributeurs ne seraient plus soumises à des contraintes. Les fournisseurs pourraient vendre au prix qu'ils le souhaitent leurs produits aux différents distributeurs, le but étant de faire baisser les prix dans les rayons des surfaces. Mais cette proposition suscite la colère des fournisseurs qui ne seraient plus protégés. Ils demandent qu'une loi les oblige à rendre publique la justification de toute différence tarifaire accordée à un distributeur. Or, cette précision dans la loi serait un frein à la concurrence puisque tout distributeur se rendant compte de la différence de prix pourrait contester le motif et demander à obtenir les mêmes avantages que ses concurrents.

Les députés UMP ont choisi les fournisseurs contre les consommateurs

Les parlementaires, le groupe UMP en tête, est en parfait accord avec les fournisseurs : ils souhaitent également que soient rendues publiques toutes négociations entre fournisseurs et distributeurs. Finalement, le Parlement s'est opposé à la proposition de la loi LME sur le développement des grandes surfaces et a voté plusieurs amendements afin de limiter leurs autorisations et proposé un plus grand pouvoir de décision des maires. L'objectif n'étant pas, pour les députés, de faire baisser les prix des consommateurs mais de permettre aux petits commerçants de survivre.

Au final, Pierre Cahuc et André Zylberberg sont plus que pessimistes sur la situation du commerce de détail. Non seulement la loi ne permet pas de concurrence entre les différentes surfaces mais surtout, les prix restent aussi élevés. Les grandes enseignes ont le monopole et peuvent poursuivre leurs manoeuvres en toute quiétude au détriment du fournisseur et surtout du consommateur, grand perdant dans cette affaire.


Pierre Cahuc et André Zylberberg, Les réformes ratées du Président Sarkozy, Flammarion, 2009, 243 p.

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